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Séjour irrégulier et application de la loi dans le temps

Un étranger ayant fait l’objet d’un placement en rétention administrative ou d’une assignation à résidence ne peut être poursuivi du chef de soustraction à l’exécution d’une décision de reconduite à la frontière que si ces mesures administratives ont pris fin sans qu’il ait été procédé à son éloignement.

par Sébastien Fucinile 20 avril 2015

Par un arrêt du 1er avril 2015, la chambre criminelle rappelle, à propos de l’article L. 624-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile (CESEDA), qu’une loi pénale plus douce s’applique aux faits commis avant son entrée en vigueur et qui n’ont pas donné lieu à une condamnation passée en force de chose jugée, conformément à l’article 112-1, alinéa 3, du code pénal. L’article L. 624-1 a, en effet, été modifié par la loi n° 2012-1560 du 31 décembre 2012 (V. N. Catelan, Droit pénal des étrangers, RSC 2013. 421 ; R. Parizot, Loi relative à la retenue pour vérification du droit au séjour versus avis de la CNCDH : quel bilan ?, AJ pénal 2013. 8 ), pour ajouter que le délit ne pouvait être constitué que si l’intéressé avait fait l’objet « d’une mesure régulière de placement en rétention ou d’assignation à résidence ayant pris fin sans qu’il ait pu être procédé à son éloignement ». La loi du 31 décembre 2012 ajoute par là même au délit de séjour irrégulier une condition préalable qui n’existait pas auparavant, si bien que son champ d’application s’en trouve restreint. Cette nouvelle rédaction étant plus douce que la précédente, elle doit nécessairement s’appliquer aux faits commis avant son entrée en vigueur, dès lors qu’ils n’ont pas encore donné lieu à une condamnation passée en force de chose jugée. Or, la cour d’appel, qui avait pourtant statué le 30 août 2013, s’était fondée sur la rédaction du texte applicable au moment des faits, qui avaient eu lieu en octobre 2012. Par conséquent, la chambre criminelle casse et annule sans renvoi l’arrêt soumis à son examen.

Cette modification du délit de séjour irrégulier était nécessaire afin de se mettre en conformité avec le droit de l’Union européenne. Cette dernière est, en effet, compétente pour adopter une politique commune d’immigration, notamment en matière de séjour irrégulier, en vertu de l’article 79 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (qui reprend l’ancien art. 63 du Traité instituant les Communautés européennes). La directive 2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008 prévoit les différentes mesures à mettre en œuvre pour le retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier. La Cour de justice de l’Union européenne a affirmé que cette directive s’opposait à une réglementation d’un État membre prévoyant une peine d’emprisonnement pour le seul motif que l’étranger demeure sans motif sur le territoire de cet État en violation d’un ordre de le quitter (CJUE 28 avr. 2011, aff. C-61/11, El Dridi, Dalloz actualité, 11 mai 2011, obs. C Fleuriot ; ibid. 1614, chron....

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