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Discrimination indirecte : contrôle judiciaire d’une pratique de l’autorité administrative

Il appartient au juge judiciaire de rechercher si la pratique d’une caisse de retraite ne crée pas de discrimination indirecte en désavantageant particulièrement des personnes d’un sexe au regard des personnes de l’autre sexe, quand bien même cet usage aurait été instauré avec le consentement de l’autorité administrative de tutelle.

par Marie Peyronnetle 18 octobre 2013

Bien qu’en principe, l’âge d’ouverture du droit à pension de retraite dans le régime spécial des personnels de l’Opéra national de Paris soit fixé à soixante ans par le décret n° 2008-659 du 2 juillet 2008, de nombreux travailleurs relevant de ce régime bénéficient, grâce à l’article 6 de ce décret, d’une ouverture des droits à pension à un âge inférieur à soixante ans. Cette dérogation concerne les artistes du ballet (40 ans), les artistes du chant et des chœurs (50 ans), les machinistes, électriciens, régisseurs ayant la responsabilité du spectacle, les pompiers et les emplois reconnus par arrêté ministériel comme comportant des fatigues exceptionnelles (55 ans). Les techniciens de plateau, les personnels des services habillement et perruques-maquillage ne font pas partie des catégories visées par l’article 6 et sont donc légalement soumis à l’âge de soixante ans. Cependant, les techniciens de plateau – qui se trouvent être majoritairement des hommes – bénéficient depuis une trentaine d’années d’un âge d’ouverture des droits à cinquante-cinq ans sans qu’aucun arrêté ministériel n’ait été pris en ce sens. En revanche, les personnels des services habillement et perruques-maquillages – majoritairement des femmes – ne bénéficient pas de cet usage.

Deux syndicats ont donc saisi le juge judiciaire pour faire reconnaître l’existence de cet usage et de la discrimination indirecte à l’égard des femmes qu’il institue. Ils ont été déboutés par la cour d’appel de Paris dans un arrêt du 1er septembre 2011 au motif que cet avantage ne résultait pas, selon elle, d’un usage ni même d’un acte réglementaire mais d’une décision imputable à l’autorité ministérielle de tutelle que le juge judiciaire n’a pas le pouvoir de contrôler.

Le juge judiciaire est-il compétent pour contrôler les décisions d’une caisse de retraite alors qu’il s’agit d’un établissement public sous tutelle du ministère ?

La Cour de cassation, dans cet arrêt du 30 septembre 2013, casse la décision d’appel en rappelant au mot près la solution dégagée par le Tribunal des conflits le 17 octobre 2011 (T. confl., 17 oct. 2011, n° 3828, SCEA du Chéneau c. INAPORC, Dalloz actualité, 31 oct. 2011, obs. R. Grand ; AJDA 2012. 27 , chron. M. Guyomar et X. Domino ; D. 2011. 3046, et les obs. , note F. Donnat ; ibid. 2012. 244, obs. N. Fricero ; RFDA 2011. 1122, concl. J.-D. Sarcelet ; ibid. 1129, note B. Seiller ; ibid. 1136, note A. Roblot-Troizier ; ibid. 2012. 339, étude J.-L. Mestre ; Constitutions 2012. 294, obs. A. Levade ; RTD civ. 2011. 735, obs. P. Remy-Corlay ; RTD eur. 2012. 135, étude D. Ritleng ) : « s’agissant du droit de l’Union européenne, dont le respect constitue une obligation, tant en vertu du Traité sur l’Union européenne et du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne qu’en application de l’article 88-1 de la Constitution, il résulte du principe d’effectivité issu des dispositions de ces Traités, telles qu’elles ont été interprétées par la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE), que le juge national chargé d’appliquer les dispositions du droit de l’Union a l’obligation d’en assurer le plein effet en laissant au besoin inappliquée, de sa propre autorité, toute disposition contraire ; qu’à cet effet, il doit pouvoir, en cas de difficulté...

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