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Clause nulle ou réputée non écrite ? Application de la réforme « Pinel » aux baux en cours

Quand bien même la prescription de l’action en nullité d’une clause excluant le droit à indemnité d’éviction serait acquise antérieurement à la réforme du 18 juin 2014, le bail ayant été signé plus de deux ans avant l’engagement de la procédure, la sanction du réputé non écrit est applicable aux baux en cours.

Un bail signé en 2002, comportait une clause selon laquelle la société locataire n’aurait droit à aucune indemnité d’éviction en cas de congé comportant refus de renouvellement.

La société locataire avait effectivement reçu le 23 septembre 2014 un congé pour le 31 mars 2015.

Pouvait-elle contester la clause la privant de tout droit à indemnité d’éviction ou se heurtait-elle à la prescription biennale acquise en 2004, deux ans après la signature du bail ?

Caractère d’ordre public du droit à indemnité d’éviction

L’article L. 145-15 du code de commerce sanctionne, « quelle qu’en soit la forme, les clauses, stipulations et arrangements qui ont pour effet de faire échec au droit de renouvellement (…) ».

Or, le « droit au renouvellement » doit s’entendre du droit au renouvellement ou à indemnité d’éviction, le propriétaire ayant toujours le choix de refuser le renouvellement, à charge de payer l’indemnité d’éviction (Civ. 3e, 25 nov. 2009, n° 08-21.029, D. 2009. 2931, obs. Y. Rouquet ; Gaz. Pal. 13 mars 2010. 42, note J.-D. Barbier).

Par conséquent, les clauses prohibées sont celles qui font échec au droit au renouvellement ou, comme en l’espèce, au droit à indemnité d’éviction.

Ainsi une clause permettant au propriétaire de résilier le bail en limitant l’indemnité d’éviction à un montant forfaitaire est nulle (Com. 16 juin 1958, Bull. civ. III, n° 248 ; Paris 10 nov. 1955, Gaz. Pal. 27 déc. 1955. 2. Somm. 12), de même que la clause fixant une indemnité forfaitaire égale à un an de loyer, car « elle porte atteinte au droit au renouvellement ou à défaut au paiement de l’indemnité d’éviction » (Paris, 13 févr. 1961, Rev. loyers 1961. 597). Est également nulle la clause d’un bail mixte faisant renoncer le locataire a toute indemnité à l’expiration du contrat (Civ. 3e, 7 oct. 1987, n° 86-11.297). 

Notons toutefois que la Cour de cassation a admis la validité d’une clause selon laquelle l’indemnité d’éviction du locataire principal serait calculée en considération de l’activité du sous-locataire (Civ. 3e, 18 janv. 2023, n° 21-22.209, D. 2023. 1331, obs. M.-P. Dumont ; AJDI 2023. 268 , obs. D. Lipman-W. Boccara ; Administrer 2/2023. 32, note J.-D. Barbier). En effet, une telle clause ne réduit pas le droit à indemnité d’éviction du locataire, mais au contraire le fait profiter du chiffre d’affaires du sous-locataire alors que lui-même, qui a sous-loué la totalité des locaux, n’aurait droit à aucune indemnité d’éviction.

La clause litigieuse était donc nulle, voire réputée non écrite.

Distinction du régime de la nullité et de celui du réputé non écrit

Avant la réforme du 18 juin 2014, l’article L. 145-15 du code de commerce disposait que les clauses, stipulations ou arrangements contraires au droit au renouvellement étaient « nuls et de nul effet ».

Depuis la réforme opérée par la loi du 18 juin 2014, dite « loi Pinel », le texte dispose que les clauses, stipulations et arrangements contraires au droit au renouvellement « sont réputés non écrits ».

La réforme du 18 juin 2014 a ainsi remplacé la sanction de la nullité par celle du réputé non écrit.

Les deux régimes sont bien différents.

En effet, avant la réforme du 18 juin 2014, une clause nulle, qui n’avait pas été attaquée dans le délai de deux ans à compter de la signature du bail, se trouvait indirectement validée par l’effet de la prescription biennale (Civ. 3e, 16 juin 2004, n° 02-18.211, AJDI 2004. 639 ; Gaz. Pal. 15-16 déc. 2006. 35, obs. J.-D. Barbier).

Au contraire, le caractère non écrit d’une clause peut être invoqué en tout état de cause, sans se heurter à aucune prescription. Le réputé non écrit est imprescriptible. « L’action tendant à voir réputée non écrite une clause du bail n’est pas soumise à prescription » (Civ. 3e, 19 nov. 2020, n° 19-20.405, Dalloz actualité, 4 janv. 2021, obs. A. Cayol ; D. 2020. 2342 ; ibid. 2021. 310, obs. R. Boffa et M. Mekki ; ibid. 980, chron. A.-L. Collomp, V. Georget et L. Jariel ; ibid. 1397, obs. M.-P. Dumont ; AJDI 2021. 513 , obs. J.-P. Blatter ; Rev. prat. rec. 2021. 25, chron. E. Morgantini et P. Rubellin ; RTD civ. 2021. 124, obs. H. Barbier ; Administrer 12/2020. 39, note J.-D. Barbier ; v. aussi, S. Gaudemet, La clause réputée non écrite, Economica 2006 ; J.-D. Barbier, La sanction de l’ordre public statutaire : les clauses réputées non écrites, Loyers et copr. sept. 2014. Dossier n° 8).

Or, les propriétaires faisaient valoir que le bail et la clause litigieuse avaient été signés en 2002, soit bien avant la réforme du 18 juin 2014 ; que le régime applicable était donc celui de la nullité telle qu’elle était prévue par l’article L. 145-15 du code de commerce dans son ancienne...

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