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Contrat d’avenir : portée de la requalification à l’égard d’une personne publique

Le contrat d’avenir à durée déterminée doit prévoir des actions de formation et d’accompagnement, à défaut de quoi il doit être requalifié en contrat à durée indéterminée, et ce, bien que l’employeur soit une personne publique.

par Bertrand Inesle 17 juin 2014

L’article L. 1242-3 du code du travail autorise le recours à un contrat de travail à durée déterminée pour favoriser le recrutement de certaines catégories de personnes sans emploi ou faire assurer à l’employeur un complément de formation professionnelle au salarié. C’est dans ce cadre que de nombreux contrats aidés ont vu le jour, au titre desquels on trouve le contrat d’avenir (C. trav., anc. art. L. 5134-35). Ce dispositif suscite encore du contentieux, malgré son abrogation par la loi n° 2008-1249 du 1er décembre 2008, en raison des actions en requalification dont il fait l’objet. Mais sur quel fondement cette requalification est-elle obtenue ?

Au visa des articles L. 1242-3, L. 1245-1, L. 5134-41 et L. 5134-47 du code du travail, alors applicables, la Cour de cassation estime qu’il résulte des deux premiers de ces textes que le contrat d’avenir à durée déterminée, conclu au titre des dispositions légales destinées à favoriser le recrutement de certaines catégories de personnes sans emploi, doit remplir les conditions prévues à l’article L. 5134-47 du code du travail, lequel exige qu’il soit prévu par le contrat des actions de formations et d’accompagnement au profit de son titulaire, à défaut de quoi il doit être requalifié en contrat à durée indéterminée.

Le raisonnement suivi par la Cour est tout à fait logique. L’article L. 1242-3 du code du travail ajoute, aux motifs de recours énumérés aux articles L. 1242-1 et L. 1242-2 du même code, des motifs ouvrant l’accès à des contrats à durée déterminée spéciaux dont l’objet est, outre l’accomplissement par le salarié d’une prestation de travail, la fourniture par l’employeur d’une formation ou d’un accompagnement devant favoriser son insertion. L’existence et, plus encore, l’exécution effective de ces devoirs conditionnent la mise en place du contrat à durée déterminée spécial, mais également, via l’article L. 1242-3 précité, le recours licite à un contrat à durée déterminée. Faute d’exister, d’avoir été correctement ou simplement exécutée, l’obligation de formation ou d’accompagnement peut conduire à la requalification du contrat de travail en contrat de travail à durée indéterminée, l’article L. 1245-1 visant expressément le non-respect de l’article L. 1242-3.

L’arrêt est pourtant loin d’être novateur. Il est même devenu classique que le contrat aidé soit requalifié dès lors que l’employeur n’a pas respecté les engagements spécifiques qui caractérisent ce contrat, comme une formation, une orientation professionnelle ou une validation des acquis destinées à réinsérer durablement le salarié (Soc. 30 nov. 2004, n° 01-45.613, Bull. civ. V, n° 305 ; AJDA 2005. 341 ; D. 2004. 16, et les obs. ; ibid. 2005. 2187, obs. C. Willmann, J.-M. Labouz, L. Gamet et V. Antoine-Lemaire ; Dr. soc. 2005. 212, obs. C. Roy-Loustaunau [contrat emploi-solidarité et contrat emploi consolidé] ; 28 juin 2006, nos 04-42.734 et 04-42.815, Bull. civ. V, n° 233 (2 arrêts) D. 2006. 1913 ; Dr. soc. 2006. 1037, obs. C. Roy-Loustaunau [contrat de qualification] ; 28 nov. 2006, n° 05-41.189, Bull. civ. V, n° 358 ; Dr. soc. 2007. 492, obs. C. Roy-Loustaunau [contrat de qualification] ; 12 déc. 2012, n° 11-23.922, Dalloz jurisprudence [contrat emploi consolidé et contrat d’accompagnement dans l’emploi] ; 23 mai 2013, n° 12-14.027, Bull. civ. V, n° 129 ; Dalloz actualité, 7 juin 2013, obs. W. Fraisse ; Dr. soc. 2013. 576, chron. S. Tournaux  ; JCP S 2013. 1371, obs. S. Molla [contrat conclu par une association intermédiaire]). Il n’est, d’ailleurs, guère étonnant que l’arrêt sous analyse reprenne, quasiment mots pour mots, la motivation que la Cour utilise dans le cadre de cette jurisprudence, ce qu’elle a déjà eu l’occasion de faire à propos du contrat d’avenir dans une décision non publiée (Soc. 5 mars 2014, n° 12-26.470, Dalloz jurisprudence).

L’intérêt de la solution est à rechercher dans l’argumentation du demandeur au pourvoi et dans la réponse que lui apporte concrètement la Cour en toute fin de motivation.

À l’appui du pourvoi, était invoquée la décision du Conseil constitutionnel par laquelle a été examinée la conformité à la Constitution des emplois d’avenir créés par la loi n° 2012-1189 du 26 octobre 2012 (Cons. const., 24 oct. 2012, n° 2012-656 DC, Dalloz actualité, 28 oct. 2012, obs. M.-C. de Montecler , note F. Melleray ; RFDA 2013. 1, étude B. Genevois ; Constitutions 2013. 202, obs. Y. Saccucci ). Le Conseil a émis une réserve d’interprétation eu égard à la durée des contrats associés à un emploi d’avenir (Cons. const., 24 oct. 2012, préc., cons. 16 et 19). Il considère qu’au regard de leurs caractéristiques, si ces contrats de travail étaient conclus par des personnes publiques pour une durée indéterminée, les emplois d’avenir constitueraient, au sens de l’article 6 de la Déclaration de 1789, des emplois publics qui ne peuvent être pourvus qu’en tenant compte de la capacité, des vertus et des talent, mais que tel n’est pas le cas des...

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