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Article de dossier

Responsabilité : focus sur les notions d’ouvrage et de réception

A. Existence d’un ouvrage 

La qualification d’ouvrage, au sens technique du terme, n’est jamais assez discutée. En pratique, dans de très nombreux dossiers, la question de la qualification se pose mais n’est pas abordée. Il est important de se demander si l’on est en présence d’un ouvrage ou de simples travaux.

Quels sont les critères à prendre en compte ? Il n’existe pas de définition légale ou jurisprudentielle de l’ouvrage. Toutefois, des lignes directrices se dégagent des arrêts. La jurisprudence a eu une vision extrêmement extensive de cette notion. Les critères fondamentaux pour la Cour de cassation sont l’atteinte à l’essence du bâtiment et la notion d’immobilisation ; il s’agit de critères techniques liés à la réalité matérielle. 

1. Importance des travaux

L’importance des travaux est une ligne directrice ambiguë. En réalité, ce n’est pas un critère, explique Cyrille Charbonneau. En effet, très souvent, la Cour de cassation fait de l’importance des travaux une sorte de conséquence d’une accumulation de critères.

Quelques exemples d’arrêts, dont on peut se servir dans un sens ou dans un autre :

- Civ. 3e, 4 oct. 2011, n° 10-22.991, RDI 2012. 102, obs. J.-P. Tricoire .

« Attendu, selon l’arrêt attaqué (Grenoble, 8 juin 2010), que les époux X… ont vendu à M. Y…, par acte du 7 mai 1999, un immeuble à usage d’habitation, après avoir fait réaliser des travaux de rénovation de la toiture ; qu’à la suite d’infiltrations d’eaux pluviales dans l’immeuble, M. Y…, condamné à indemniser les copropriétaires auxquels il avait revendu certains lots de l’immeuble, a assigné en garantie les époux X… ;

Attendu que pour accueillir la demande de M. Y…, l’arrêt retient que, par application de l’article 1792-1 du code civil, est réputé constructeur, notamment toute personne qui vend après achèvement, un ouvrage qu’elle a construit ou fait construire et que, dès lors, les époux X…, vendeurs de l’immeuble, sont réputés constructeurs à l’égard de M. Y… et tenus de plein droit des dommages de nature décennale ;

Qu’en statuant ainsi, sans rechercher, comme il le lui était demandé, si les travaux que les époux X… avaient fait réaliser en toiture de l’immeuble étaient assimilables, par leur importance, à des travaux de construction d’un ouvrage, la cour d’appel n’a pas donné de base légale à sa décision. »

Selon Cyrille Charbonneau, cet arrêt peut faire naître un doute. En effet, dans une forme d’interprétation première, on pourrait y voir l’affirmation que certains travaux de toiture, parce qu’ils ne sont pas importants, pourraient ne pas constituer un ouvrage. Or tous les travaux menant à l’altération d’une toiture devraient être constitutifs d’un ouvrage, puisqu’ils touchent à quelque chose qui relève de l’essence du bâtiment. Cyrille Charbonneau voit plutôt dans cet arrêt une pure cassation technique. Néanmoins, il est possible de soutenir l’interprétation inverse. 

- Civ. 3e, 24 janv. 2012, n° 11-13.165, Dalloz jurisprudence.

« Attendu, en deuxième lieu, qu’ayant constaté que M. X… avait procédé au changement des revêtements de sols, à la mise en œuvre de cloisons de doublage et de faux plafonds avec incorporation d’isolant au dernier étage, à la réfection de l’électricité et, de manière originale selon l’expert, au traitement des joints disloqués des entourages des baies vitrées et relevé que la fiche de l’agence portant description du bien indiquait que les velux en toiture étaient neufs, de même que la plomberie, la cour d’appel en a exactement déduit que, par leur importance, ces travaux devaient être assimilés à des travaux de construction d’un ouvrage. »

Cyrille Charbonneau estime que cet arrêt reflète la démarche classique de la Cour de cassation et des juges du fond. Cet arrêt souligne que c’est souvent l’accumulation de certains critères qui permet de conclure à l’existence d’un ouvrage. Cette décision montre également que la problématique de l’ouvrage est collective. En effet, la qualification de l’ouvrage est globalisante : c’est l’addition des lots, entre la déclaration règlementaire d’ouverture de chantier (DROC) et la réception de l’ouvrage, qui permet de déterminer la qualification unique et globale des travaux réalisés. Ainsi, un lot, qui n’est pas en lui-même constitutif de travaux immobiliers, peut être susceptible d’engager la responsabilité décennale des constructeurs, parce que l’addition de l’ensemble des lots constitue un ouvrage. 

Par importance des travaux, il faut entendre l’importance matérielle, l’importance physique d’altération de l’ouvrage. La quantité d’argent utilisée n’est pas une notion déterminante.

2. Atteinte à l’essence du bâtiment

Si l’on porte atteinte à l’essence du bâtiment, la qualification d’ouvrage sera retenue, même s’il s’agit de petits travaux. L’atteinte à l’essence du bâtiment est un critère très casuistique.

- Civ. 3e, 28 mars 2012, n° 11-12.537, RDI 2012. 353 et les obs. .

« Mais attendu, d’une part, qu’ayant constaté que les époux X…, qui avaient fait remplacer par M. Y… l’ancien habillage en acier de la cheminée à foyer fermé par un habillage en marbre et fait réaliser une hotte, dissociable du mur et du plafond sans enlèvement de...

par Caroline Fleuriotle 21 février 2013

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