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Constitutionnalité de la délivrance du permis de communiquer aux seuls avocats nominativement désignés

Sont conformes à la Constitution les dispositions de l’article 115 du code de procédure pénale, qui permettent au juge d’instruction de refuser la délivrance d’un permis de communiquer à un avocat qui n’a pas été nominativement désigné par la personne mise en examen et détenue. 

par Margaux Dominatile 3 juin 2022

Dans une décision QPC du 20 mai 2022, le Conseil constitutionnel a confirmé la conformité de l’article 115 du code de procédure pénale, dans sa rédaction issue de la loi n° 2004-204 du 9 mars 2004, à la Constitution. En somme, cette décision est l’occasion pour le Conseil constitutionnel de contribuer à la détermination des obligations qui pèsent sur la personne mise en examen et détenue, lorsque son avocat appartient à un cabinet composé d’une pluralité de confrères.

L’état du droit lors de la saisine du Conseil constitutionnel

La libre communication de l’avocat avec son client est l’un des pivots des droits de la défense (Conv. EDH, art. 6, § 3, c ; Crim. 12 déc. 2017, n° 17-85.757, Dalloz actualité, 9 janv. 2018, obs. L. Priou-Alibert ; D. 2018. 11 ; ibid. 1611, obs. J. Pradel ; AJ pénal 2018. 157, obs. T. Lefort ). Ce principe ne peut donc souffrir d’exception, même dans le cadre de la détention, en témoigne l’article 25 de la loi n° 2009-1436 du 24 novembre 2009. De ce fait, l’article 115 du code de procédure pénale organise les modalités d’exercice des droits de la défense en matière pénitentiaire, en conditionnant la visite du détenu par son conseil à la délivrance d’un permis de communiquer (C. Guéry, Droit et pratique de l’instruction préparatoire 2022/2023, 11e éd., Dalloz Action, 2022, n° 437.22). Pourtant, force est de constater que cette disposition est vivement critiquée, tant par la Cour européenne des droits de l’homme, qui condamne son formalisme excessif (CEDH 30 juin 2016, Duceau c. France, req. n° 29151/11, Dalloz actualité, 5 juill. 2015, obs. A. Portmann ; sAJ pénal 2016. 484, note S. Lavric ), que par les praticiens, qui dénoncent ses carences face à la réalité de terrain (v. par ex. P. Vouland, Voir son avocat : il faut une loi !, AJ pénal 2021. 497 ).

C’est donc à la jurisprudence qu’est revenu le soin d’apporter des solutions aux difficultés d’application de l’article 115 du code de procédure pénale (Crim. 10 mars 2021, n° 20-86.919, Dalloz actualité, 1er avr. 2021, obs. L. Priou-Alibert ; D. 2021. 528 ; AJ pénal 2021. 217 et les obs. ; 7 janv. 2020, n° 19-86.465, Dalloz actualité, 30 janv. 2020, obs. D. Goetz ; D. 2020. 85 ; AJ pénal 2020. 139, obs. J. Chapelle ).

Pourtant, la chambre criminelle de la Cour de cassation maintient une lecture rigoureuse de cette disposition. Tout récemment encore, elle a exprimé sa position concernant la délivrance d’un permis de communiquer aux collaborateurs et associés de l’avocat désigné : « aucune disposition conventionnelle ou légale ne fait obligation au juge d’instruction de délivrer un permis de communiquer aux collaborateurs ou associés d’un avocat choisi, dès lors qu’ils n’ont pas été personnellement désignés par le mis en examen dans les formes prévues par l’article 115 du code de procédure pénale » (Crim. 15 déc. 2021, n° 21-85.670, Dalloz actualité, 18 janv. 2022, obs. H. Diaz ; AJ pénal 2022. 95, obs. J. Hennebois  ; plus récemment, v. Crim. 4 janv. 2022, n° 21-85.813).

Ces décisions ont déclenché une levée de boucliers chez les avocats, pour qui ce formalisme excessif déniait le principe même d’une collaboration libérale et les difficultés liées à l’exercice de la profession (v. CNB, Résolution portant contre l’insécurité juridique des conditions d’exercice de la profession d’avocat en matière pénale, AG du 14 janv. 2022 ; v. C. Guéry, De la désignation de l’avocat appelant, AJ pénal. 2014. 531 ). Et...

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