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Le droit en débats

L’expropriation en ZAC n’est pas une opération mercantile

Par Frédéric Lévy le 05 Mai 2021

Par deux arrêts rendus le 1er avril 2021 (Civ. 3e, QPC, 1er avr. 2021, nos 20-17.133 et 21.40.004, Dalloz actualité, 26 avr. 2021, obs. G. Hamel ; AJDA 2021. 768 ), la Cour de cassation a décidé de renvoyer au Conseil constitutionnel une question prioritaire de constitutionnalité (QPC) rédigée en ces termes : « Les dispositions de l’article L. 322-2, alinéas 2 et 4, du code de l’expropriation pour cause d’utilité publique relatives aux modalités d’évaluation des indemnités d’expropriation, imposant d’apprécier la nature et l’usage effectif de l’immeuble à une date de référence très antérieure à la date de l’expropriation et interdisant de tenir compte des changements de valeur depuis cette date, sont-elles conformes à l’article 17 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen (DDHC) de 1789 en tant qu’elles ne distinguent pas selon que le bien exproprié a vocation à demeurer dans le patrimoine de l’autorité publique expropriante, ou qu’il est déjà avéré que ce bien exproprié sera revendu par l’expropriant au prix du marché, dans des conditions déjà connues lui permettant de réaliser une plus-value substantielle certaine au détriment des expropriés ? »

Pour justifier le caractère sérieux de cette QPC, la haute juridiction énonce :

« 6. La question posée présente un caractère sérieux.

7. En effet, la règle d’évaluation des biens expropriés selon leur usage effectif à la date de référence et sans prise en compte des changements de valeur intervenus depuis cette date, lorsqu’elle est appliquée à l’évaluation d’un bien destiné à être revendu par l’expropriant dans des conditions déjà déterminées et lui permettant de bénéficier d’une plus-value certaine, est de nature à créer un déséquilibre entre les intérêts de l’exproprié et ceux de l’expropriant, celui-ci étant protégé de la spéculation foncière qui aurait pu bénéficier à l’exproprié, tout en étant assuré d’en tirer lui-même profit. »

D’emblée, le lecteur peut être surpris en constatant que la Cour de cassation semble reconnaître une sorte de droit à la spéculation foncière dont des propriétaires expropriés devraient pouvoir bénéficier au même titre que les autorités expropriantes.

Cette vision nouvelle va exactement à rebours de tous les efforts qui sont actuellement menés par le législateur pour éviter, au contraire, que la spéculation foncière rende impossible la réalisation d’opérations d’aménagement ayant notamment pour objet de permettre d’augmenter l’offre de logements à des prix abordables. Dans un rapport récent sur la proposition de loi « visant à réduire le coût du foncier et à augmenter l’offre de logements accessibles aux Français », les sénatrices Dominique Estrosi Sassone et Valéry Létard donnent des chiffres éloquents. On apprend notamment qu’en 2019, « le prix du logement est 72 % plus élevé qu’en 2000, alors que le revenu disponible des ménages n’a progressé que de 4 % pendant la même période ». Le prix moyen des terrains à bâtir a progressé de 55 % entre 2008 et 2018. Le foncier pèserait aujourd’hui 30 % du prix des logements en Île-de-France. On peine donc à comprendre comment la spéculation foncière pourrait être regardée comme un droit à protéger au titre de l’article 17 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 17891.

Selon la Cour de cassation, l’indemnité en cas d’expropriation pourrait ne pas être juste au regard de cette disposition lorsque l’opération se déroulerait dans le cadre d’une zone d’aménagement concerté (ZAC) et que le terrain exproprié serait destiné à être revendu à des personnes privées à des prix très largement supérieurs au montant de l’indemnité initialement versée à l’exproprié. Dans cette hypothèse, les différents articles du code de l’expropriation pour cause d’utilité publique destinés à protéger les autorités expropriantes contre les effets négatifs de la spéculation foncière pourraient constituer une rupture d’équilibre anormale.

À la lecture de l’avis de l’avocat général Burgaud et des rapports rendus dans le cadre de l’instruction des deux affaires ayant donné lieu à la saisine du Conseil constitutionnel, il semble que la haute juridiction a été fortement influencée par un courant doctrinal qui veut voir dans certaines expropriations une démarche mercantile, guidée par une simple préoccupation d’achat pour revendre, au bénéfice des seules autorités expropriantes2. Curieusement, aucun article de doctrine de nature à pondérer cette vision ne semble avoir été rédigé. On ne peut que le regretter lorsque l’on constate que cette approche mercantiliste traduit une compréhension incomplète de l’aménagement urbain qui mérite une appréciation plus positive.

Il convient d’abord d’insister sur ce qu’est une opération d’aménagement en ZAC, ce qui permettra de constater que les biens qui sont revendus à cette occasion ne sont pas les mêmes que ceux qui ont été expropriés. Il n’y a pas non plus deux sortes d’utilité publique, l’une qui justifierait une forte protection législative et l’autre qui serait prise au nom d’un intérêt général contestable et devrait alors être traitée différemment. Une expropriation est d’utilité publique ou ne l’est pas ! Il n’y a pas de moyen terme. Cela pose la question de la juste indemnité.

Qu’est-ce qu’une ZAC ?

En vertu de l’article L. 311-1 du code de l’urbanisme, « les zones d’aménagement concerté sont les zones à l’intérieur desquelles une collectivité publique ou un établissement public y ayant vocation décide d’intervenir pour réaliser ou faire réaliser l’aménagement et l’équipement des terrains, notamment de ceux que cette collectivité ou cet établissement a acquis ou acquerra en vue de les céder ou de les concéder ultérieurement à des utilisateurs publics ou privés ».

Il n’est pas inutile de relever dès à présent que, dans cette définition, le principe même de revente ultérieure à des utilisateurs publics ou privés participe de la définition de cet outil d’urbanisme. C’est un moyen de recomposition urbaine permettant soit de refaire la ville sur elle-même, soit de transformer des zones situées en périphérie urbaine en les viabilisant et en les transformant en quartier de ville. Une ZAC nécessite toujours, et par principe, des investissements publics importants. Il s’agit d’acquérir du foncier initialement impropre à l’usage auquel on le destine, à le viabiliser, à le remembrer, à réaliser les équipements publics nécessaires à l’utilisation future de la zone par ses habitants, puis à céder les terrains équipés soit aux collectivités publiques qui géreront les espaces ou les ouvrages publics, soit à des opérateurs privés qui construiront les bâtiments destinés à accueillir les futurs utilisateurs. Dans ses conclusions sous l’arrêt Ville de Chamonix-Mont-Blanc, le commissaire du gouvernement S. Lasvignes écrivait : « l’aménagement concerté […] se traduit par une action volontariste. On isole une portion du territoire urbain. On se fixe un objectif d’urbanisation. Pour l’atteindre, on “prépare” le terrain, c’est-à-dire qu’on en restructure s’il y a lieu le parcellaire et qu’on le dote des équipements adaptés au but à atteindre. Enfin, on substitue aux normes du plan d’occupation des sols une planification positive qui n’est que l’expression, sous la forme d’un règlement, du choix d’urbanisme initial. C’est l’ensemble de cette démarche qui fait apparaître un “aménagement”, au sens plein de ce terme, c’est-à-dire un effort d’organisation et d’agencement d’une portion du territoire »3.

Une ZAC est donc une opération d’aménagement d’ensemble au sens de l’article L. 322-3 du code de l’expropriation pour cause d’utilité publique4 qui ne se conçoit que dans sa globalité. Le rapporteur public Lasvignes le précisait encore dans ses conclusions sous l’arrêt Chamonix-Mont-Blanc : « un effort d’organisation et d’agencement d’une portion du territoire [d’]une logique d’une nature différente de celle qui préside à une opération de construction même ambitieuse ».

Une ZAC est aussi une opération globale qui s’apprécie non pas bien par bien, parcelle par parcelle, mais au regard de l’ensemble de son périmètre. On observera d’ailleurs que selon le Conseil d’État, il n’y a pas d’opération d’aménagement s’il n’y a pas de projet global5.

Une conséquence majeure de cette spécificité est que les terrains situés en ZAC, lorsqu’ils sont revendus à des opérateurs privés ne sont, par principe, pas identiques à ceux qui ont été expropriés. Ils ont fait l’objet d’une transformation et leur cession obéit à des règles contraignantes qui s’imposent aussi bien à l’aménageur qu’aux futurs constructeurs. L’article L. 311-6 du code de l’urbanisme prévoit ainsi que « les cessions ou concessions d’usage de terrains à l’intérieur des zones d’aménagement concerté font l’objet d’un cahier des charges qui indique le nombre de mètres carrés de surface de plancher dont la construction est autorisée sur la parcelle cédée. Le cahier des charges peut en outre fixer des prescriptions techniques, urbanistiques et architecturales imposées pour la durée de la réalisation de la zone ». Il s’agit donc d’une convention réglementée et on parle alors non plus de cession de terrains mais de cession de charges foncières.

Cette notion de « charge foncière » est d’ailleurs particulièrement complexe, puisque dans son prix on intègre non seulement le coût d’acquisition du foncier dans l’ensemble de la zone ramenée à une valeur unitaire en considération des différents usages autorisés, mais également le coût des évictions rendues nécessaires pour libérer les terrains, le coût des travaux d’aménagement, celui de la construction des équipements publics, et surtout le montant des participations à prendre en charge par les futurs constructeurs au titre de la réalisation de la zone. Cela place d’ailleurs ces derniers à égalité avec les autres propriétaires de la zone, non expropriés, qui, s’ils veulent construire, doivent aussi payer des participations aux équipements réalisés pour les besoins de l’opération d’aménagement en vertu de l’article L. 311-4 du code de l’urbanisme.

Les tribunaux judiciaires ont ainsi de longue date pris en considération la spécificité des charges foncières vendues par les aménageurs dans le cadre des opérations d’utilité publique. S’est en effet posée devant les juridictions de l’expropriation la question de savoir si ce type de cession pouvait être utilisé comme élément de comparaison pour apprécier la valeur des terrains expropriés. Dans un article publié en 1992, madame Nathalie Campion, alors présidente de la chambre des expropriations de la cour d’appel de Versailles, excluait la prise en considération de ces ventes de charges foncières. Elle en expliquait ainsi la raison6 : « Les cessions de droits à construire sont à écarter systématiquement. En effet, le constructeur, maître de l’ouvrage, a acquis la possibilité de construire sur un terrain donné une surface hors œuvre importante, tous coûts, frais et travail en amont payés, le prix qu’il accepte représente la charge foncière, elle-même constituée, dans les zones d’aménagement concerté, à titre indicatif, des coûts suivants : achat du terrain, paiement des évictions commerciales, frais de notaires, avocats, géomètres, frais de démolition, sondages, travaux de voirie, espaces verts, d’équipements de parking, plafond légal de densité, frais d’architecte, de maîtrise d’œuvre, frais de bureau de contrôle, frais d’assurances, frais financiers, TVA résiduelle ». Cette cause de rejet des charges foncières en ZAC comme termes de comparaison a encore été rappelée dans un arrêt récent de la cour d’appel de Paris7.

Il n’est d’ailleurs pas inutile d’insister sur le fait que cette exclusion des ventes de charges foncières comme termes de comparaison n’est pas décidée par les tribunaux en application de l’article L. 322-2 du code de l’expropriation pour cause d’utilité publique mais en raison de leur caractère non comparable aux terrains expropriés.

Il ne s’agit donc pas des mêmes biens. Leur consistance matérielle et juridique a changé.

Se pose alors une question de principe : comment prendre en compte une éventuelle plus-value à partager lorsque cette plus-value concerne des immeubles différents ?

Qu’est-ce qu’une indemnité juste ?

En matière d’expropriation, le propriétaire ne reçoit pas un prix mais une indemnité qui est censée réparer le dommage qu’il subit en raison de la cession forcée de son bien. Celle-ci doit couvrir l’intégralité de son préjudice direct, matériel et certain causé par l’expropriation conformément aux prescriptions de l’article L. 321-21 du code de l’expropriation pour cause d’utilité publique. Cette indemnité est destinée à lui restituer sa valeur marchande en considération de sa consistance matérielle et juridique à la date de l’ordonnance d’expropriation.

Comme l’indique le professeur René Hostiou8 « l’indemnité d’expropriation ne doit comprendre que le dommage actuel et certain causé par le fait même de l’éviction et ne peut s’étendre au préjudice incertain et éventuellement qui ne serait donc pas la conséquence directe de l’expropriation ». Le propriétaire doit ainsi être replacé « en même et semblable état », ce qui lui permettra de racheter un bien identique à celui dont il a été dépossédé. Il peut alors réemployer son indemnité en reportant sur son nouveau bien les externalités de valeurs perdues, y compris les plus-values que ce bien est susceptible à nouveau de générer.

À cet égard, il n’est pas inutile de souligner que l’article L. 150 U du code général des impôts confère à l’exproprié un avantage particulier en l’exonérant par ailleurs de la taxation des plus-values qu’il réalise lui-même à l’occasion de l’expropriation dont il fait l’objet, ceci dans le cas où il réemploie son indemnité dans un délai d’un an à compter de son versement.

Le principe de la réparation intégrale constitue ainsi la mesure et la limite du préjudice indemnisable du fait de l’expropriation. Celle-ci ne doit ni appauvrir ni enrichir le propriétaire et c’est au nom de ce principe que la jurisprudence interdit au juge de l’expropriation d’apprécier la valeur du bien en considération de sa vocation future9. Cette règle est d’ailleurs destinée à protéger aussi bien les autorités expropriantes que les expropriés. En effet, certains des terrains acquis par expropriation sont destinés, à l’avenir, à accueillir des espaces ou des ouvrages publics, lesquels, parce qu’ils sont inaliénables, cessent de recevoir une valeur marchande. Devrait-on, au nom de la remise en cause du principe qui veut que l’usage du bien soit figé à une certaine date, admettre qu’une indemnité soit nulle du fait d’une nouvelle destination d’espace public ? Une réponse négative paraît évidente. Mais ce serait pourtant la conséquence logique de la remise en cause du principe posé par l’article L. 322-2 du code de l’expropriation pour cause d’utilité publique.

Il est permis d’être d’autant plus surpris de la nouvelle approche envisagée par la haute juridiction judiciaire que cette dernière a plusieurs fois dans le passé marqué son attachement à ce principe.

Ainsi, dans son rapport de 2008, on lit notamment : « L’indemnité doit être juste, c’est-à-dire qu’elle doit couvrir l’intégralité du préjudice direct, matériel et certain causé par la privation du droit de propriété (C. expr., art. L. 13-13). Son montant est fixé par rapport à la consistance du bien au jour de l’ordonnance portant transfert de propriété, c’est-à-dire en fonction de la valeur réelle du bien exproprié (CEDH 11 avr. 2002, Lallemant c. France, req. n° 46044/99, AJDA 2002. 686 , note R. Hostiou ; ibid. 500, chron. J.-F. Flauss ; AJDI 2012. 93, chron. S. Gilbert  ; 29 mars 2006, Scordino c. Italie, req. n° 36813/97, D. 2004. 2540 , obs. N. Fricero ). Dans des circonstances très diverses, une jurisprudence considérable a défini les principes et méthodes d’une indemnisation intégrale qui n’enrichisse ni n’appauvrisse le propriétaire exproprié ». De même, à deux reprises, la Cour de cassation a refusé de transmettre des questions prioritaires de constitutionnalité au Conseil constitutionnel alors qu’elles étaient fondées sur l’article 17 de la DDHC, ceci au motif qu’elle « ne présente pas de caractère sérieux dès lors que la règle de l’indemnisation des terrains qui ne peuvent recevoir la qualification de terrain à bâtir, à la date de la décision de première instance en fonction de leur usage effectif à la date de référence, est destinée à assurer l’équilibre entre les intérêts des expropriés, indemnisés de leur préjudice certain, et ceux des expropriants, protégés de la spéculation foncière sur les biens concernés par le projet après l’annonce de l’expropriation » (Civ. 3e, QPC, 21 oct. 2010, n° 10-40.038, Bull. QPC n° 3 ; Dalloz actualité, 9 nov. 2010, obs. G. Forest ; AJDA 2011. 447 , note R. Hostiou ; ibid. 2010. 2028 ; AJDI 2011. 111, chron. S. Gilbert ; ibid. 2012. 93, chron. S. Gilbert ; ibid. 2016. 101, étude S. Gilbert  ; 10 juill. 2012, n° 12-40.044).

Aujourd’hui, donc, la haute juridiction semble revenir sur sa position. Elle limite toutefois son interrogation au cas où des terrains ne feraient que transiter dans le patrimoine de l’autorité expropriante en étant revendus immédiatement à des personnes privées moyennant de substantielles plus-values.

Cependant, cette analyse aurait au moins mérité une étude plus complète sur les prétendus bénéfices que font les aménageurs chargés de la réalisation d’opérations en ZAC car l’expérience que nous avons de ce type d’opération est qu’elles sont très rarement bénéficiaires.

Mais surtout, l’hypothèse d’une revente immédiate d’un bien sans aménagement préalable est marginale. Un texte aussi cardinal que l’article L. 322-2 du code de l’expropriation pour cause d’utilité publique peut-il légitimement être remis en cause au nom d’une situation exceptionnelle ? Car comme cela a été rappelé plus haut, les biens qui sont revendus à l’occasion d’une opération d’aménagement sont nécessairement transformés en considération des objectifs déclarés d’utilité publique. Et, s’ils ne l’étaient pas, c’est l’utilité publique même de l’opération qui s’en trouverait affectée. L’article 17 de la DDHC commande en effet que l’utilité publique soit légalement constatée. En matière d’aménagement, le Conseil d’État le vérifie rigoureusement en considérant qu’il n’y a pas d’opération d’aménagement s’il n’y a pas de projet global10. De même, si un aménageur ne réalise pas les travaux déclarés d’utilité publique pour son opération, les expropriés bénéficient-ils d’une protection législative puisqu’alors l’article L. 421-1 du code de l’expropriation pour cause d’utilité publique leur octroie un droit de rétrocession de leurs biens et, si celui-ci n’est pas restituable, le droit d’être indemnisés de la plus-value que l’autorité expropriante a réalisée à leur place ?11

Il n’y a donc pas d’utilité publique dégradée en cas de revente d’un bien en ZAC et les propriétaires ne sont pas moins bien protégés dans cette hypothèse que dans celle où l’autorité expropriante est appelée à conserver les immeubles dans son patrimoine. La revente de certains terrains aménagés est inhérente à cet outil d’urbanisme. En déclarant d’utilité publique ce type d’opération, on attend de l’aménageur qu’il réalise les travaux qui ont été prévus. Mais, si tel est le cas, il n’existe pas de raison objective de l’exclure du bénéfice des articles destinés à le protéger contre les effets négatifs de la spéculation foncière.

Ce souci de protection est encore plus important aujourd’hui qu’hier car la plupart des ZAC se font aujourd’hui en sites urbains et non plus en périphérie des villes, le principe de zéro artificialisation des sols limitant drastiquement ce type d’opération. Elles se réalisent aussi souvent en zones tendues. Dans un contexte d’augmentation très forte du coût du foncier, il importe alors que les autorités expropriantes en ZAC puissent aussi être protégées de la spéculation foncière. Les textes actuels, en posant le principe de l’indemnisation à la valeur marchande du bien, en refusant les anticipations de valeur en considération de leur usage futur, constituent un équilibre dont l’objet est de réparer intégralement le préjudice causé par l’expropriation sans permettre un enrichissement provoqué par les changements générés par les investissements publics portés par la collectivité. Il y aurait peut-être aussi une atteinte au principe de juste indemnité si l’on demandait à l’autorité expropriante de verser une indemnité qui dépasserait les conséquences directes, actuelles et certaines de l’expropriation.

 

Notes

1. DDHC, art. 17 : « La propriété étant un droit inviolable et sacré, nul ne peut en être privé, si ce n’est lorsque la nécessité publique, légalement constatée, l’exige évidemment, et sous la condition d’une juste et préalable indemnité ».

2. J. Jeanneney, Le détournement des réserves foncières à des fins mercantiles, RFDA 2015. 937  ; D. Labetoulle, L’expropriation pour revendre : les liaisons dangereuses des zones d’aménagement concerté, RFDA 2020. 291  ; R. Hostiou, Au sujet d’une suggestion du président D. Labetoulle et de la plus-value en cas de revente du bien exproprié : le Conseil d’État refuse de transmettre une QPC dirigée contre l’article L. 322-2.

3. Cité par X. Couton, J.-Cl. Géomètre expert - Foncier, Urbanisme, fasc. 75.

4. Civ. 3e, 4 avr. 2019, n° 18-10.989, Dalloz actualité, 18 avr. 2019, obs. R. Grand ; D. 2019. 761 .

5. CE, 6 mai 2009, Commune du Plessis-Trévise, n° 311167, Dalloz actualité, 15 mai 2009, obs. A. Vincent ; Lebon ; AJDA 2009. 959 ; RDI 2009. 438, obs. P. Soler-Couteaux .

6. N. Campion, L’évaluation des ensembles immobiliers dans les grandes cités, AJDI 1992. 432 .

7. Paris, 16 mai 2019, n° 18/02112.

8. Code de l’expropriation commenté, LexisNexis, comm. ss. art. L. 321-1.

9. V. not. Civ. 3e, 9 déc. 1986, n° 79-70.356 P ; 16 nov. 2017, n° 16-23.213.

10. CE 6 mai 2009, Commune de Plessis-Trévise, n° 31167.

11. Civ. 3e, 19 nov. 2008, n° 07-15.705, Bull. civ. III, n° 176 ; Dalloz actualité, 1er déc. 2008, obs. G. Forest ; D. 2008. 3012 ; AJDI 2009. 312 , obs. R. Hostiou ; RDI 2009. 166, obs. C. Morel .