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FAED et FNAEG à l’épreuve du droit de l’Union

Le droit de l’Union européenne implique que la collecte de données biométriques et génétiques nécessite la réunion de suffisamment d’éléments de preuves de l’implication de la personne concernée et de caractériser la nécessité absolue de ces opérations, laquelle s’apprécie au regard de l’objectif poursuivi par la collecte des données sensibles et de l’absence d’un autre moyen aussi efficace pour atteindre cet objectif.

par David Pamart, Magistratle 6 mai 2024

À la suite de menaces de commettre un incendie dans les locaux d’un journal régional, M. A. A. refuse, lors de sa garde à vue, les opérations signalétiques et de prélèvement ADN. Poursuivi notamment pour refus de se soumettre aux opérations de relevés signalétiques et refus de se soumettre à un prélèvement biologique, il est condamné à des peines d’emprisonnement avec sursis.

Il se pourvoit alors en cassation, soutenant que la collecte des données biométriques et génétiques, fondement des incriminations, est contraire à la directive (UE) 2016/680 du 27 avril 2016, telle qu’interprétée par la Cour de justice (CJUE 26 janv. 2023, aff. C-205/21, Dalloz actualité, 8 févr. 2023, obs. C. Crichton ; AJDA 2023. 491, chron. P. Bonneville, C. Gänser et A. Iljic ; D. 2023. 177 ) et à l’article 493 du code de procédure pénale.

Si l’actualité jurisprudentielle concernant les fichiers de police est régulière concernant la question de l’habilitation des personnels pouvant y accéder (Crim. 3 avr. 2024, n° 23-85.513, Dalloz actualité, 30 avr. 2024, obs. B. Durieu ; D. 2024. 679 ; 23 mai 2023, n° 22-83.462, Dalloz actualité, 7 juin 2023, obs. Scherer ; AJ pénal 2023. 392, note D. Pamart ; 12 avr. 2023, n° 22-85.944, Dalloz actualité, 23 mai 2023, obs. M. Pirrotta ; AJ pénal 2023. 247 et les obs. ), c’est ici l’alimentation du fichier qui est contestée.

L’intéressé était poursuivi pour avoir refusé de se soumettre au relevé de ses empreintes afin d’alimenter le Fichier automatisé des empreintes digitales (FAED) et au prélèvement destiné à être analysé pour alimenter le Fichier national automatisé des empreintes génétiques (FNAEG). Afin d’assurer l’alimentation de ces fichiers, le code de procédure pénale prévoit que le refus de se soumettre à ces opérations est puni d’un an d’emprisonnement (art. 55-1 pour le FAED et 706-56 pour le FNAEG) et d’une peine d’amende.

Avant d’examiner les mérites de l’argumentation proposée, quelques rappels concernant ces fichiers et le contrôle classique auxquels ils sont traditionnellement soumis apparaissent utiles.

Le contrôle classique de conventionnalité

Le FAED et FNAEG, une conventionnalité et une constitutionnalité désormais stabilisées

Comme d’autres fichiers, le FAED et le FNAEG ont été contestés comme portant une atteinte disproportionnée au droit au respect de la vie privée protégé par l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’Homme. Collecter et mémoriser des données relatives à la vie privée dans un fichier constitue une ingérence au sens de cet article (CEDH, gr. ch., 4 mai 2000, Rotaru c/ Roumanie, n° 28341/95, AJDA 2000. 1006, chron. J.-F. Flauss ; D. 2001. 1988 , obs. A. Lepage ), et les traitements de données à caractère personnel destinés à permettre aux autorités de conduire une enquête contre leur titulaire ou à recueillir des moyens de preuve dans le cadre d’une procédure judiciaire entrent donc dans son champ d’application (CEDH 2 sept. 2010, Uzun c/ Allemagne, n° 35623/05, §§ 51-52, Dalloz actualité, 20 sept. 2010, obs. S. Lavric ; D. 2011. 724, note H. Matsopoulou ; RSC 2011. 217, obs. D. Roets  ; Dr. pénal 2011. Chron. 3, obs. E. Dreyer ; 17 oct. 2019, Lopez Ribalda et autres c/ Espagne, nos 1874/13 et 8567/13, AJDA 2020. 160, chron. L. Burgorgue-Larsen ; D. 2019. 2039, et les obs. ; ibid. 2021. 207, obs. J.-D. Bretzner et A. Aynès ; AJ pénal 2019. 604, obs. P. Buffon ; Dr. soc. 2021. 503, étude J.-P. Marguénaud et J. Mouly ; RDT 2020. 122, obs. B. Dabosville ; Légipresse 2020. 64, étude G. Loiseau ; RTD civ. 2019. 815, obs. J.-P. Marguénaud ).

Un relevé d’empreintes digitales ou un prélèvement biologique étant une donnée à caractère personnel, le FAED et le FNAEG doivent prévenir toute conservation générale et indifférenciée de leur donnée et en empêcher une utilisation non conforme aux garanties prévues par l’article 8 (CEDH, gr. ch., 4 déc. 2008, S. et Marper c/ Royaume-Uni, nos 30562/04 et 30566/04, Dalloz actualité, 17 déc. 2008, obs. M. Léna ; AJDA 2009. 872, chron. J.-F. Flauss ; D. 2010. 604, obs. J.-C. Galloux et H. Gaumont-Prat ; AJ pénal 2009. 81, obs. G. Roussel ; RFDA 2009. 741, étude S. Peyrou-Pistouley ; RSC 2009. 182, obs. J.-P. Marguénaud ).

Si, concernant le FAED, la France a été condamnée en raison de garanties insuffisantes (CEDH 18 avr. 2013, M. K. c/ France, n° 19522/09, Dalloz actualité, 14 mai 2013, obs. M. Léna ; D. 2013. 1067, et les obs. ; ibid. 2014. 843, obs. J.-C. Galloux et H. Gaumont-Prat ; RSC 2013. 666, obs. D. Roets ), les modifications apportées en 2015 (Décr. n° 2015-1580 du 2 déc. 2015), qui excluent les contraventions et prévoient l’effacement des données en cas de non-lieu, de relaxe ou d’acquittement, ont remédié aux critiques concernant sa conventionnalité.

Le FNAEG a également fait l’objet d’une condamnation (CEDH 22 juin 2017, n° 8806/12, Aycaguer c/ France, AJDA 2017. 1311 ; ibid. 1768, chron. L. Burgorgue-Larsen ; D. 2017. 1363, et les obs. ; AJ pénal 2017. 391, note V. Gautron ), en raison de la durée de conservation des données et de la procédure de leur effacement. Là encore, les modifications apportées à son régime depuis cette condamnation (Décr. n° 2021-1402 du 29 oct. 2021) font que sa conventionnalité est désormais acquise (Crim. 8 déc. 2021, n° 20-84.201, Dalloz actualité, 15 déc. 2021, obs. M. Dominati ; D. 2021. 2234 ; ibid. 2022. 808, obs. J.-C. Galloux et H. Gaumont-Prat ; AJ pénal 2022. 42, obs. J. Chapelle ).

Par ailleurs, le Conseil constitutionnel a déclaré le FNAEG conforme à la Constitution (Cons. const. 16 sept. 2010, n° 2010-25 QPC, Dalloz actualité, 28 sept. 2010, obs. M. Léna ; D. 2012. 308, obs. J.-C. Galloux et H. Gaumont-Prat ; AJ pénal 2010. 545 , étude J. Danet ; 12 nov. 2010, n° 2010-61 QPC).

À ce jour, le régime de ces fichiers ne constitue donc pas une atteinte disproportionnée au droit au respect de la vie privée tel qu’il est énoncé par l’article 8 de la Convention européenne. Cependant, cette conformité de principe n’emporte pas de facto une conventionnalité des incriminations de...

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