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Abus de marché : sanctions administrative et pénale pour les mêmes faits

La charte des droits fondamentaux de l’Union européenne ne s’oppose pas au cumul, pour les mêmes faits, d’une sanction de l’AMF et d’une sanction pénale.

par Sébastien Fucinile 6 février 2014

Pour approuver le cumul d’une sanction administrative prononcée par l’autorité des marchés financiers (AMF) et d’une sanction pénale, la chambre criminelle a affirmé, par un arrêt du 22 janvier 2014, que « l’article 50 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne ne s’oppose pas à ce qu’une personne sanctionnée pour un manquement relevant de la compétence de l’AMF puisse, en raison des mêmes faits, être poursuivie et condamnée pour un délit dès lors que, d’une part, ce cumul garantit la sanction effective, proportionnée et dissuasive, au sens de l’article 14-1 de la directive n° 2003/6/CE du 28 janvier 2003, dont dépend la réalisation de l’objectif d’intérêt général reconnu par l’Union européenne, entrant dans les prévisions de l’article 52 de la charte et tendant à assurer l’intégrité des marchés financiers communautaires et à renforcer la confiance des investisseurs, d’autre part, le montant global des amendes susceptibles d’être prononcées ne peut dépasser le plafond de la sanction encourue la plus élevée ». Cette motivation relativement étayée, écartant le droit à ne pas être jugé deux fois, appelle plusieurs observations.

La chambre criminelle s’est seulement fondée sur la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne pour approuver le cumul de ces sanctions. Il s’agissait en effet, en l’espèce, de la mise en œuvre du droit de l’Union européenne, condition rendant applicable la charte des droits fondamentaux à l’égard des États membres en vertu de l’article 51 de la charte. La sanction des abus de marché telle qu’elle existe en droit interne constitue la mise en œuvre de la directive 2003/6/CE du parlement européen et du Conseil du 28 janvier 2003 sur les opérations d’initié et les manipulations de marché (abus de marché). La charte des droits fondamentaux est donc invocable devant le juge français s’agissant des sanctions administratives et pénales réprimant les abus de marché.

Il n’est pas contesté que la sanction administrative et la sanction pénale ont toutes deux visé à réprimer le même fait ni que ces sanctions visent à interdire le même comportement mais la chambre criminelle a malgré tout approuvé ce cumul. À l’occasion d’une question préjudicielle, la Cour de justice de l’Union européenne a récemment affirmé que le principe non bis in idem ne s’oppose pas au cumul, pour les mêmes faits, d’une sanction fiscale et d’une sanction pénale, « dans la mesure où la première sanction ne revêt pas un caractère pénal » (CJUE 26 févr. 2013, Aklagaren c. Hans Akerberg Fransson, aff. C-617/10, § 37 ; AJDA 2013. 1154, chron. M. Aubert, E. Broussy et H. Cassagnabère ; AJ pénal 2013. 270 , note C. Copain ; RFDA 2013. 1231, chron. C. Mayeur-Carpentier, L. Clément-Wilz et F. Martucci ; RTD eur. 2013. 267, note D. Ritleng ). La Cour de justice n’approuve donc le cumul, pour ce qui est de la question qui lui était posée, qu’à partir du moment où la sanction fiscale ne revêt pas un caractère pénal. Or elle rappelle juste avant le sens qui doit être donné à la notion de « sanction pénale », qui est exactement le même que le sens qu’en donne la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH 8 juin 1976, Engel c. Pays-Bas, req. n° 5370/72) : doivent être pris en considération la qualification juridique en droit interne, la nature de la sanction et la nature et le degré de sévérité de la sanction (V., sur cette définition, CJUE 5 juin 2012, Bonda, aff. C-489/10). Si notre droit interne qualifie les sanctions de l’AMF de sanctions administratives, les deux autres critères doivent trouver à s’appliquer. La violation que sanctionne l’AMF est un abus de marché, tel que défini à l’article 621-1, 1°, du règlement général de l’AMF, et est ainsi identique à la violation sanctionnée par l’infraction pénale prévue à l’article L....

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