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Dossier 

Réforme de la procédure civile

Nombre de décrets de décembre 2019 ont largement redéfini l’organisation judiciaire et les règles de procédure applicables devant les juridictions judiciaires. Le présent dossier rassemble l’ensemble des contributions relatives à la réforme de la procédure civile, à la procédure applicable aux divorces contentieux et à la séparation de corps ou au divorce sans intervention judiciaire, et à la procédure accélérée au fond devant les juridictions judiciaires.

Ce dossier est également l’occasion de mettre à la disposition des praticiens une sélection de modèles d’actes à jour de la réforme

Cas de recours préalable obligatoire aux modes de résolution amiable des différends

Le décret n° 2019-1333 du 11 décembre 2019 réformant la procédure civile a été publié au Journal officiel du 12 décembre. Il précise les cas dans lesquels le demandeur devra justifier, avant de saisir la justice, d’une tentative de conciliation, de médiation ou de procédure participative, à peine d’irrecevabilité que le juge peut prononcer d’office.

 

Le décret n° 2019-1333 du 11 décembre 2019 poursuit, en matière de recours obligatoire aux modes de résolution amiable des différends avant la saisine du juge, l’œuvre initiée par la loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016 dite « Justice du XXIe siècle » et développée par la loi n° 2019-222 du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme de la justice.

L’idée n’est pas nouvelle. Le député Prugnon l’avait fort bien résumée à la tribune de l’Assemblée nationale constituante le 7 juillet 1790 : « rendre la justice n’est que la seconde dette de la société ; empêcher les procès, c’est la première et il faut que la société dise aux parties : pour arriver au temple de la justice, passez par celui de la concorde » (L. J. Prugnon, Archives parlementaires, tome XVI, p. 739). Depuis, le législateur, lato sensu, a régulièrement repris cette double idée : développer les modes de résolution amiable des différends et inciter à y recourir en amont du procès. Il faut reconnaître que ces modes de résolution présentent certains avantages par rapport à la justice étatique. Ils permettent, notamment, une solution plus rapide et plus pérenne. Pourtant les « poches de résistance » sont nombreuses et les modes de résolution amiable des différends ne rencontrent pas le succès escompté ; les réticences seraient, d’ailleurs, en grande partie culturelles (Dalloz actualité, 16 juill. 2018, obs. T. Coustet).

Qu’à cela ne tienne. Éduquer prend du temps et la justice n’en a que raisonnablement. Si le justiciable ne peut entendre qu’il peut se concilier pour son bien, il devra entendre qu’il doit se concilier pour le bien de tous, et poursuivre l’effort général en vue de la résorption de la crise de la justice. Car toute résolution amiable de différend, surtout quand elle intervient préalablement à la saisine du juge, évite d’asphyxier davantage une institution sur-sollicitée, en manque de moyens financiers et humains.

Le législateur passe alors de l’incitation à l’obligation, comme avec l’article 4 de la loi du 18 novembre 2016. Cet article – qui n’a pas été codifié – impose un préalable de conciliation devant un conciliateur de justice en cas de saisine du tribunal d’instance par déclaration, mode d’introduction facultatif pour les litiges inférieurs à 4 000 €, sauf dans trois situations, pour lesquelles une telle conciliation ne serait pas pertinente. La sanction est alors l’irrecevabilité que le juge peut prononcer d’office. La loi du 23 mars 2019 a réécrit cet article 4, dont la nouvelle mouture entrera en vigueur le 1er janvier 2020. Tout d’abord, elle élargit les hypothèses de recours préalable obligatoire à un mode de résolution amiable des différends. Exigé en cas de saisine du tribunal judiciaire, ce recours doit précéder toutes les demandes tendant au paiement d’une somme n’excédant pas un certain montant mais aussi aux demandes relatives à un conflit de voisinage, toujours sous la même sanction. Le soin est alors laissé au pouvoir réglementaire de définir ce montant et le champs des conflits de voisinage. De plus, la loi du 23 mars 2019 prévoit que le justiciable pourra recourir, à son choix, à la conciliation par un conciliateur de justice, à la médiation telle que définie par l’article 21 de la loi du 8 février 1995, ou à la procédure participative.

Il ne faut pas se méprendre sur les raisons de la diversification. Il ne s’agit pas tant d’une faveur faite aux justiciables que d’une tentative de prévenir le blocage qui, si l’on avait maintenu le seul recours à la conciliation, serait, à coup sûr, survenu du fait du nombre insuffisant de conciliateurs de justice, qui rappelons-le, sont des bénévoles. En outre, il était impossible d’imposer uniquement le recours à la médiation et la procédure participative, qui sont des modes payants, sans porter une atteinte excessive au droit d’accès à un juge. Le choix laissé entre les trois modes de résolution amiable des différends règle, en théorie, toute difficulté, comme l’a d’ailleurs constaté le Conseil constitutionnel (Cons. const. 21 mars 2019, n° 2019-778 DC, spéc. §§ 19-20, AJDA 2019. 663 ; D. 2019. 910, obs. J.-J. Lemouland et D. Vigneau ; AJ fam. 2019. 172, obs. V. Avena-Robardet ; Constitutions 2019. 40, chron. P. Bachschmidt ).

Toutefois, le domaine du recours préalable obligatoire étant en grande partie celui des petits litiges, il est prévisible que les justiciables se tournent en masse vers la conciliation gratuite et que le blocage évoqué ci-avant, survienne. C’est pourquoi, le législateur de 2019 a précisé que l’exception au recours préalable obligatoire en cas de motif légitime, prévue dès la première version de l’article 4 de la loi du 18 novembre 2016, pourrait notamment s’entendre de l’indisponibilité de conciliateurs de justice dans un délai raisonnable. Le Conseil constitutionnel a trouvé la généralité de ces termes trop dangereuse et n’a admis la constitutionnalité de la disposition que sous réserve que le pouvoir réglementaire définisse la notion de « motif légitime » et précise le « délai raisonnable » d’indisponibilité du conciliateur de justice (Cons. const. 21 mars 2019, n° 2019-778 DC, spéc. § 20).

C’est ce que s’attache à faire le décret n° 2019-1333 du 11 décembre 2019, dont les dispositions entreront en vigueur le 1er janvier 2020. Il précise le domaine d’application du recours préalable obligatoire aux modes de résolution amiable des différends (I) et l’exception tenant au motif légitime et à l’indisponibilité des conciliateurs de justice (II).

I - La précision du domaine du recours préalable obligatoire aux modes de résolution amiable des différends

Dans les dispositions relatives au tribunal judiciaire, et plus particulièrement dans les dispositions communes aux procédures écrites et aux procédures orales, l’article 4 du décret n° 2019-1333 du 11 décembre 2019 insère un chapitre sur l’introduction de l’instance. C’est là que se trouve le futur article 750-1 du code de procédure civile prévoyant un recours préalable obligatoire à un mode de résolution amiable. Cette position dans le code est hautement symbolique. Initialement, le projet de décret avait fait le choix de mettre cette disposition parmi les premiers articles relatifs à la seule procédure orale. En positionnant le futur article 750-1 en tête des dispositions communes, le décret érige le recours préalable à un mode de résolution amiable des différends en principe, qui ne saurait être exclu automatiquement des procédures écrites.

En réalité, on sait depuis la modification de l’article 4 de la loi du 18 novembre 2016 que ce recours est limité à deux hypothèses, que le décret précise.

Sans surprise, il l’est pour les demandes tendant au paiement d’une somme n’excédant pas 5 000 €. Revu à la hausse, ce montant est le nouveau seuil des « petites » demandes – aligné sur le nouveau taux de ressort – se prêtant particulièrement à un rapprochement amiable des positions des parties (Obs. du gouvernement sur la loi de programmation 2018-2022 et de réforme de la justice, reçues au greffe du Conseil constitutionnel le 14 mars 2019, spéc. p. 2).

Le recours préalable à un mode de résolution amiable des différends est également imposé pour les conflits de voisinage (Loi du 18 nov. 2016, art. 4). Dans ses observations adressées au Conseil constitutionnel le 14 mars 2019 sur la loi de programmation 2018-2022 et de réforme de la justice, le gouvernement avait précisé que la notion de conflit de voisinage, qui ne recouvre pas une catégorie définie par la loi, devait s’entendre comme recouvrant les conflits relatifs aux fonds dont les parties sont propriétaires ou occupants titrés et qui relèvent jusqu’au 1er janvier 2020 de la compétence du tribunal d’instance (COJ, art. R. 221-12 et R. 221-16).

C’est donc sans surprise que le futur article 750-1 du code de procédure civile renvoie aux actions mentionnées aux futurs articles R. 211-3-4 et R. 211-3-8 du code de l’organisation judiciaire qui reprennent les actuels articles R. 221-12 et R. 221-16. Ainsi une tentative de résolution amiable est obligatoire avant d’introduire :

- l’action en bornage ;
- les actions relatives à la distance prescrite par la loi, les règlements particuliers et l’usage des lieux pour les plantations ou l’élagage d’arbres ou de haies ;
- les actions relatives aux constructions et travaux mentionnés à l’article 674 du code civil ; 
- les actions relatives au curage des fossés et canaux servant à l’irrigation des propriétés ou au mouvement des usines et moulins ;
- les contestations relatives à l’établissement et à l’exercice des servitudes instituées par les articles L. 152-14 à L. 152-23 du code rural et de la pêche maritime, 640 et 641 du code civil ainsi qu’aux indemnités dues à raison de ces servitudes ;
- les contestations relatives aux servitudes établies au profit des associations syndicales prévues par l’ordonnance n° 2004-632 du 1er juillet 2004 relative aux associations syndicales de propriétaires.

En vertu du futur article D. 212-19-1 du code de l’organisation judiciaire et des futurs tableaux IV-II et IV-III annexés audit code, toutes ces actions relèvent de la compétence matérielle des chambres de proximité.

II - La précision de l’exception tenant au motif légitime

L’alinéa 2 du nouvel article 750-1 du code de procédure civile énonce les situations dans lesquelles la juridiction peut être saisie directement, sans tentative préalable de résolution amiable du différend. Il s’agit, tout d’abord, de l’hypothèse posée par la loi du 18 novembre 2016 suivant laquelle l’une des parties au moins sollicite l’homologation d’un accord (C. pr. civ., art. 750-1, 1°). Il s’agit ensuite des hypothèses ajoutées par la loi du 23 mars 2019 dans lesquelles un recours gracieux ou une tentative de conciliation préalable est déjà imposée par un texte spécifique (C. pr. civ., art. 750-1, 2° et 4°). Il s’agit enfin des situations dans lesquelles l’absence de tentative préalable de résolution amiable des différends est justifiée par un motif légitime (C. pr. civ., art. 750-1, 3°). Comme nous l’avons déjà souligné, la loi du 23 mars 2019 a étayé cette dernière exception. Le motif légitime peut « notamment » résulter de l’indisponibilité des conciliateurs de justice dans un délai raisonnable (Loi du 18 nov. 2016, art. 4). Le décret n° 2019-1333 du 11 décembre 2019 revient sur les notions de « motifs légitime » et de « délai raisonnable ».

Concernant la notion de « motif légitime », il est intéressant de noter que celle-ci, souvent usitée – sept fois dans le code civil et seize fois dans le code de procédure civile – longtemps n’a pas été définie, abandonnée au pouvoir souverain d’appréciation des juges du fond. Les choses ont évolué avec le décret n° 2015-282 du 11 mars 2015. Ce dernier a ajouté aux articles 56 et 58 du code de procédure civile, l’obligation d’inscrire dans l’assignation, la déclaration ou la requête, « les diligences entreprises en vue de parvenir à une résolution amiable du litige ». Il est possible toutefois d’en être dispensé sur justification d’un motif légitime et le texte poursuit : « tenant à l’urgence ou à la matière considérée, en particulier lorsqu’elle intéresse l’ordre public ». Cette précision du motif légitime évite qu’une interprétation trop large ne vide l’exigence de diligences préalables et qu’une interprétation trop stricte ne conduise à une atteinte substantielle au droit au juge.

Le décret n° 2019-1333 du 11 décembre 2019 détaille davantage encore ce que recouvre la notion de « motif légitime ». Il peut s’agir selon le futur article 750-1, 3°, du code de procédure civile, de trois hypothèses.

Tout d’abord, un motif légitime pourra tenir à « l’urgence manifeste ». C’est la première fois qu’apparaît dans le code de procédure civile cette expression et elle pourrait poser quelques difficultés. On imagine par exemple que le demandeur devra spécialement motiver la saisine directe de la juridiction, la démonstration d’une simple situation d’urgence ne pouvant être suffisante. En outre, le président du tribunal judiciaire ou le juge du contentieux de la protection pouvant être saisis en référé « dans tous les cas d’urgence » (C. pr. civ., futur art. 834), faut-il comprendre que si celle-ci n’est pas manifeste, la procédure de référé devra être précédée d’une tentative de résolution amiable du différend ? Deux arguments conduisent à une réponse positive qui peut surprendre. Le nouvel article 750-1 se trouve dans les dispositions communes à la procédure écrite et à la procédure orale et donc aux ordonnances de référés. De plus, depuis le 25 mars 2019, le juge peut enjoindre aux parties, même sans leur accord, de rencontrer un médiateur qu’il désigne en tout état de la procédure même en référé (Loi n° 95-125 du 8 févr. 1995, art. 22-1). Le moyen d’y échapper pourrait être de s’appuyer sur les circonstances de l’espèce.

En effet, c’est la deuxième hypothèse : un motif légitime pourra tenir aux circonstances de l’espèce. Bien que la suite du texte précise ces circonstances, il s’agit d’une hypothèse très ouverte. En effet, il est question de circonstances « nécessitant qu’une décision soit rendue non contradictoirement ». La tentative préalable de résolution amiable du différend est donc pertinemment exclue en cas de procédure d’ordonnance sur requête. Mais surtout, le motif légitime peut tenir aux « circonstances de l’espèce rendant impossible une telle tentative [de résolution amiable] ». La généralité de cette formule laissera la part belle à l’appréciation souveraine des juges du fond.

Enfin, le motif légitime pourra tenir à « l’indisponibilité des conciliateurs de justice. L’article 4 de la loi du 18 novembre 2016 tel qu’il entrera en vigueur le 1er janvier 2020 précise « dans un délai raisonnable ». L’expression n’est dans nouvelle dans les textes de droit interne (bien que n’apparaissant pas dans le code de procédure civile), mais le Conseil constitutionnel a exigé qu’elle soit précisée. Le projet de décret avait choisi alors de la définir de la manière suivante : « qui ne [met] pas en péril les droits du plaideur au regard de la nature et des enjeux du litige ». Il est vrai qu’un droit reconnu tardivement équivaut à une absence de droit (J.-M. Coulon et M.-A. Frison-Roche, Avant-propos, in Le temps dans la procédure, Dalloz, coll. « Thèmes et commentaires », 1996). « Tout retard indu est une injustice envers celui ou ceux qui attende(nt) d’être jugé(s) » (A. Seriaux, Les enjeux éthiques de l’activité de jurisdictio, RRJ 1998-2, p. 445, spéc. p. 450).

Or le décret n° 2019-1333 du 11 décembre 2019 choisit de ne pas retenir cette définition ; plus que cela, il choisit de ne pas définir le délai raisonnable mais l’indisponibilité des conciliateurs de justice. Cette dernière est définie par sa conséquence, à savoir « l’organisation de la première réunion de conciliation dans un délai manifestement excessif au regard de la nature et des enjeux du litige ».

Mais ce choix peut-il satisfaire l’exigence du Conseil constitutionnel ? L’article 4 de la loi du 18 novembre 2016 prévoit toujours un délai raisonnable qui reste non précisé. De plus, ne prendre en compte que la première réunion, n’est-ce pas dangereux pour les droits du plaideur ?

De ces droits, il n’est d’ailleurs plus expressément question. Au mieux, ils se dessinent derrière les enjeux du litige. Enfin, en préférant l’expression « délai manifestement excessif » à celui de « délai raisonnable », on ne peut s’empêcher de penser que le décret cherche à restreindre les exceptions au recours préalable aux modes de résolution amiable des différends. Reste à voir quelle application la pratique en fera.

Géraldine Maugain

Exécution provisoire de droit des décisions de justice

Le décret n° 2019-1333 du 11 décembre 2019 réformant la procédure civile a été publié au Journal officiel du 12 décembre. Il instaure, en son article 3, le principe de l’exécution provisoire de droit.

 

Le décret n° 2019-1333 du 11 décembre 2019 réformant la procédure civile consacre le principe de l’exécution provisoire de plein droit des décisions de justice. Le chapitre IV du titre XV du livre I du code de procédure civile, qui conserve l’intitulé « Exécution provisoire », se voit dorénavant subdivisé en trois sections : la première est relative à l’exécution provisoire de droit, la deuxième à l’exécution provisoire facultative et la troisième prévoit des dispositions communes. Ces nouvelles dispositions ne s’appliqueront, comme il est dit dans les dispositions liminaires, qu’aux décisions rendues sur les instances introduites à compter du 1er janvier 2020.

Le principe de l’exécution provisoire de droit

Le principe est posé par l’article 514 nouveau du code de procédure civile, en ces termes : « Les décisions de première instance sont de droit exécutoires à titre provisoire à moins que la loi ou la décision rendue n’en dispose autrement ».

La première conséquence prévue par le texte est la suppression de toute référence au caractère exécutoire de plein droit de certaines décisions de justice, à commencer par l’ordonnance de référé. Le décret vient donc modifier les termes de l’article 489 du code de procédure civile, en supprimant purement et simplement le premier alinéa. Cet article ne comporte plus qu’un seul alinéa, ainsi rédigé : « En cas de nécessité, le juge peut ordonner que l’exécution de l’ordonnance de référé aura lieu au seul vu de la minute ».

Les exceptions au principe de l’exécution provisoire de droit.

Tout en posant le principe de l’exécution de droit à titre provisoire des décisions rendues en première instance, l’article 514 réserve les cas où la loi ou le juge en décideraient autrement.

Les exceptions « légales »

Au titre des exceptions légales, le nouveau texte vient modifier certaines dispositions du code de procédure civile.

C’est ainsi qu’en matière d’état civil, ne sont pas exécutoire de droit à titre provisoire :

  • les décisions statuant sur la nationalité des personnes physiques (C. pr. civ., art. 1045),
     
  • les décisions statuant sur les demandes de rectification et d’annulation des actes d’état civil (C. pr. civ., art. 1054-1),
     
  • les décisions statuant sur le choix du ou des prénoms en matière de déclaration de naissance (C. pr. civ., art. 1055-3, renvoyant à l’art. 57, al. 3),
     
  • les décisions statuant sur les demandes de changement de prénoms et de nom (C. pr. civ., art. 1055-3, renvoyant à l’article 60, al. 3),
     
  • les décisions statuant sur les demandes en modification de la mention du sexe et, le cas échéant, des prénoms, dans les actes de l’état civil (C. pr. civ., art. 1055-10).

Il en va de même des décisions statuant sur les demandes relatives à la déclaration d’absence d’une personne (C. pr. civ., art. 1067-1)

En matière familiale, il est dit que les décisions du juge aux affaires familiales qui mettent fin à l’instance ne sont pas, de droit, exécutoires à titre provisoire, à moins qu’il n’en soit disposé autrement. À ce titre, les mesures portant sur l’exercice de l’autorité parentale, la pension alimentaire, la contribution à l’entretien et l’éducation de l’enfant et la contribution aux charges du mariage, ainsi que toutes les mesures prises en application de l’article 255 du code civil sont, par exception, exécutoires de droit à titre provisoire (C. pr. civ., art. 1074-1).

Ne bénéficient pas non plus de l’exécution de droit à titre provisoire les décisions statuant sur les demandes relatives à la filiation et aux subsides (C. pr. civ., art. 1149).

Il en va également des décisions statuant sur les demandes relatives à l’adoption (C. pr. civ., art. 1178-1).

Lorsque l’exécution provisoire n’est pas de droit, elle reste néanmoins facultative, à moins qu’elle ne soit interdite par la loi. Elle pourra, en effet, être ordonnée à la demande des parties ou d’office, chaque fois que le juge l’estime nécessaire et compatible avec la nature de l’affaire. Le régime de l’exécution provisoire ordonnée est fixé, comme il a été vu plus haut, par la deuxième section, laquelle reprend en substance les anciennes dispositions du code (C. pr. civ., art. 515 à 517-4).

Les exceptions « judiciaires »

Le juge peut, même d’office, écarter en tout ou partie l’exécution provisoire de droit, s’il l’estime incompatible avec la nature de l’affaire. Sa décision doit être spécialement motivée. Il ne pourra néanmoins le faire, précise le texte, lorsqu’il statue en référé, qu’il prescrit des mesures provisoires pour le cours de l’instance, qu’il ordonne des mesures conservatoires ainsi que lorsqu’il accorde une provision au créancier en qualité de juge de la mise en état (C. pr. civ., art. 514-1).

Lorsque l’exécution provisoire a été écartée, son rétablissement peut être demandé à l’occasion d’un appel, en cas d’urgence et à la double condition que ce rétablissement soit compatible avec la nature de l’affaire et qu’il ne risque pas d’entraîner des conséquences manifestement excessives. La demande doit être portée devant le premier président ou, lorsqu’il est saisi, au magistrat chargé de la mise en état (C. pr. civ., art. 514-4).

Par ailleurs, en cas d’appel, il peut être demandé au premier président l’arrêt de l’exécution provisoire de droit. Si cela était déjà possible avant l’entrée en vigueur du nouveau texte, les conditions ont évolué. La demande est tout d’abord subordonnée à l’existence de moyens sérieux d’annulation ou de réformation et au risque que l’exécution entraîne des conséquences manifestement excessives. En outre, le texte limite la possibilité d’une telle demande lorsque la partie qui l’invoque a comparu en première instance et qu’elle n’a alors fait valoir aucune observation sur l’exécution provisoire. La demande ne sera alors recevable que si l’exécution provisoire risque d’entraîner des conséquences manifestement excessives qui se sont révélées postérieurement à la décision de première instance.

Enfin, l’exécution provisoire peut être arrêtée en cas d’opposition par le juge qui a rendu la décision, dans les mêmes conditions (C. pr. civ., art. 514-3).

Le juge peut, à la demande des parties ou d’office, subordonner sa décision de rejet de la demande tendant à voir écarter ou arrêter l’exécution provisoire de droit mais encore sa décision de rétablissement de l’exécution provisoire de droit à la constitution d’une garantie, réelle ou personnelle, suffisante pour répondre de toutes restitutions ou réparations (C. pr. civ., art. 514-5). Le régime de ces garanties n’a pas été modifié, si ce n’est qu’il se retrouve aujourd’hui dans la section troisième intitulée « Dispositions communes ». Il en va de même de la consignation, permettant à la partie condamnée d’éviter que ne soit poursuivie l’exécution provisoire de la décision, et de la radiation du rôle sanctionnant, en cas d’appel, le défaut d’exécution ou le défaut de consignation, selon le cas.

Ulrik Schreiber

Simplification des modes de saisine

Le décret n° 2019-1333 du 11 décembre 2019 réformant la procédure civile, pris en application de la loi n° 2019-222 du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice a été publié au Journal officiel du 12 décembre 2019. Afin de rendre la procédure civile plus accessible pour le justiciable, il procède à la simplification des modes de saisine.

 

Il existe actuellement différentes façons de saisir une juridiction. En matière contentieuse, la demande initiale est formée par assignation, par remise d’une requête conjointe au greffe de la juridiction ou par requête ou déclaration au greffe de la juridiction. Chacun de ces modes de saisine obéit à un régime juridique différent et impose au plaideur de maîtriser les arcanes de la procédure civile. Désireux de rendre l’accès au juge moins complexe, le législateur a choisi d’unifier l’introduction de l’instance autour de l’assignation et, dans certains cas, de la requête. Cette simplification des modes de saisine est désormais fixée dans la section première de l’article 1er du décret n° 2019-1333 du 11 décembre 2019 modifiant les articles 54 à 58 du code de procédure civile.

Consécration de l’assignation comme mode principal de saisine

L’article 54 du code de procédure civile, dans sa nouvelle rédaction en vigueur au 1er janvier 2020, érige la saisine de la juridiction par voie d’assignation en principe. Ce dernier n’est toutefois pas absolu dans la mesure où la demande initiale peut être formée par requête conjointe ou, sous certaines conditions, par voie de requête unilatérale. Quant à la saisine par déclaration au greffe du tribunal d’instance ouverte à la demande n’excédant pas 4 000 €, elle disparaît à compter du 1er janvier 2020.

Mentions communes de la demande en justice

L’article 54 (modifié), situé dans le livre premier du code de procédure civile relatif aux dispositions communes à toutes les juridictions, énumère les mentions devant figurer à peine de nullité dans la demande initiale.

À compter du 1er janvier 2020, la demande introductive, qu’elle soit formée par voie d’assignation ou par voie de requête, doit comporter l’indication de la juridiction devant laquelle elle est portée, son objet, la désignation du demandeur conformément aux prescriptions de l’article 648 du code de procédure civile et, le cas échéant, les mentions relatives à la désignation des immeubles exigées pour la publication au fichier immobilier. L’article 54 du code de procédure civile exige, par ailleurs, que soient mentionnées les diligences entreprises en vue d’une résolution amiable du litige lorsque la demande doit être précédée d’une tentative de conciliation, de médiation ou de procédure participative ou la justification de la dispense d’une telle tentative.

Les modalités de comparution devant la juridiction sont également exigées par l’article 54 ainsi que la précision de la sanction du défaut de comparution du défendeur. Ces deux dernières prescriptions n’étaient imposées, jusqu’à présent, que dans l’acte d’assignation.

Enfin, autre nouveauté, l’article 54 exige que la demande, lorsqu’elle est formée par voie électronique, comporte, à peine de nullité, les adresse électronique et numéro de téléphone mobile du demandeur lorsqu’il consent à la dématérialisation ou de son avocat. En revanche, la précision de l’adresse électronique et du numéro de téléphone du défendeur n’est qu’une faculté comme l’indique l’emploi du verbe « pouvoir ».

Il ressort de l’article 54 du code de procédure civile ainsi modifié que la simplification souhaitée par le législateur porte uniquement sur le mode de saisine de la juridiction et non sur le contenu de l’acte. Le nombre important de mentions exigées par cet article ainsi que la nécessaire maîtrise des règles juridiques pour satisfaire à ces prescriptions vont en ce sens.

L’exigence de la mention des diligences entreprises en vue d’une résolution amiable du litige est, à cet égard, parlant. Afin de satisfaire à cette disposition figurant au 5° de l’article 54 du code de procédure civile, il est nécessaire pour le plaideur souhaitant soumettre au tribunal judiciaire ses prétentions, de savoir si sa demande doit, ou non, être précédée d’une tentative de conciliation, de médiation ou de procédure participative. La réponse est apportée par la maîtrise de l’article 750-1 du code de procédure civile et des articles R. 211-3-4 et R. 211-3-8 du code de l’organisation judiciaire. Ainsi informé du montant fixé à 5 000 € en deçà duquel ces diligences sont obligatoires ainsi que des demandes liées à certains conflits de voisinage soumises à ces prescriptions, il convient encore de s’interroger sur les cas de dispenses listés à l’article 750-1 du code de procédure civile.

Une autre illustration du caractère complexe du contenu de la demande initiale est fournie par l’exigence des modalités de comparution. Comme c’est le cas aujourd’hui, le défendeur doit être informé de la possibilité qu’il a de se faire assister ou représenter. Cette information est quelque peu complexifiée par la fusion, au sein du tribunal judiciaire, du tribunal d’instance et du tribunal de grande instance.

S’il était simple de retenir que, dans le cadre d’une procédure au fond devant le tribunal de grande instance, la représentation par avocat était obligatoire, ou encore que, dans le cadre d’une saisine au fond du tribunal instance, les parties pouvaient se faire représenter selon les modalités prescrites aux articles 827 et 828 du code, il en va différemment par l’effet du décret du 11 décembre 2019. Le principe porté par l’article 760 (modifié) réside dans la constitution obligatoire d’avocat devant le tribunal judiciaire, sauf dispositions contraires. Or ces dernières sont nombreuses, comme en témoigne l’article 761, ainsi rédigé :

« Les parties sont dispensées de constituer avocat dans les cas prévus par la loi ou le règlement et dans les cas suivants :

1° Dans les matières relevant de la compétence du juge de l’exécution ;

2° Dans les matières énumérées par les articles R. 211-3-13 à R. 211-3-16, R. 211-3-18 à R. 211-3-21, R. 211-3-23 du code de l’organisation judiciaire et dans les matières énumérées au tableau IV-II annexé au code de l’organisation judiciaire ;

3° À l’exclusion des matières relevant de la compétence exclusive du tribunal judiciaire, lorsque la demande porte sur un montant inférieur ou égal à 10 000 € ou a pour objet une demande indéterminée ayant pour origine l’exécution d’une obligation dont le montant n’excède pas 10 000 €. Le montant de la demande est apprécié conformément aux dispositions des articles 35 à 37.

Lorsqu’une demande incidente a pour effet de rendre applicable la procédure écrite ou de rendre obligatoire la représentation par avocat, le juge peut, d’office ou si une partie en fait état, renvoyer l’affaire à une prochaine audience tenue conformément à la procédure applicable et invite les parties à constituer avocat.

Dans les matières relevant de la compétence exclusive du tribunal judiciaire, les parties sont tenues de constituer avocat, quel que soit le montant de leur demande.

L’État, les départements, les régions, les communes et les établissements publics peuvent se faire représenter ou assister par un fonctionnaire ou un agent de leur administration. »

De ce qui précède, il est possible d’affirmer que seul le mode d’introduction de l’instance est simplifié par le décret du 11 décembre 2019 mais pas le contenu de la demande. Ce constat est d’autant plus vrai que les articles 56 et 57 (nouveaux) du code de procédure civile véhiculent des exigences supplémentaires.

Mentions spécifiques à la demande formée par voie d’assignation

Le nouvel article 56, spécifique à la saisine de la juridiction par voie d’assignation, vient compléter les mentions de la demande initiale prévues par l’article 54. Il impose dans l’acte d’assignation, comme c’est le cas aujourd’hui, le respect, à peine de nullité, des mentions prescrites pour les actes d’huissier de justice, c’est-à-dire celles de l’article 648. Il prescrit également, et c’est une nouveauté, la mention dans toutes les assignations, des lieu, jour et heure de l’audience à laquelle l’affaire sera appelée.

Cette consécration des assignations « à date » repose sur un mécanisme de prise de date obtenu à terme par voie numérique. Ce système présente l’avantage pour le justiciable de pouvoir connaître, dès l’introduction de sa demande, la date de la première audience. Corrélativement, ce mécanisme permet de décharger le greffe des convocations et des saisies de données.

Par dérogation à la date d’entrée en vigueur fixée au II de l’article 55 du décret du 11 décembre 2019, dans les procédures soumises au 31 décembre 2019 à la procédure écrite ordinaire, la saisine par assignation de la juridiction demeure soumise aux dispositions des articles 56 et 752 du code de procédure civile dans leur rédaction antérieure au décret, jusqu’au 1er septembre 2020. Concrètement, jusqu’à cette date, l’assignation à comparaître devant le tribunal judiciaire dans le cadre de la procédure écrite ordinaire doit être délivrée « sans date » comme c’est actuellement le cas de l’assignation au fond devant le tribunal de grande instance. Ce report de date concerne également les procédures au fond prévues aux articles R. 202-1 et suivants du livre des procédures fiscales, celles prévues au livre VI du code de commerce devant le tribunal judiciaire et celles diligentées devant le tribunal paritaire des baux ruraux.

L’article 56 (modifié) spécifique à l’acte d’assignation impose par ailleurs la relation dans l’acte d’un exposé des moyens en fait et en droit. Couplés aux dispositions de l’article 54 (nouveau), les moyens seront, comme à l’heure actuelle, exposés en fait et en droit dans l’objet de la demande.

S’agissant de la liste des pièces sur lesquelles la demande est fondée, elle continue de figurer dans un bordereau annexé à l’acte. Il doit être observé que cette exigence est désormais prescrite dans le 3° de l’article 56. En d’autres termes, dès son entrée en vigueur, cette disposition pourra être sanctionnée par la nullité, ce qui n’est pas le cas aujourd’hui (Civ. 2e, 3 avr. 2003, n° 00-22.066 P, D. 2003. 1134, et les obs.  : l’obligation d’énumérer dans l’assignation et par bordereau annexé les pièces sur lesquelles la demande est fondée n’est assortie d’aucune sanction et ne constitue pas une formalité substantielle ou d’ordre public).

Enfin, l’article 56 dans sa nouvelle rédaction indique que l’assignation doit préciser, le cas échéant, la chambre désignée. Le positionnement de cette mention dans un alinéa distinct des 1°, 2° et 3° de l’article 56 permet d’affirmer qu’elle n’est pas prescrite à peine de nullité.

Bien entendu, cet acte d’assignation revisité par l’effet du décret du 11 décembre 2019 doit être complété par les dispositions spécifiques à la juridiction et à la procédure concernées. Ainsi devant le tribunal judiciaire, l’assignation doit respecter les mentions exigées par l’article 752 ou 753, selon que la représentation par avocat est obligatoire ou non.

Mentions spécifiques à la demande formée par voie de requête

Si le décret consacre l’assignation comme mode principal de saisine d’une juridiction, il permet dans certains cas une saisine par voie de requête. Celle-ci peut être unilatérale, c’est-à-dire à l’initiative du seul demandeur (v. l’art. 818, al. 2, devant le tribunal judiciaire en procédure orale ordinaire). Mais elle peut être également conjointe. Dans cette hypothèse, elle doit soumettre au juge les prétentions respectives des parties, les points sur lesquels elles sont en désaccord ainsi que leurs moyens respectifs.

Les mentions de la requête sont fixées par l’article 57 (modifié), lequel vient compléter l’article 54, commun à la saisine par voie d’assignation. Outre ces dernières mentions (v. supra), la requête doit contenir, à peine de nullité, lorsqu’elle est formée par une seule partie, l’indication des nom, prénoms et domicile de la personne contre laquelle la demande est formée ou, s’il s’agit d’une personne morale, de sa dénomination et de son siège social. Dans tous les cas, elle doit indiquer les pièces sur lesquelles la demande est fondée. Elle est datée et signée.

Mais la requête doit également contenir certaines mentions spécifiques. Devant le tribunal judiciaire, elle devra ainsi satisfaire aux dispositions de l’article 757 (modifié) du code de procédure civile à compter du 1er septembre 2020.

Enfin, l’article 58 (modifié) dispose que, « lorsque cette faculté leur est ouverte par l’article 12, les parties peuvent, si elles ne l’ont déjà fait depuis la naissance du litige, conférer au juge, dans la requête conjointe, mission de statuer comme amiable compositeur ou le lier par les qualifications et points de droit auxquels elles entendent limiter le débat ».

Marie-Pierre Mourre-Schreiber

Extension de la représentation obligatoire par un avocat et procédure sans audience

Le décret n° 2019-1333 du 11 décembre 2019 étend la représentation obligatoire par un avocat et généralise la procédure sans audience. Ces nouvelles dispositions figurent au titre 1er du livre II du code de procédure civile qui fait l’objet d’une refonte, y compris celle de la numérotation des articles qui le composent.

 

L’extension de la représentation obligatoire par un avocat

L’article 4 du décret prévoit une extension importante de l’obligation d’être représenté par un avocat devant le tribunal judiciaire. Cette extension concerne aussi certaines procédures devant des juridictions spécialisées. Le décret étend cette représentation, sans distinguer selon que la procédure est écrite ou orale, ce qui unifie l’acte par lequel l’avocat se constitue.

La représentation obligatoire devant le tribunal judiciaire

Le nouvel article 760 du code de procédure civile pose le principe suivant lequel les parties sont, sauf disposition contraire, tenues de constituer avocat devant le tribunal judiciaire et que la constitution de l’avocat emporte élection de domicile. Les cas où les parties en sont dispensées sont énumérés à l’article 761 du code de procédure civile.

On signalera au passage une erreur de plume du législateur qui devrait faire l’objet d’un décret modificatif. En effet, l’article 761-1 du code de procédure civile indique que les parties sont dispensées de constituer avocat dans les matières relevant de la compétence du juge de l’exécution, alors que justement l’article 5 de la loi n° 2019-222 du 23 mars 2019 prévoit le contraire.

Abstraction faite de cette erreur, les parties ne sont pas tenues de constituer avocat dans les matières énumérées par les articles R. 211-3-13 à R. 311-3-16, R. 211-3-18 à R. 311-3-21 et R. 211-3-23 du code de l’organisation judiciaire et dans les matières énumérées au tableau IV-II annexé au code de l’organisation judiciaire.

Cette exclusion reprend pour l’essentiel les règles de représentation devant le tribunal d’instance. Il s’agit des décisions rendues en dernier ressort en matière électorale et des demandes qui relèvent désormais de la compétence des chambres de proximité en application de l’article D. 212-19-1 du code de l’organisation judiciaire.

De même, lorsque la demande porte sur un montant inférieur ou égal à 10 000 €, les parties ne sont pas tenues de constituer avocat, à moins que leur demande, quel que soit son montant, relève de la compétence exclusive du tribunal judiciaire. L’État, les départements, les régions, les communes et les établissements publics sont toujours de façon générale dispensés de se faire représenter par un avocat.

Le décret précise les règles à suivre lorsqu’une demande incidente a pour effet de rendre applicable la procédure écrite ou de rendre obligatoire la représentation par avocat. Dans ce cas, le juge peut, d’office ou si une partie en fait état, renvoyer l’affaire à une prochaine audience tenue conformément à la procédure applicable et invite les parties à constituer avocat.

La représentation obligatoire devant les juridictions spécialisées

La section 5 du décret est consacrée à l’extension de la représentation obligatoire par un avocat dans un certain nombre de contentieux spécialisés. Ainsi, l’article 7 du décret impose désormais l’intervention d’un avocat dans le contentieux de la fixation des loyers commerciaux, les articles R. 145-26, R. 145-27, R. 145-29 et R. 145-31 du code de commerce sont donc modifiés en conséquence.

L’article 8 du décret impose l’intervention d’un avocat dans le contentieux familial pour la demande de révision de la prestation compensatoire et dans la procédure de retrait total ou partiel de l’autorité parentale. Toutefois, les demandes de délégation de l’autorité parentale restent exemptées de l’obligation de mandater un avocat. Les articles 1139, 1140 et 1203 du code de procédure civile sont modifiés en conséquence.

L’article 9 concerne le contentieux de l’établissement de l’impôt organisé par les articles R. 202-2 et R. 202-4 du livre des procédures fiscales qui prévoient désormais l’obligation de constituer avocat.

L’article 10 du décret vise les procédures devant le juge de l’exécution. Le principe est l’obligation de constituer un avocat, sauf pour une demande relative à l’expulsion ou quand la demande a pour origine une créance ne dépassant pas le montant de 10 000 €. La saisie des rémunérations reste sans représentation obligatoire.

Enfin, l’article 11 du décret modifiant l’article R. 311-9 du code de l’expropriation impose la constitution d’un avocat, l’État, les régions, les départements, les communes et leurs établissements publics pouvant toujours se faire assister ou représenter par un fonctionnaire ou un agent de leur administration.

Pour la procédure devant le tribunal de commerce, l’article 5 du décret modifie l’article 853 du code de procédure civile et pose l’obligation de constituer avocat dans les litiges portant sur une demande qui excède le montant de 10 000 €, y compris les référés.

En dessous de ce seuil, et pour les litiges relatifs à la tenue du registre du commerce et des sociétés, les parties sont dispensées de constituer un avocat. Pour les procédures sur requête, la nouvelle rédaction de l’article 874 du code de procédure civile dispense les parties de constituer avocat en matière de gage des stocks et de gage sans dépossession. Les procédures collectives restent sans représentation obligatoire.

Les matières relevant du juge des contentieux de la protection sont exclues de la représentation par un avocat.

De manière générale, l’article 817 nouveau du code de procédure civile dispose que, lorsque les parties sont dispensées de constituer avocat, conformément aux dispositions de l’article 761, la procédure est orale, sous réserve des dispositions particulières propres aux matières concernées.

L’acte de constitution d’avocat

Pour le demandeur, l’article 752 du code de procédure civile reprend l’obligation d’indiquer dans l’assignation la constitution de son avocat. Pour le défendeur, l’article 763 du code de procédure civile prévoit qu’il est tenu de constituer avocat dans le délai de quinze jours, à compter de l’assignation.

L’article 764 du code de procédure civile précise que, dès qu’il est constitué, l’avocat du défendeur en informe celui du demandeur ; copie de l’acte de constitution est remise au greffe.

L’article 765 du code de procédure civile indique que la constitution de l’avocat par le défendeur ou par toute personne qui devient partie en cours d’instance est dénoncée aux autres parties par notification entre avocats. L’alinéa 2 impose que l’acte indique les éléments d’identification de la personne physique ou de la personne morale qui est défendeur.

Selon l’article 766 du code de procédure civile, les conclusions des parties sont signées par leur avocat et notifiées dans la forme des notifications entre avocats. En cas de pluralité de demandeurs ou de défendeurs, elles doivent être notifiées à tous les avocats constitués. Il est prévu une sanction puisque ces constitutions ne seront pas recevables tant que les indications mentionnées à l’alinéa 2 de l’article 765 n’auront pas été fournies.

Enfin, l’article 767 du code de procédure civile prévoit que la remise au greffe de la copie de l’acte de constitution et des conclusions est faite, soit dès leur notification avec la justification de leur notification, soit si celle-ci est antérieure à la saisine de la juridiction, avec la remise de la copie de l’assignation.

Il faut souligner que cette extension de la représentation par un avocat emporte avec elle celle de la postulation, notamment pour les procédures de référés.

La généralisation de la procédure sans audience devant le tribunal judiciaire

Celle-ci est prévue à l’article L. 212-5-1 qui dispose que, devant le tribunal judiciaire, la procédure peut, à l’initiative des parties lorsqu’elles en sont expressément d’accord, se dérouler sans audience. En ce cas, elle est exclusivement écrite. Toutefois, le tribunal peut décider de tenir une audience s’il estime qu’il n’est pas possible de rendre une décision au regard des preuves écrites ou si l’une des parties en fait la demande.

Cette procédure sans audience est possible nonobstant l’obligation ou non de constituer avocat. Dans la mesure où cette procédure exige l’accord exprès des parties, il appartient au demandeur d’indiquer dans son assignation son accord pour une procédure sans audience.

En cas de procédure écrite, au stade de l’orientation de l’affaire, l’article 778 du code de procédure civile dispose que, lorsque les parties ont donné leur accord pour que la procédure se déroule sans audience, le président déclarant l’instruction close fixe la date pour le dépôt des dossiers au greffe de la chambre. Ensuite, le greffier en avise les parties et, le cas échéant, le ministère public et les informe du nom des juges de la chambre qui seront amenés à délibérer et de la date à laquelle le jugement sera rendu.

La même possibilité est ouverte jusqu’au jour des plaidoiries. Il en est de même pour la procédure orale, l’article 828 du code de procédure civile permet aux parties de donner expressément leur accord à tout moment de la procédure pour que la procédure se déroule sans audience.

Dans ce cas, l’article 829 du code de procédure civile prévoit un acte de procédure, à savoir une déclaration qui doit être remise ou adressée au greffe et qui doit comporter, à peine de nullité, l’identification de son auteur, personne physique ou personne morale. Cette déclaration doit être datée et signée de la main de son auteur et annexer, en original ou en photocopie, tout document officiel justifiant de son identité et comportant sa signature.

L’article 757 du code de procédure civile prévoit que, lors de l’introduction de l’instance sur requête, le requérant a la possibilité d’indiquer que la procédure se déroule sans audience.

Il faut souligner que le choix de la procédure sans audience semble irréversible. C’est pourquoi le demandeur doit éviter de s’engager tout de suite dans cette voie et attendre de voir comment se déroule la procédure avant de renoncer, avec l’accord de la partie adverse, à plaider le dossier.

Ces nouvelles règles ne devraient pas perturber outre mesure les praticiens. Au contraire, les avocats peuvent se féliciter de constater que le législateur a pris conscience de la complexité du droit, laquelle conduit à imposer au justiciable l’intervention d’un professionnel. Les contentieux visés, les procédures civiles d’exécution ou le contentieux familial, entre autres, ont atteint un haut niveau technique qui rend indispensable l’intervention d’un avocat.

En revanche, on peut se montrer plus réservé sur l’obligation d’être représenté par un avocat dans certains référés, notamment le référé expertise. Inversement, on aurait pu étendre la représentation par un avocat dans certaines procédures complexes devant le juge des contentieux de la protection.

Concernant la procédure sans audience, les avocats ont déjà l’habitude de façon concertée de déposer leur dossier. En effet, dans certaines affaires, la plaidoirie n’est pas toujours utile. Il faut donc voir dans les nouvelles dispositions une incitation à opter pour une procédure sans audience qui laisse espérer un gain de temps précieux pour les juridictions. L’avenir dira si les avocats qui facturent cette prestation et qui sont attachés à la plaidoirie seront sensibles à cette incitation. Enfin, on peut s’interroger sur la pratique qui sera suivie lorsque la procédure mettra aux prises des parties qui sont toutes représentées par un avocat et les procédures où ce ne sera pas le cas.

Il convient de préciser que le décret entre en vigueur le 1er janvier 2020. Il est applicable aux instances en cours à cette date. Toutefois, les dispositions des articles 3 et 5 à 11, ainsi que les dispositions des articles 750 à 759 du code de procédure civile, du 6° de son article 789 et de ses articles 818 et 839, dans leur rédaction résultant du présent décret, sont applicables aux instances introduites à compter du 1er janvier 2020.

Antoine Bolze

Simplification des exceptions d’incompétence

Le décret n° 2019-1333 du 11 décembre 2019 réformant la procédure civile a été publié au Journal officiel du 12 décembre. Il simplifie les exceptions d’incompétence au sein d’un même tribunal judiciaire en permettant un renvoi devant le juge compétent avant la première audience par simple mention au dossier.

 

Le rapport sur l’amélioration et la simplification de la procédure civile, piloté par Mme Frédérique Agostini, alors présidente du tribunal de grande instance de Melun et M. le professeur Nicolas Molfessis, présentait des propositions, à savoir « 30 propositions pour une justice civile de première instance modernisée », classées en huit thèmes. (v. Dalloz actualité, 7 févr. 2018, obs. C. Bléry). Le rapport, lui, était divisé en trois parties : refonder l’architecture de première instance, repenser les droits et devoirs des acteurs du procès et assurer la qualité et l’effectivité de la décision de justice.

Le chapitre Ier visait à « simplifier la procédure devant la juridiction de première instance », ce qui impliquait notamment de « créer une juridiction unique et recentrée en première instance : le tribunal judiciaire » (section 2 et propositions 8 à 11, spéc. § 1er : Pour la création du tribunal judiciaire). Ce qui a été fait (v. Dalloz actualité, 7 oct. 2019, obs. C. Bléry).

Une autre proposition du rapport était de « rationaliser l’instruction de l’affaire » (section 5, propositions 18 à 20) et en particulier de « limiter les incidents d’instance » (§ 1er) et « mettre fin aux exceptions d’incompétence ». Nous constations qu’« alors que le régime des exceptions de compétence vient d’être réformé et le contredit supprimé par le décret n° 2017-891 du 6 mai 2017, il est donc à nouveau question de revenir sur ces questions » (Dalloz actualité, 7 févr. 2018, préc.) et que « deux solutions [étaient] envisagées, selon qu’un “point d’entrée unique que pourrait constituer le tribunal judiciaire” [allait être] instauré ou pas :

• en l’absence de tribunaux judiciaires, les exceptions d’incompétence territoriale et matérielle devraient pouvoir être tranchées par le juge sans recours immédiat possible (c’est déjà le cas lorsque le juge se déclare compétent et statue sur le fond du litige : décr. n° 2017-891, art. 78) : les parties ne pourraient contester sa décision qu’à l’occasion de l’appel de la décision rendue au fond. Il est aussi suggéré d’adopter des mesures permettant d’étendre la compétence d’exception des juges spécialisés pour connaître de demandes incidentes, au-delà de ce que prévoit l’article 51 du code de procédure civile. Ces préconisations utiles pourraient jouer en l’état actuel de l’organisation judiciaire, mais aussi si un tribunal de proximité est créé à côté du tribunal judiciaire et si un tribunal des affaires économiques [non institué] reste indépendant ;

• en présence de tribunaux judiciaires, “il pourrait de même être envisagé que le juge statue sur les exceptions d’incompétence par simple mesure d’administration judiciaire, insusceptible de recours, puisque seule la compétence territoriale sera concernée, à l’instar des juridictions administratives” ».

Finalement, le tribunal judiciaire a été créé, mais son architecture interne est très complexe, avec le maintien des juges spécialisés d’aujourd’hui et l’ajout de nouvelles entités (juge des contentieux de la protection, chambres de proximité appelées « tribunaux de proximité »). En outre, les compétences des uns et des autres sont à géométrie variable et la plupart des compétences diverses et pointues ont été reconduites en l’état, l’occasion n’ayant pas été saisie de retenir des compétences plus génériques (sur tous ces points, v. Dalloz actualité, 7 oct. 2019, obs. C. Bléry, préc.) Nous espérions (n° 28) « une simplification des incidents de compétence en aval, ainsi que l’avait préconisé le rapport Molfessis/Agostini », qui pourrait être inscrite dans le décret « procédure », tout en pensant « qu’éviter les difficultés en amont est plus satisfaisant », ainsi qu’en a témoigné « encore le remplacement du contredit par un appel particulier qui n’a pas tenu ses promesses de simplification » : en effet, l’appel particulier – un jour fixe imposé – est une procédure lourde et des difficultés d’interprétation ont déjà donné lieu à une abondante jurisprudence (v. Dalloz actualité, 16 juill. 2019, obs. C. Bléry).

L’espoir est en partie satisfait : un article 82-1, créé par le décret n° 2019-1333, vient régler les questions de compétence « au sein d’un tribunal judiciaire »… par dérogation aux dispositions de la sous-section 1 régissant « le jugement statuant sur la compétence », à savoir les articles 75 à 82 du code de procédure civile, tels que réorganisés par le décret du 6 mai 2017 (v. L. Mayer, Le nouvel appel du jugement sur la compétence, Gaz. Pal. 25 juill. 2017, p. 71).

Régime de droit commun

L’incompétence peut être soulevée par une « partie » (en fait le défendeur) au moyen d’une exception d’incompétence. Selon les articles 74 et 75, le déclinatoire n’est recevable que s’il est présenté in limine litis (au seuil du procès), c’est-à-dire avant toute fin de non-recevoir ou défense au fond, simultanément avec toute autre exception de procédure et à condition d’être motivé : il doit toujours contenir les raisons de fait et de droit qui, aux yeux du demandeur à l’exception, justifient l’incompétence, ainsi que la juridiction qu’il estime apte à connaître du procès. Ces deux conditions doivent être respectées « en première instance ou en appel » (décr. n° 2017-891), même si le défendeur est rarement in limine litis en appel.

Le juge a lui-même la faculté de faire naître l’incident en relevant d’office son incompétence ; il en a même parfois l’obligation, lorsque des textes le prévoient expressément (v. C. pr. civ., art. 1038 et 1406 et CPCE, art. R. 121-1, al. 1er, relatifs à la nationalité des personnes physiques, à l’injonction de payer et aux questions d’exécution), dans ces cas, il est permis de dire que l’ordre public est « renforcé ». Sous cette réserve, relever d’office son incompétence n’est permis au juge saisi à tort que dans certains cas limitativement énumérés par les articles 76, pour la compétence d’attribution et 77, pour la compétence territoriale. Selon l’article 76, le juge du premier degré peut, de sa propre initiative, se déclarer incompétent lorsque la règle violée est d’ordre public ou lorsque le défendeur ne comparaît pas (al. 1er). La cour d’appel et la Cour de cassation n’ont ce pouvoir que lorsque l’affaire relève de la compétence d’une juridiction répressive, administrative ou qu’elle échappe aux juridictions étatiques françaises (al. 2). L’article 77 confère au juge, de quelque degré qu’il soit, des pouvoirs différents selon qu’il statue en matière contentieuse ou gracieuse : en matière gracieuse, il est toujours possible de relever d’office l’incompétence ; en revanche, en matière contentieuse, le juge n’a ce pouvoir que si le défendeur ne comparaît pas, dans les litiges relatifs à l’état des personnes et dans les hypothèses où la loi attribue compétence exclusive à une autre juridiction.

Que la naissance de l’incident soit le fait du défendeur ou du juge, le règlement de cette incompétence donne lieu à un jugement, qui doit être rendu le plus rapidement possible.

Si le déclinatoire soulevé par le défendeur est déclaré recevable, il incombe alors au juge d’examiner son bien-fondé. Cette vérification de sa compétence le conduit soit à se déclarer incompétent, soit à s’estimer apte à donner une solution au litige :

1. lorsque le juge s’est déclaré incompétent, il n’a plus à statuer au fond – tout au plus ordonnera-t-il une mesure provisoire ou une mesure d’instruction (art. 83, al. 2) ; il doit renvoyer les parties à se pourvoir devant la juridiction qu’il juge compétente – la désignation s’imposant aux parties et au juge de renvoi (art. 81, al. 2). Le dossier de l’affaire est d’ailleurs transmis au greffe de cette dernière juridiction, par le greffe de la juridiction saisie, « avec une copie de la décision de renvoi, à défaut d’appel dans le délai » (C. pr. civ., art. 82, al. 1er) ; les parties sont invitées « par tout moyen par le greffe » [donc y compris par courriel ou texto si elles y ont préalablement consenti] à poursuivre l’instance et, si besoin est – à savoir devant le tribunal de grande instance ou le tribunal judiciaire en procédure écrite ordinaire –, à constituer avocat (art. 82, al. 2) ; à défaut d’une telle constitution dans le délai d’un mois, l’affaire serait d’office radiée (art. 82, al. 3) ; toutefois, lorsque le juge estime que c’est une juridiction administrative, répressive, arbitrale ou étrangère qui devrait être saisie, il se contente de renvoyer les parties à mieux se pourvoir (art. 81, al. 1er) ;

2. si le juge passe outre le déclinatoire et s’estime compétent, il a alors le choix entre deux attitudes : premièrement, il a la possibilité de surseoir à statuer au fond jusqu’à ce que la décision retenant sa compétence soit insusceptible de recours (art. 80) ; deuxièmement, il peut trancher la compétence et le fond dans un même jugement : l’utilisation de cette seconde branche de l’alternative suppose que les parties aient été préalablement mises en demeure de conclure au fond et que les deux questions (fond et compétence) soient résolues dans deux dispositions distinctes du jugement (art. 78).

À noter : il y a un point commun à ces deux cas. Cette vérification peut amener le juge à trancher une question de fond, qui n’est pas la question de fond principale, mais dont dépend la compétence : le juge doit aussi statuer dans deux dispositions distinctes du jugement (art. 79, al. 1er). Sa décision a alors autorité de chose jugée sur la question de fond (art. 79, al. 2). Le juge a l’obligation de trancher la question de fond dont dépend la compétence (Civ. 2e, 5 janv. 2017, n° 15-27.953 P, Dalloz actualité, 24 janv. 2017, obs. C. Bléry ; les actuels articles 77 et 95 sont réunis et dans un nouvel article 79 (al. 1er et 2) qui reconduit les règles posées par les deux textes antérieurs, v. Dalloz actualité, 29 mai 2017, obs. M. Kebir).

Si la décision sur la compétence ne suscite aucune contestation de la part des plaideurs, l’incident de compétence est réglé en première instance. Mais elle peut aussi faire l’objet d’un recours.

La voie de recours ouverte contre la décision sur la compétence est l’appel, qui emprunte deux modalités ; le contredit a en effet été supprimé par le décret n° 2017-891 et remplacé par un appel particulier. Cet appel particulier doit être interjeté pour contester les jugements qui statuent exclusivement sur la compétence (art. 83), dans un délai de quinze jours à compter de la notification du jugement (art. 84), alors que le point de départ du contredit était le prononcé du jugement (si la notification est en principe effectuée par lettre recommandée avec avis de réception émanant du greffe, la mise en œuvre éventuelle de l’article 470-1 invitant la partie à procéder par voie de signification peut allonger considérablement les délais). L’appel ordinaire permet la critique des jugements qui statuent sur la compétence et le fond (art. 90), dans le délai de droit commun.

C’est donc à ses dispositions que déroge le nouvel article 82-1 du code de procédure civile, qui prévoit un règlement simplifié des questions de compétence au sein du tribunal judiciaire – à l’exclusion des autres juridictions de première instance. Les erreurs risquent d’être nombreuses tant, on l’a dit, est complexe l’organisation interne du tribunal judiciaire… alors qu’on nous a « vendu » la réforme comme étant une simplification. La procédure elle-même n’est pas si simple.

Régime dérogatoire

Notons d’abord que, désormais, l’article 76, alinéa 1er, est introduit par « Sauf application de l’article 82-1 »… Or :

• l’article 82-1 prévoit que soit une partie (le défendeur), soit le juge (d’office) peut relever une incompétence d’attribution, celle-ci présentant la particularité d’être interne au tribunal judiciaire ; en revanche, ce n’est pas un incident de compétence ordinaire et il est réglé de manière administrative ;

• un règlement simplifié serait aussi souhaitable pour certaines questions liées à l’incompétence territoriale. En effet, les tribunaux judiciaires ou les chambres de proximité peuvent être spécialisés de manière variable (v. Dalloz actualité, 7 oct. 2019, obs. C. Bléry, préc., spéc. nos 38 et 41) et les compétences d’attribution et territoriale sont moins distinctes que par le passé, du fait de ces spécialisations ;

• quid, sur un plan légistique, de la place d’un article concernant une seule juridiction – le tribunal judiciaire – au sein des dispositions communes à toutes les juridictions ? Il est permis de regretter ce choix…

Selon cet article 82-1, « par dérogation aux dispositions de la présente sous-section, les questions de compétence au sein d’un tribunal judiciaire peuvent être réglées avant la première audience par mention au dossier, à la demande d’une partie ou d’office par le juge.

Les parties ou leurs avocats en sont avisés sans délai par tout moyen conférant date certaine. Le dossier de l’affaire est aussitôt transmis par le greffe au juge désigné.

La compétence du juge à qui l’affaire a été ainsi renvoyée peut être remise en cause par ce juge ou une partie dans un délai de trois mois. Dans ce cas, le juge, d’office ou à la demande d’une partie, renvoie l’affaire par simple mention au dossier au président du tribunal judiciaire. Le président renvoie l’affaire, selon les mêmes modalités, au juge qu’il désigne. Sa décision n’est pas susceptible de recours.

La compétence du juge peut être contestée devant lui par les parties. La décision se prononçant sur la compétence peut faire l’objet d’un appel dans les conditions prévues à la sous-section 2 de la présente section ».

Quelles sont ces questions de compétence au sein d’un tribunal judiciaire ? Il faut certainement comprendre que la compétence (d’attribution) du tribunal, d’une chambre de proximité ou d’un juge des contentieux de la protection peut faire difficulté et être contestée. Mais aussi celle du juge aux affaires familiales, du juge de l’exécution, du président (juge des référés, requêtes, police aux frontières) et juge de la mise en état ? Le texte étant générique, il semble que oui, même si cela n’a peut-être pas été pensé en ce sens.

Le juge saisi à tort désigne le tribunal judiciaire, le juge des contentieux de la protection, le juge de l’exécution… qu’il estime compétent, par simple mention au dossier, ce dossier étant transmis administrativement par le greffe. Comme aujourd’hui, si le défendeur ne dit rien et si le juge omet de réagir d’office, il statuera malgré son incompétence « interne ».

Notons que les parties ou leurs avocats sont avisés de la difficulté de compétence (?) ou de son règlement (?) « sans délai par tout moyen conférant date certaine ». La question se pose de savoir lesquels. Avec l’abrogation de l’article 748-8 tel qu’issu du décret du 11 mars 2015, quid du texto et courriel dans « le tout moyen » ? Est-il encore besoin du consentement préalable du destinataire ? Mais peuvent-ils conférer date certaine ? Le RPVA devrait, lui, pouvoir être utilisé. Et le portail du justiciable (Dalloz actualité, 24 mai 2019, obs. C. Bléry, T. Douville et J.-P. Teboul ; ibid., 17 juill. 2019, obs. C. Bléry) si ledit justiciable est « connecté » et a consenti à ce mode de communication.

Constatons que deux cas de figure peuvent se présenter :

• tout le monde accepte la réorientation et le juge désigné tranchera l’affaire. Faute de réaction pendant trois mois, une remise en cause n’étant plus permise ;

• la compétence du juge désigné est remise en cause, par le juge lui-même ou une partie dans un délai de trois mois… à compter de l’avis, auquel cas un nouveau règlement administratif est prévu, qui suppose l’intervention du président du tribunal judiciaire, par une mesure d’administration. Il est permis de s’interroger : pourquoi ce long délai alors qu’il est de quinze jours pour l’appel particulier et d’un mois pour constituer avocat dans l’article 82 et pour l’appel ordinaire ? Cela veut-il dire que l’affaire est suspendue pendant ce délai ? La transmission immédiate du dossier laisse penser le contraire (là où l’article 82, alinéa 1er, prévoit une transmission « à défaut d’appel », là elle a lieu « aussitôt »). Mais quid si le juge commence à traiter l’affaire et qu’une remise en cause de sa compétence intervient « au milieu du gué » ?

Là encore, deux cas de figure sont envisagés :

• les parties – à l’exclusion du juge désigné – acceptent la réorientation et ce juge tranchera l’affaire ;

• les parties contestent devant le juge désigné le choix du président. La décision se prononçant sur la compétence peut faire l’objet d’un appel « dans les conditions prévues à la sous-section 2 de la présente section », c’est-à-dire prévues aux articles 83 à 91 du code de procédure civile : il s’agit nécessairement d’un appel particulier puisque seule la question de la compétence a jusqu’alors occupé tout le monde !

En fait de règlement simplifié, n’est-ce pas la porte ouverte à la chicane ?

Corinne Bléry

Promotion de la mise en état conventionnelle et extension des pouvoirs du JME

Deux aspects de la mise en état sont impactés par la réforme opérée par le décret n° 2019-1333 du 11 décembre 2019, qui entrera en vigueur, pour ce qui concerne la mise en état, au 1er janvier 2020.

 

« Simplifier, moderniser, alléger notre procédure civile » : le chantier annoncé était pour le moins ambitieux. Il consistait à centrer le propos sur la première instance, point d’entrée de la justice, pour en faciliter le déroulement et assurer la qualité du « produit fini », à savoir le jugement. Parce que l’instruction est la phase préparatoire de ce produit fini, elle a nécessairement retenu l’attention des porteurs de cette réforme. Le but affiché est de rationaliser l’instruction de l’affaire, en réformant le régime des moyens de défense mais aussi de « favoriser la mise en état conventionnelle et repenser la mise en état » (proposition 19 des chantiers de la justice). Vaste projet.

Deux aspects de la mise en état sont impactés par la réforme opérée par le décret n° 2019-1333 du 11 décembre 2019, qui entrera en vigueur, pour ce qui concerne la mise en état, au 1er janvier 2020 : d’une part, la mise en état judiciaire, celle qui est confiée à un magistrat ad hoc dont les pouvoirs ont été étendus ; d’autre part, la mise en état conventionnelle dont le recours est promu.

L’extension des pouvoirs du juge de la mise en état

Le décret n° 2019-1333 modifie en partie la procédure ordinaire écrite devant le tribunal judiciaire. Les dispositions relatives à la mise en état sont plus particulièrement contenues dans les articles 780 à 807 du code de procédure civile. L’impact de cette réforme se mesure sur les deux versants de la mission confiée au juge de la mise en état (JME) : préparer le jugement et purger l’affaire de son contentieux accessoire.

A. Le décret n° 2019-1333 maintient très largement l’existant s’agissant des attributions qui lui permettent de préparer le jugement. Ainsi en est-il du principe selon lequel l’instruction des affaires s’opère « sous le contrôle d’un magistrat de la chambre à laquelle l’affaire a été distribuée » (C. pr. civ., art. 780, al. 1er, nouv.), le terme de « contrôle », renvoyant ici à l’idée que c’est d’abord aux parties d’accomplir les actes et formalités qui permettront à l’affaire d’être en état d’être jugée. Ce contrôle de la procédure passe par une série d’attributions que le décret préserve intégralement.

Tout d’abord, le juge de la mise en état, qui jouit d’attributions purement « administratives », reste un gestionnaire de l’instance. Il procède à des jonctions et disjonctions d’instance (C. pr. civ., art. 783 nouv.), constate l’extinction de l’instance (C. pr. civ., art. 787 nouv.) ou encore la conciliation des parties (C. pr. civ., art. 785, nouv). Il est aussi chargé de déclarer l’instruction close lorsqu’il lui apparaît qu’elle est en état d’être jugée. Sur ce point, il est à noter que le juge de la mise en état peut désormais déclarer l’instruction close dès que l’état de celle-ci le permet, lorsque les parties souhaitent bénéficier de la procédure sans audience (C. pr. civ., art. 799 nouv.)

Ensuite, le juge de la mise en état est conforté dans son rôle de régulateur qui consiste à contrôler le déroulement « loyal » de la procédure entre les parties, spécialement s’agissant de la « ponctualité » de l’échange des conclusions et de la communication des pièces (C. pr. civ., art. 780, al. 1er et 2, nouv.). Dans le cadre de cette mission de contrôle, le juge peut toujours fixer « au fur et à mesure les délais nécessaires à l’instruction de l’affaire » (C. pr. civ., art. 781 nouv.), eu égard à la nature, à l’urgence et à la complexité de celle-ci, et après avoir provoqué l’avis des avocats. Il peut aussi inciter les parties à accomplir les diligences nécessaires dans les délais en adressant des injonctions (C. pr. civ., art. 780, al. 3, nouv). Il conserve par ailleurs son pouvoir de sanction en cas de méconnaissance des délais impartis (C. pr. civ., art. 801, al. 1er, nouv).

Enfin, le juge de la mise en état reste un instigateur en ce qu’il peut combler les lacunes des parties sur tel ou tel aspect de leurs échanges afin de s’assurer que le juge saisi au fond est bien informé de l’affaire. Aussi peut-il toujours inviter les avocats « à répondre aux moyens sur lesquels ils n’auraient pas conclu [et] à fournir les explications de fait et de droit nécessaires à la solution du litige » (C. pr. civ., art. 782, al. 1er). Il peut se faire communiquer l’original des pièces versées au débat ou demander une copie (C. pr. civ., art. 782, al. 2). Il peut même d’office entendre les parties de façon contradictoire ou les inviter à mettre en cause tous les intéressés dont la présence lui paraît nécessaire à la solution du litige (C. pr. civ., art. 786 nouv.). Le décret lui reconnaît par ailleurs une nouvelle prérogative tenant à la possibilité qui lui est désormais offerte de désigner « un médiateur » dans les conditions de l’article 131-1 du code de procédure civile.

B. Le décret conserve en outre l’essentiel des dispositions relatives aux pouvoirs juridictionnels du juge de la mise en état qui lui permettent traditionnellement de traiter les incidents qui peuvent émailler l’instruction d’une affaire. Il maintient le caractère exclusif de sa compétence, du moment que la demande est présentée postérieurement à sa désignation et jusqu’à son dessaisissement, lequel intervient à l’ouverture des débats devant le tribunal. Traditionnellement, lorsque la demande est présentée postérieurement à sa désignation, le juge de la mise en état est, jusqu’à son dessaisissement, seul compétent, à l’exclusion de toute autre formation du tribunal, pour statuer sur les exceptions de procédure et sur les incidents mettant fin à l’instance ; allouer une provision pour le procès ; accorder une provision au créancier lorsque l’existence de l’obligation n’est pas sérieusement contestable ; ordonner toutes autres mesures provisoires et ordonner, même d’office, toute mesure d’instruction.

Innovation majeure, le nouvel article 789 du code de procédure civile ajoute que le juge de la mise en état est compétent pour connaître « des fins de non-recevoir ». Annoncé lors de la restitution des chantiers de la justice, cet ajout marque une évolution importante dans la mesure où la Cour de cassation a refusé d’étendre la compétence du magistrat instructeur à ce moyen de défense (Cass., avis, 13 nov. 2006, n° 06-00.012, D. 2006. 2949 ; ibid. 2007. 1380, obs. P. Julien ; RTD civ. 2007. 177, obs. R. Perrot ) sur la base d’une lecture stricte de l’ancien article 771 du code de procédure civile. L’objectif est très clair : il s’agit de traiter ces moyens de défense dans les meilleurs délais. L’instance susceptible de se conclure par une irrecevabilité peut ainsi prendre fin « sans que l’affaire soit mise en état d’être jugée sur le fond » (JCP n° 18, doctr. 530, n° 3, L. Mayer). Le juge de la mise en état peut ainsi éviter qu’une instance se prolonge inutilement en cas d’irrecevabilité. Outre cet aspect, cette nouveauté garantit un « parallélisme des pouvoirs » entre le juge de la mise en état et son homologue en cause d’appel, le conseiller de la mise en état étant compétent depuis maintenant longtemps pour en connaître (C. pr. civ., art. 914). Cette prérogative nouvelle crée cependant une difficulté. On le sait, l’appréciation des fins de non-recevoir exige parfois de s’intéresser au fond du litige, ce qui n’est pas le terrain « naturel » du juge de la mise en état. Sur ce point, le décret n° 2019-1333 prévoit une procédure particulière. « Lorsque la fin de non-recevoir suppose que soit tranchée au préalable une question de fond, le juge de la mise en état statue sur cette question de fond et sur cette fin de non-recevoir. » Toutefois, dans les affaires qui ne relèvent pas du juge unique ou qui ne lui sont pas attribuées, une partie peut s’y opposer. Dans ce cas, et par exception, le juge de la mise en état renvoie l’affaire devant la formation de jugement, le cas échéant sans clore l’instruction, pour qu’elle statue sur cette question de fond et sur cette fin de non-recevoir. Il peut également ordonner ce renvoi s’il l’estime nécessaire. La décision de renvoi est une mesure d’administration judiciaire, qui est en tant que telle insusceptible de recours.

Il est par ailleurs prévu que le juge de la mise en état ou la formation de jugement statuent sur la question de fond et sur la fin de non-recevoir par des dispositions distinctes dans le dispositif de l’ordonnance ou du jugement. La formation de jugement doit statuer quant à elle sur la fin de non-recevoir même si elle n’estime pas nécessaire de statuer au préalable sur la question de fond. Le cas échéant, elle renvoie l’affaire devant le juge de la mise en état.

Précision importante, les parties ne sont plus recevables à soulever ces fins de non-recevoir au cours de la même instance à moins qu’elles ne surviennent ou soient révélées postérieurement au dessaisissement du juge de la mise en état.

La modification ainsi opérée soulève plusieurs remarques.

On constate d’abord que le décret dépasse la réticence exprimée par les auteurs du rapport sur la simplification et l’amélioration de la procédure civile qui proposaient de limiter la compétence du juge de la mise en état aux fins de non-recevoir « qui ne touchent pas au fond du droit » (v. F. Agostini et N. Molfessis, rapport Amélioration et simplification de la procédure civile, p. 22).

On relève ensuite que le juge de la mise en état doit respecter une contrainte formelle dans la rédaction de son ordonnance au sein du dispositif : ce qui relève du fond d’un côté, ce qui relève de la compétence de l’autre. La formalité est importante car, par le jeu de l’autorité de la chose jugée, si le juge a tranché un aspect de fond, il ne pourra revenir sur ce point. Surtout, un autre juge saisi ultérieurement se trouvera lié et devra considérer ce point comme déjà jugé (sur ce point, en matière de compétence, v. N. Cayrol, Procédure civile, Dalloz, coll. « Cours », 2019, n° 413, p. 186). Autrement dit, lorsque le juge de la mise en état tranchera un aspect de fond dont dépend la fin de non-recevoir, la formation de jugement ne pourra revenir sur cet aspect et devra le tenir pour tranché. L’évolution n’est pas anodine en ce qu’elle marque un glissement des prérogatives du juge de la mise en état sur le fond du litige.

On note enfin que les parties sont désormais textuellement soumises à un principe de concentration des fins de non-recevoir devant le magistrat instructeur. Le changement est notable et s’inscrit dans la continuité d’une solution dont les jalons ont déjà été posés en jurisprudence en ce qui concerne le conseiller de la mise en état (Civ. 2e, 13 nov. 2014, n° 13-15.642, Dalloz actualité, 27 nov. 2014, obs. M. Kebir ; D. 2015. 287, obs. N. Fricero ; ibid. 517, chron. T. Vasseur, E. de Leiris, H. Adida-Canac, D. Chauchis, N. Palle, L. Lazerges-Cousquer et N. Touati ).

La promotion de la mise en état conventionnelle par avocat

La promotion de la mise en état conventionnelle portée par le décret n° 2019-1333 correspond à un mouvement de fond qui consiste en un retour aux sources du procès civil, traditionnellement décrit comme « la chose des parties ». La mise en état conventionnelle est une mise en état « externalisée », relevant des parties elles-mêmes et relayant le juge à un rôle de simple contrôleur (v. sur ce point, Dalloz actualité, Le droit en débats, 20 avr. 2018, par C. Bléry et J.-P. Teboul). Le Conseil national des barreaux (CNB) s’était dit favorable au développement d’une mise en état conventionnelle avec la procédure participative aux fins de mise en état. Il émettait simplement des réserves sur l’éventualité de rendre obligatoire « dans l’immédiat » cette mise en état conventionnelle qui doit selon lui rester une démarche volontaire des parties. Le CNB se prononçait donc en faveur de l’instauration d’un dispositif incitatif avec l’octroi d’un avantage procédural aux parties. Il semble qu’il ait été entendu sur ce point (v. cependant Dalloz actualité, 16 déc. 2019, obs. G. Maugain).

Où se situent concrètement les modifications ?

La première chose à souligner est qu’elles ne sont pas fondamentales. Le décret n° 2019-1333 du 11 décembre 2019 n’a pas été jusqu’à imposer la conclusion d’une convention de procédure participative qui reste donc toujours soumise à une initiative des parties en ce sens, ce qui est du reste conforme à la philosophie déclarée de ce mode alternatif d’instruction de l’instance qui consiste pour les parties à s’approprier le règlement de leur propre litige (v., sur l’idée que l’amiable ne se commande pas, N. Cayrol, « Observations sur la simplification et l’amélioration de la procédure civile », JCP n° 13, 26 mars 2018).

A. Le décret n° 2019-1333 modifie de façon éparse quelques dispositions purement techniques du code de procédure dans le but de faciliter le recours à la procédure participative.

Ainsi désormais, la question sera abordée lors de l’audience d’orientation au cours de laquelle il est traditionnellement débattu de l’état de la cause. Les avocats présents devront indiquer au président de la chambre saisie s’ils concluent ou non une convention de procédure participative aux fins de mise en état (C. pr. civ., art. 776, al. 2, nouv.). En cas de réponse positive, le président pourra faire application des dispositions de l’article 1546-1 et, notamment, fixer la date de l’audience à laquelle sera ordonnée la clôture et de plaidoirie.

Par ailleurs, lorsque l’affaire n’est pas tout à fait en état d’être jugée, le président a toujours la possibilité de décider que les avocats se présenteront à nouveau devant lui pour conférer une dernière fois de celle-ci. Les parties pourront alors à ce stade solliciter un délai pour conclure une convention de procédure participative aux fins de mise en état. Dans ce cas, le juge pourra ordonner le renvoi. Ensuite, de deux choses l’une :

  • soit à la date fixée, les parties justifient de la signature d’une telle convention et le juge prendra les mesures de l’article 1546-1,

  • soit les parties ne peuvent en justifier et, si l’affaire est en état d’être jugée, le juge déclarera alors l’instruction close et renverra l’affaire à l’audience qui pourra être tenue le jour même (C. pr. civ., art. 779 nouv.). Les parties pourront par ailleurs faire application de la procédure sans audience si elles le souhaitent,

  • il faut noter qu’il subsiste une troisième possibilité : si l’affaire n’est pas en état d’être jugée, elle sera renvoyée au magistrat instructeur en état qui fixera la date de l’audience de mise en état.

Les incidents d’instance sont également impactés, en particulier l’interruption de l’instance.

L’article 369 est complété d’un dernier alinéa prévoyant que la conclusion d’une convention de procédure participative a pour effet d’interrompre l’instance « y compris en cas de retrait du rôle ». Cela a une conséquence pratique non négligeable lorsque l’on sait que l’interruption de l’instance emporte interruption du délai de péremption.

Du reste, l’article 392 du code de procédure civile, qui prévoit cette règle, est complété d’un dernier alinéa, aux termes duquel « un nouveau délai (i.e. de péremption) court à l’extinction de la procédure participative de mise en état ». Cela laisse donc aux parties un temps de répit durant lequel elles pourront tenter de recourir à la procédure participative sans être soumises la pression du délai de péremption, qui, rappelons-le, est un incident extinctif d’instance.

B. Surtout, le décret modifie substantiellement certaines dispositions relatives à la procédure participative en complétant le titre II du livre V du code de procédure civile.

D’une part, l’article 1543 est modifié pour étendre le champ de cette procédure. Ce texte dispose désormais qu’elle se déroule selon une procédure conventionnelle de recherche d’un accord, suivie, le cas échéant, par une procédure aux fins de jugement et qu’elle peut aussi se dérouler dans le cadre de l’instance, aux fins de mise en état, « devant toute juridiction de l’ordre judiciaire ». Le mécanisme n’est donc pas réservé à la seule instance civile.

D’autre part, et c’est sans doute le changement le plus remarquable, l’article 1546-1, qui prévoyait le retrait du rôle lorsque les parties informent le juge de la conclusion d’une convention de procédure participative, est modifié et s’enrichit de quelques alinéas. Désormais, il est prévu que :

  • les parties peuvent conclure une procédure participative de mise en état, à tout moment de l’instance. La conclusion de la convention de procédure participative est l’« acte fondateur » de cette instruction conventionnelle (v. la fiche pratique diffusée par le CNB) ;

  • lorsque les parties et leurs avocats justifient avoir conclu une convention de procédure participative aux fins de mise en état, le juge peut, à leur demande, fixer la date de l’audience de clôture de l’instruction et la date de l’audience de plaidoiries. Il renvoie l’examen de l’affaire à la première audience précitée. À défaut de demande en ce sens, le juge ordonne le retrait du rôle. On retrouve en filigrane dans cette disposition l’idée d’inversion du temps judiciaire défendue par le rapport Molfessis/Aghostini (v. sur ce point, rapport p. 22 ; C. Bléry et J.-P. Teboul, art. préc.) en vertu de laquelle c’est la date de l’examen au fond de l’affaire qui doit conditionner le rythme de la mise en état du dossier et non pas l’inverse. Les parties se voient ainsi conférer la faculté de gérer les échanges procéduraux et de gérer leur « rétroplanning à partir de cette date butoir » (C. Bléry et J.-P. Teboul, art. préc.) ;

  • la signature d’une convention de procédure participative de mise en état vaut renonciation de chaque partie à se prévaloir d’une fin de non-recevoir, de toute exception de procédure et des dispositions de l’article 47 du présent code, à l’exception de celles qui doivent être soulevées d’office par le juge ou qui apparaîtraient postérieurement à la signature de la convention de procédure participative.

Le décret consacre par ailleurs une montée en puissance des actes contresignés par avocats dans le cadre de la procédure participative. L’article 1546-3 du code de procédure civile précise d’abord la façon dont ce type d’actes peut être conclu en indiquant qu’il « est établi conjointement par les avocats des parties à un litige ayant ou non donné lieu à la saisine d’une juridiction, en dehors ou dans le cadre d’une procédure participative ». Il précise ensuite ce que les parties peuvent faire par ce biais. Sur ce point, quelques nouveautés sont à signaler puisque désormais, les actes contresignés peuvent :

  • « énumérer » les faits « ou les pièces » qui ne l’auraient pas été dans la convention, « sur l’existence, le contenu ou l’interprétation desquels les parties s’accordent » (1°) ;

  • déterminer les points de droit auxquels elles entendent limiter le débat, dès lors qu’ils portent sur des droits dont elles ont la libre disposition (2°) ;

  • convenir des modalités de communication de leurs écritures (3°) ;

  • recourir à un technicien selon les modalités des articles 1547 à 1554 (4°) ;

  • désigner un conciliateur de justice ou un médiateur ayant pour mission de concourir à la résolution du litige. L’acte fixe la mission de la personne désignée, le montant de sa rémunération et ses modalités de paiement (5°) ;

  • consigner les auditions des parties, entendues successivement en présence de leurs conseils, comportant leur présentation du litige, leurs prétentions, les questions de leurs avocats ainsi que leurs réponses et les observations qu’elles souhaitent présenter (6°) ;

  • consigner les déclarations de toute personne acceptant de fournir son témoignage sur les faits auxquels il a assisté ou qu’il a personnellement constatés, recueillies ensemble par les avocats, spontanément ou sur leur interrogation (dans les conditions classiques de l’article 202 C. pr. civ.) (7°) ;

  • consigner les constatations ou avis donnés par un technicien recueillis ensemble par les avocats (8°).

D’autres innovations ont trait à l’issue de la procédure. Parmi celles-ci, on citera les nouvelles causes d’extinction que sont l’inexécution par l’une des parties de la convention et la saisine du juge dans le cadre d’une procédure participative de mise en état, aux fins de statuer sur un incident, sauf si la saisine émane de l’ensemble des parties (C. pr. civ., art. 1555 nouv.). Le nouveau texte supprime par ailleurs le dernier alinéa de l’article 1555 relatif à la conclusion d’un accord partiel, lequel est désormais traité à l’article 1555-1, qui prévoit que cet accord doit être constaté dans un acte sous signature privée contresigné par avocat. Lorsque la convention de procédure participative a été conclue aux fins de mise en état, cet accord est adressé à la juridiction au plus tard à la date de l’audience à laquelle l’instruction sera clôturée. Lorsque la convention de procédure participative est conclue dans le cadre d’une procédure sans mise en état, cet accord est adressé à la juridiction au plus tard le jour de l’audience.

Les parties devront communiquer au juge la convention de procédure participative aux fins de mise en état, les pièces échangées dans le cadre de la mise en état conventionnelle, les actes d’avocat ainsi que les actes des techniciens et enfin un acte d’avocat qui reprend les points sur lesquels les parties sont en accord ou en désaccord.

Quelques ajouts sont enfin introduits en ce qui concerne la procédure aux fins de jugement, en particulier après mise en état conventionnelle du litige. Il est notamment prévu que, lorsque la phase conventionnelle a permis de mettre l’affaire en état d’être jugée mais que soit le litige a été partiellement résolu, soit qu’il persiste en totalité, l’affaire doit être fixée à bref délai (C. pr. civ., art. 1564-6 nouv.), ce qui n’est évidemment pas le cas lorsque la phase conventionnelle n’a pas permis une mise en état de l’affaire. Il s’agit à l’évidence d’une mesure incitative qui permettra aux parties de faire juger leur cause dans des délais plus attractifs.

Au-delà des changements techniques, que penser de cette réforme ?

À l’analyse, la nouvelle procédure participative conduit à renforcer la logique d’externalisation de l’instance et tend en cela à redonner du sens au principe dispositif à ce stade de la procédure. Le décret a le mérite de respecter l’économie de cette procédure participative qui consiste à replacer les parties au cœur de l’instruction de leur propre affaire. Mais il fait clairement le choix d’instaurer des mesures incitatives, purement techniques, ce qui constitue à la fois l’intérêt de la réforme et sa limite. Il semble que les changements, ponctuels, ne soient pas suffisants pour combler les lacunes classiquement attribuées à la procédure participative, notamment sa lourdeur et l’illisibilité de son régime. Elle est avant tout dépendante de son appropriation par les parties et leurs conseils. Ces derniers pourront utilement consulter le modèle de convention proposé par le CNB qui intègre les nouvelles dispositions.

Mehdi Kebir

Prise de date d’audience devant le tribunal judiciaire

Le décret n° 2019-1333 du 11 décembre 2019 réformant la procédure civile a été publié au Journal officiel du 12 décembre. Il prévoit notamment une prise de date d’audience devant le tribunal judiciaire.

 

Genèse

Le rapport sur l’amélioration et la simplification de la procédure civile, piloté par Mme Frédérique Agostini, alors présidente du tribunal de grande instance de Melun et M. le professeur Nicolas Molfessis présentait « trente propositions pour une justice civile de première instance modernisée » (v., Dalloz actualité, 7 févr. 2018, obs. C. Bléry). Parmi ces propositions figuraient celles tendant à « créer l’acte unique de saisine judiciaire » (prop. 12). Le rapport constatait que « la majorité des réponses aux consultations est favorable à la réduction des cinq modes de saisine des juridictions civiles et propose de ne conserver que l’assignation et la requête » et ajoutait que « le groupe de travail considère que la transformation numérique impose de sortir des schémas actuels du code de procédure civile. Proposant de distinguer la saisine de la juridiction et l’établissement du lien d’instance lorsqu’il est nécessaire […], il considère que l’instauration d’un acte unifié de saisine judiciaire par la voie électronique, unilatéral ou conjoint, est possible, tant en matière contentieuse qu’en matière gracieuse ». Bien qu’ayant donc retenu l’assignation et la requête comme acte de saisine, les rapporteurs expliquaient que cet acte de saisine judiciaire devrait être « établi par formulaire structuré, au moyen d’une application dédiée, accessible via le portail Justice »… de sorte que l’assignation semblait abandonnée comme acte introductif d’instance. Un effet de cet acte, permis par le numérique, était proposé : « l’acte de saisine judiciaire numérique doit générer pour le demandeur l’obtention d’une date qui sera adaptée à la nature de la procédure qu’il engage. La date de ce “rendez-vous” d’orientation judiciaire sera fixée selon un calendrier mis à disposition par la juridiction » ; toujours selon le groupe de travail, « l’obtention de cette date, tout comme la possibilité pour le justiciable d’avoir accès à tout moment par voie dématérialisée à l’avancée de sa procédure constituent des réponses aux attentes essentielles et légitimes du justiciable quant à la prévisibilité de la durée de son procès ».

Issue de la section 3 de la première partie du rapport Molfessis et Agostini, intitulée « Simplifier la saisine de la juridiction : pour un acte de saisine unifié », la proposition 12 était complétée par la proposition 14, à savoir « décharger le greffe des tâches de convocation dans les procédures contentieuses ». Celle-ci était développée dans le paragraphe 1 de la section 4 (« Unifier les circuits procéduraux »), qui avait pour objectif d’« établir avec certitude le lien d’instance ». Il était ici question d’une nouvelle fonction de l’assignation : celle d’acte de convocation du défendeur, en matière contentieuse. Le groupe de travail trouvait plusieurs justifications à cette proposition : « ce mode garantit le respect du contradictoire par la délivrance concomitante de l’acte de saisine et des pièces qui viennent à l’appui des demandes, assurant ainsi l’efficacité des échanges en vue de la première audience ».

Rappelons aussi la proposition 13 visant à « instaurer dès la première instance un principe de concentration des moyens ». Mais le principe de concentration dans l’acte introductif d’instance a heureusement été abandonné ; et la concentration des moyens au cours de l’instance n’est d’ailleurs pas codifiée, restant jurisprudentielle…

Consécration

S’inspirant du rapport, les auteurs du décret ont conservé l’assignation et la requête, qu’elle soit unilatérale ou conjointe : « la demande initiale est formée par assignation ou par requête remise ou adressée au greffe de la juridiction. La requête peut être formée conjointement par les parties » (art. 54, al. 1er, nouv. ; Dalloz actualité, 18 déc. 2019, obs. M.-P. Mourre-Schreiber).

L’assignation n’est cependant pas un acte de saisine en soi, elle reste un acte introductif d’instance devant être suivi d’une saisine réalisée par sa remise à la juridiction. Elle devient en revanche un acte de convocation du défendeur, comme envisagé par le rapport. Si l’article 55 donne une définition inchangée de l’assignation (le texte est abrogé et rétabli à l’identique par le décret n° 2019-1333), l’article 56, 1°, nouveau exige désormais que soient indiqués les « lieu, jour et heure de l’audience à laquelle l’affaire sera appelée ».

Observations

La prise de date est consacrée par l’article 751 nouveau : « la demande formée par assignation est portée à une audience dont la date est communiquée par tout moyen au demandeur selon des modalités définies par arrêté du garde des Sceaux » (texte à venir). Une fois la date d’audience demandée et indiquée « par tout moyen » (v. infra) par le greffe, le demandeur fait signifier l’assignation au défendeur qui se trouve ainsi convoqué à cette date.

On retrouve ensuite un schéma traditionnel avec l’article 754, alinéa 1er, qui dispose que « la juridiction est saisie, à la diligence de l’une ou l’autre partie, par la remise au greffe d’une copie de l’assignation ». La sanction du non-respect des délais prévus pour ce faire est inchangée : elle demeure la caducité (art. 754, al. 4, nouv.). Mais les modalités de la remise constituent une autre innovation, bien difficile à comprendre (v. infra).

L’entrée en vigueur du mécanisme de prise de date est reportée au 1er septembre 2020. Ce report s’explique par le fait que les juridictions ne sont prêtes ni techniquement ni juridiquement.

Le texte est placé au sein des « dispositions communes » au tribunal judiciaire (sous-titre 1 du titre 1 du livre 2 : art. 750 à 774 – ce dernier article, spécifique à la procédure orale ordinaire, ne devrait pas figurer dans ce sous-titre). L’article 751 concerne toutes les procédures susceptibles d’être mises en œuvre devant le tribunal judiciaire – écrites ou orales – avec ou sans représentation obligatoire par avocat, dès lors qu’elle est introduite par une assignation à l’exclusion d’une requête. Or le principe est la formation de la demande par assignation et l’exception par requête unilatérale, ceci « lorsque le montant de la demande n’excède pas 5 000 € en procédure orale ordinaire ou dans certaines matières fixées par la loi ou le règlement » (art. 750, al. 1er, nouv.) ; étant précisé que, « dans tous les cas, les parties peuvent saisir la juridiction par une requête conjointe » (art. 750, al. 1er, nouv.)… acte de procédure pourtant peu usité. Au passage, on peut s’interroger sur les raisons de cantonner la requête aux « petites affaires » : qu’est-ce qui, juridiquement, empêche de permettre dans tous les cas le choix de l’acte pour former la demande ?

Pour rappel, les procédures susceptibles d’être mises en œuvre devant le tribunal judiciaire seront les suivantes :

* procédure écrite (sous-titre 2 du titre 1 du livre 2) :

  • ordinaire (qui correspond à l’actuelle procédure contentieuse écrite devant le tribunal de grande instance), avec ou sans juge de la mise en état ou externalisée avec convention de procédure participative (art. 775 à 807) ;
     
  • gracieuse (art. 808 à 811) ;
     
  • à juge unique (art. 812 à 816) ;
     

* procédure orale (sous-titre 3 du titre 1 du livre 2) :

  • ordinaire (qui équivaut à l’actuelle procédure devant le tribunal d’instance ; art. 817-833) ;
     
  • référé devant le président du tribunal judiciaire ou le juge des contentieux de la protection (qui équivaut à l’actuelle procédure devant le président du tribunal de grande instance ou le juge d’instance ; art. 834-838) ;

* procédure accélérée au fond (PAF) (qui remplace la procédure de référé « en la forme » et ses déclinaisons et qui fait l’objet du décret n° 2019-1419 du 20 décembre 2019 publié au JO du 22 ; art. 839). Attention : « le décret modifie les dispositions relatives à la procédure en la forme des référés devant les juridictions de l’ordre judiciaire et la renomme procédure accélérée au fond. Il distingue les procédures qui demeurent des procédures accélérées au fond de celles qui deviennent des procédures de référé, sur requête ou au fond » (v. notice du décret). 

* « autres procédures » (sous-titre 4 du titre 1 du livre 2) :

* procédure à jour fixe (art. 840 à 844) ;

* ordonnance sur requêtes (art. 845 et 846) ;

* procédure sur décision de renvoi de la juridiction pénale (art. 847) ;

* procédure en matière d’action de groupe (art. 848 à 849-21). 

Suivent encore des dispositions diverses (sous-titre 5 du titre 1 du livre 2) :

  • « communication électronique » (sic, alors que le titre XXI du livre 1er s’intitule « communication par voie électronique » ; art. 850) ;
     
  • mesures d’administration judiciaire (art. 851 et 852).

Interrogations

On retrouve une nouvelle fois la notion de « tout moyen » (au singulier !) pour communiquer la date. Dans l’hypothèse où le justiciable est représenté ou assisté par un avocat, le RPVA pourrait sans doute être utilisé – cela semble résulter de la formulation peu heureuse de l’article 754, nouv. (v. infra). En toute hypothèse, le courriel ou le texto (bien que l’art. 748-8 issu du décret du 3 mai 2019 ne les mentionne plus et régisse désormais le portail du justiciable : Dalloz actualité, 24 mai 2019, obs. C. Bléry, T. Douville et J.-P. Teboul et Dalloz actualité, 17 juill. 2019, obs. C. Bléry) pourraient sans doute aussi être les vecteurs de cette communication… ce qui expliquerait la mention de « l’adresse électronique ou du numéro de portable du demandeur » dans certains cas, visée à l’article 54, alinéa 2, nouveau.

Ce dernier texte prévoit en effet que, « lorsqu’elle est formée par voie électronique, la demande comporte également, à peine de nullité, les adresse électronique et numéro de téléphone mobile du demandeur lorsqu’il consent à la dématérialisation ou de son avocat. Elle peut comporter l’adresse électronique et le numéro de téléphone du défendeur ». Ce qui suscite des interrogations :

  • qu’est-ce qu’une demande « formée » par voie électronique : est-ce une demande signifiée par voie électronique ? remise par voie électronique ?
     
  • quelle est cette voie électronique ?
     
  • qu’est-ce que la « dématérialisation », notion inconnue du code de procédure civile jusqu’alors ?

Il semblerait que soit visée l’hypothèse d’une requête remise par le portail du justiciable. Si c’est bien le cas, faire figurer cette mention dans l’article 54 qui vise aussi les assignations est maladroit. En se fiant à la lettre du texte, il faut considérer que les assignations signifiées par voie électronique (assez rares aujourd’hui) doivent aussi comporter cette mention.

Aujourd’hui, l’assignation devant le tribunal de grande instance doit être remise dans les quatre mois à peine de caducité ; celle devant le tribunal d’instance (notamment) quinze jours avant l’audience. Désormais, le délai est parfois double :

• « la copie de l’assignation doit être remise dans le délai de deux mois suivant la communication de la date d’audience par la juridiction effectuée selon les modalités prévues à l’article 748-1 » (art. 754, al. 2) ;

• « toutefois, la copie de l’assignation doit être remise au plus tard quinze jours avant la date de l’audience lorsque : 1° La date d’audience est communiquée par la juridiction selon d’autres modalités que celles prévues à l’article 748-1 ; 2° La date d’audience est fixée moins de deux mois après la communication de cette date par la juridiction selon les modalités prévues à l’article 748-1 » (al. 3).

Pourquoi la mention de l’article 748-1 ? Elle semble doublement problématique :

• cette référence vise-t-elle la communication par voie électronique (CPVE) version 1 en opposition à la CPVE version 2 ? (sur ces notions, v. C. Bléry et J.-P. Teboul, De la communication par voie électronique au code de cyber procédure civile, JCP 2017. 665 et « Numérique et échanges procéduraux », in Vers une procédure civile 2.0, Dalloz, coll. « Thèmes et commentaires », 2018, p. 7 s. ; Dalloz actualité, 24 mai 2019, obs. C. Bléry, T. Douville et J.-P. Teboul, art. préc.). Concrètement, est-ce une remise par le RPVA qui est envisagée (la signification par voie électronique ne paraît pas appropriée pour une telle remise et, de toute façon, n’est pas pratiquée), plutôt que par le portail du justiciable visé à l’article 748-8 ? Mais l’article 748-1 ne prévoit pas de modalités de la CPVE. Il détermine son champ d’application : il pose ainsi le principe selon lequel tous les actes d’un procès – qu’il énumère – sont susceptibles d’être concernés par la voie électronique (tant version 1 que version 2) – de manière facultative, sauf si une disposition la rend obligatoire…

• et l’article 751 appelle un arrêté technique pour préciser la notion de tout moyen… qui serait déjà en partie définie : soit RPVA, soit texto, courriel, avis en ligne sur le portail générant un avis de mise à disposition ou autre ?

Pourquoi ces quinze jours dans certains cas ? Les auteurs du décret ont-ils pensé aux procédures où la représentation n’est pas obligatoire et où est reconduite la règle aujourd’hui applicable au tribunal d’instance ? Règle qui est étendue à l’avocat lorsque la date lui a été communiquée par RPVA mais que le délai entre l’octroi de la date d’audience et celle-ci est assez bref…

Comparaison

Notons, pour finir que :

• lorsque la juridiction est saisie par requête, les « lieu, jour et heure » sont fixés par le président du tribunal judiciaire (art. 758, al. 1er, nouv.) : on suppose que cela vise la requête formée par le demandeur qui « saisit la juridiction sans que son adversaire en ait été préalablement informé » conformément à l’article 57, alinéa 1er, nouveau. Le texte ajoute que, « lorsque la requête est signée conjointement par les parties, cette date est fixée par le président du tribunal ; s’il y a lieu, il désigne la chambre à laquelle elle est distribuée » (pourquoi cette différence de rédaction selon que la requête est unilatérale ou conjointe ?). C’est le greffe qui avise les parties (art. 758, al. 3, nouv., le requérant – c’est-à-dire le demandeur unique ou les parties selon que la requête est unilatérale ou conjointe – étant avisé « par tous moyens » [au pluriel !], art. 758, al. 2, nouv.)… sauf en cas de représentation obligatoire, où les avocats sont avisés par simple bulletin (art. 758, al. 5), nouv. C’est le greffe qui convoque le défendeur à l’audience par lettre recommandée avec avis de réception (art. 758, al. 3, nouv.) ;

• selon l’article 756, alinéa 1er, « dans les cas où la demande peut être formée par requête, la partie la plus diligente saisit le tribunal par la remise au greffe de la requête. Cette requête peut être remise ou adressée ou effectuée par voie électronique dans les conditions prévues par arrêté du garde des Sceaux » – l’alinéa 2 ajoutant que, « lorsque les parties ont soumis leur différend à un conciliateur de justice sans parvenir à un accord, leur requête peut également être transmise au greffe à leur demande par le conciliateur ».

Mais, là encore, que faut-il entendre par « voie électronique » ? Le RPVA ? Bientôt le portail du justiciable ? Et pourquoi ces trois termes : « remise ou adressée ou effectuée » ? N’est-ce pas redondant ? On peut distinguer une remise papier qui implique un déplacement au greffe d’un envoi (à distance), mais une remise se confond avec un envoi par voie électronique. Et « effectuée » ?

Beaucoup de questions, donc, pour un texte qui risque de susciter du contentieux de pure procédure comme la réforme de l’appel (de 2009, puis 2017). Or le stock des affaires a augmenté en appel (v. Dalloz actualité, 2 déc. 2019, art. T. Coustet)…

Corinne Bléry

Publication du décret réformant le divorce et la séparation de corps

Le décret n° 2019-1380 du 17 décembre 2019 a pour objet de tirer les conséquences des modifications opérées par la loi de programmation et de réforme pour la justice du 23 mars 2019 s’agissant, d’une part, de la procédure applicable aux divorces contentieux et, d’autre part, de la séparation de corps ou du divorce par consentement mutuel sans intervention judiciaire.

 

C’est peu dire que le décret n° 2019-1380 du 17 décembre 2019 qui paraît ce jour au Journal officiel (JORF n° 0294, 19 déc. 2019, texte n° 2) survient dans un contexte que chacun sait particulier. En à peine trois ans, le droit du divorce a été profondément réformé : quelques mois seulement après la loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016 qui a déjudiciarisé le divorce par consentement mutuel, la loi n° 2019-222 du 23 juin 2019 a opéré une réforme tout aussi ambitieuse à propos du divorce contentieux et de la séparation de corps (J. Casey, Réforme de la procédure des divorces contentieux, simplifier pour mieux juger, vraiment, AJ fam. 2019. 239 ; E. Chaillié, La séparation de corps, AJ fam. 2019. 318 ; D. Sadi, Du divorce à grande vitesse : brèves observations à propos de la loi du 23 mars 2019, D. 2019. 1779 ; J. Boisson, La loi de programmation et de réforme de la justice : le parachèvement de la loi J21 en matière de séparation du couple, JCP N 2019. 1160 ; J.-R. Binet, Divorce et séparation de corps, Dr. fam. 2019. Doss. 10). Si certaines dispositions étaient d’application immédiate (au lendemain de la publication de la loi au JORF), on se souvient aussi que pour celles ayant trait au divorce contentieux (L. 23 mars 2019, art. 22 et 23), le législateur a différé leur entrée en application, laissant au gouvernement le soin d’en préciser la date par décret en Conseil d’État, en fixant toutefois un butoir, comme l’y oblige la jurisprudence du Conseil constitutionnel (Cons. const. 29 déc. 1986, n° 86-224 DC), lequel fut arrêté au 1er septembre 2020 (L. 23 mars 2019, art. 109, VII). Depuis, l’on attendait impatiemment de savoir à quel moment précis le pouvoir réglementaire amorcerait l’entrée en application de ces nouvelles mesures. Dans le courant du mois de novembre 2019, le projet de décret de réforme du divorce – en même temps que celui relatif à la réforme de la procédure civile – a été transmis au Conseil d’État (v. Dalloz actualité, 16 nov. 2019, obs. L. Dargent) dans une version prévoyant une entrée en application au 1er janvier 2020 (v. Dalloz actualité, 15 nov. 2019, interview de J.-F. de Montgolfier, par L. Dargent). Les juridictions et les professionnels se sont légitimement inquiétés d’un lancement au 1er janvier 2020 de ces réformes d’ampleur, notamment s’agissant de l’assignation avec « prise de date ». On a craint, non sans bonnes raisons, qu’une entrée trop brutale désorganise les juridictions (déjà bien en peine, v. en dernier lieu Dalloz actualité, 18 oct. 2019, art. T. Coustet), et ce d’autant plus que l’outil informatique, indispensable à l’information des parties sur la date de la première audience, n’a pas encore été déployé et que les décrets d’application se font ici toujours désirer. C’est ainsi que les magistrats et les avocats ont attiré l’attention de la Chancellerie sur les difficultés d’une entrée en application trop hâtive de certaines mesures. Sensibles aux arguments de l’Union syndicale des magistrats et du Conseil national des barreaux, la ministre de la justice a consenti à un report, au 1er septembre 2020, de la réforme du divorce et des dispositions du projet de décret portant réforme de la procédure civile qui généralisent l’assignation avec « prise de date » (v. Dalloz actualité, 27 nov. 2019, art. T. Coustet). Ainsi, par rapport à la version initiale présentée au Conseil d’État, le décret commenté prévoit aujourd’hui que les dispositions intéressant le divorce (i.e. les art. 1 à 7) entrent en application au 1er septembre 2020 (décr. n° 2019-1380, art. 15) mais la vigilance reste de mise car toutes les autres – notamment celles relatives à la séparation de corps (i.e. art. 8 à 14) – prennent effet au lendemain de sa publication, soit à compter du 20 décembre 2019. En effet, les dix-sept articles du décret n’intéressent pas seulement le divorce avec intervention judiciaire, ils tendent aussi à tirer les conséquences des modifications adoptées dans la loi de programmation et de réforme pour la justice du 23 mars 2019 en matière de séparation de corps et de divorce par consentement mutuel sans intervention judiciaire.

Le divorce avec intervention judiciaire

En matière de divorce contentieux, le décret prend en compte la disparition de la requête initiale et de l’audience sur tentative de conciliation et il modifie les pouvoirs du juge de la mise en état afin que la procédure pour les audiences sur les mesures provisoires soit en partie orale. En outre, le décret tire les conséquences des innovations affectant le divorce accepté et le divorce pour altération définitive du lien conjugal, avant de procéder à un certain nombre de mesures de coordination.

L’unification procédurale du divorce contentieux

Acte unique d’introduction d’instance

Le décret modifie certains articles du code de procédure civile afin de prendre en compte la suppression de la requête initiale et de la phase de non-conciliation (décr. n° 2019-1380, art. 1). L’article 22 de la loi de programmation vise en effet à unifier le régime procédural du divorce contentieux. La procédure en deux temps s’efface, pour voir apparaître un seul acte de saisine. Ainsi, les mots « requête initiale » et « ordonnance de non-conciliation » disparaissent et laissent place à la simple « demande en divorce » (art. 2 et 4). En particulier, le premier paragraphe de la sous-section 3 de la section II – elle aussi désormais intitulée « le divorce et la séparation de corps judiciaires » (art. 3) – du chapitre V relatif à la procédure en matière familiale, prend le titre suivant : « la demande et l’instance en divorce », en lieu et place de « la requête initiale » (art. 5, 1°). Ce paragraphe est en outre intégralement remanié : les articles 1106 à 1109 connaissent une nouvelle rédaction et les articles 1110 à 1114 relatifs à la tentative de conciliation sont abrogés (art. 5, 2° et 3°). Le paragraphe 4 (« les mesures provisoires ») devient le paragraphe 2 (art. 5, 6°) et toute la numérotation des paragraphes suivants rétrograde d’autant, le 5 devenant le 3, le 6 le 4, et ainsi de suite (art. 5, 11° et 14°). L’article 1106 prévoit que « l’instance est formée, instruite et jugée selon la procédure écrite ordinaire applicable devant le tribunal judiciaire ». Il est donc renvoyé aux règles de droit commun de la procédure civile (adde, décr. n° 2019-1333, 11 déc. 2019, réformant la procédure civile, JO 12 déc.). Il faut dès lors se référer à l’article 252 du code civil dans sa nouvelle rédaction qui impose, comme auparavant, dans l’acte introductif d’instance, une proposition de règlements des intérêts pécuniaires et patrimoniaux des époux ; mais également la mention des dispositions relatives à la médiation familiale ; à la procédure participative ; à l’homologation des accords sur les modalités d’exercice de l’autorité parentale et les conséquences du divorce (décr. n° 2019-1380, art. 5, 4°).

Assignation avec « prise de date »

À terme, la réforme du divorce ambitionne ainsi de consacrer un unique acte d’introduction d’instance avec « prise de date ». De ce point de vue, le nouvel article 1107 du code de procédure civile requiert particulièrement l’attention : la conséquence directe de cette nouvelle procédure est que la demande en divorce est formée par assignation ou par requête remise ou adressée conjointement par les parties au greffe. Cependant, cette assignation ou cette requête conjointe doit contenir « les lieu, jour et heure de l’audience d’orientation et sur mesures provisoires » (al. 1er). De cet élément à forte dimension pratique qu’est la date de l’audience dépend la validité de l’assignation ou de la requête, puisqu’elle doit y figurer « à peine de nullité ». On comprend que l’objectif est d’accélérer la procédure et de permettre une meilleure anticipation pour le justiciable mais on peut s’interroger sur la mise en œuvre concrète de ce dispositif. L’alinéa 2 ajoute ainsi que « cette date est communiquée par la juridiction au demandeur par tout moyen selon des modalités définies par arrêté du garde des Sceaux ». Cela implique une inéluctable et délicate réorganisation des greffes que les magistrats, greffiers et avocats ont évidemment pointée au soutien d’un report de l’entrée en vigueur du décret. En effet, un outil numérique a été largement évoqué mais il ne devrait apparaître que d’ici septembre 2020. On mesure d’autant plus l’opportunité du report consenti par la Chancellerie même s’il reste à espérer que, le moment venu, cet outil soit prêt à fonctionner. Dans l’hypothèse inverse, les avocats devront obtenir cette date par tout autre moyen (c’est-à-dire concrètement par téléphone ou courriel) auprès des greffes qui devront donc s’organiser en conséquence.

Motif du divorce

S’agissant du fondement de la demande, il faut encore rappeler que la loi du 23 mars 2019 entend laisser une option au demandeur en lui permettant de motiver sa demande lorsque celle-ci sera fondée sur un divorce accepté ou sur un divorce pour altération définitive du lien conjugal et qu’à défaut, le motif pourra être choisi en cours de procédure, en étant précisé dans les premières conclusions au fond (l’art. 1116 est d’ailleurs remanié pour en tenir compte, v. décr. n° 2019-1380, art. 5, 5°). En revanche, la loi nouvelle fait interdiction à l’acte introductif d’instance d’indiquer, ab initio, que la demande en divorce est fondée sur l’article 242 du code civil : en cas de divorce pour faute, le demandeur doit nécessairement attendre les premières conclusions au fond (la règle s’infère de la nouvelle rédaction de l’art. 251 C. civ.). Il s’agit de ménager un temps de réflexion pour cette forme de divorce, certainement la plus contentieuse de toutes, dans un souci de pacification de la procédure. L’article 1107 en tire les conséquences procédurales en affirmant l’irrecevabilité de l’acte introductif d’instance fondé sur la faute : « À peine d’irrecevabilité, l’acte introductif d’instance n’indique ni le fondement juridique de la demande en divorce lorsqu’il relève de l’article 242 du code civil ni les faits à l’origine de celle-ci ».

L’organisation de l’audience d’orientation et sur mesures provisoires devant le juge de la mise en état

Saisine du juge

Le nouvel article 1108 du code de procédure civile prévoit que le juge aux affaires familiales est saisi, « à la diligence de l’une ou l’autre partie, par la remise au greffe d’une copie de l’acte introductif d’instance ». L’alinéa 6 énonce l’obligation pour le défendeur de « constituer avocat dans le délai de quinze jours à compter de l’assignation ». La procédure est ensuite rythmée par des délais fixés par l’article 1108.

Concernant la remise au greffe d’une copie de l’acte introductif d’instance, l’alinéa 2 se concentre sur la situation dans laquelle la communication de la date d’audience par la juridiction est faite par voie électronique, situation qui a vocation à devenir la norme. La remise au greffe doit ainsi être faite dans le délai de deux mois à compter de la communication de cette date par voie électronique. Si ce délai ne semble pas s’appliquer lorsque la communication a été effectuée par d’autres moyens (courrier, courriel ou téléphone notamment), il est ensuite précisé que « la copie de l’acte introductif d’instance doit être remise au plus tard quinze jours avant la date d’audience lorsque, d’une part, la date d’audience est communiquée par la juridiction selon d’autres modalités que celles prévues à l’article 748-1 et, d’autre part, lorsque la date d’audience est fixée moins de deux mois après la communication de cette date par la juridiction selon les modalités prévues à l’article 748-1 ». En somme, si la date d’audience a été communiquée par voie électronique, la remise de la copie de l’acte introductif d’instance doit intervenir dans les deux mois suivant cette communication. Cependant, si, par bonheur, la date d’audience obtenue est antérieure à la date d’échéance de ce délai de deux mois, la copie de l’acte introductif d’instance doit être remise au plus tard quinze jours avant la date d’audience (par ex., si la communication de la date est faite le 1er mars et que la date d’audience est fixée au 15 avril – donc moins de deux mois plus tard –, la remise devra être faite avant le 1er avril). Il en est de même si la communication n’a pas été effectuée par voie électronique.

La procédure est cadencée et la sanction en cas de non-respect de ces délais est claire : « La remise doit avoir lieu dans les délais prévus aux alinéas précédents sous peine de caducité de l’acte introductif d’instance constatée d’office par ordonnance du juge aux affaires familiales ou, à défaut, à la requête d’une partie ». C’est d’ailleurs à cet instant que le juge aux affaires familiales devient le juge de la mise en état. L’alinéa 3 de l’article 1108 dispose en effet qu’il exerce les fonctions de juge de la mise en état à compter « du dépôt de la requête formée conjointement par les parties, de la constitution du défendeur ou à défaut, à l’expiration du délai qui lui est imparti pour constituer avocat ». La nouvelle terminologie peut alors se déployer : il s’agit désormais d’une « audience d’orientation et sur mesures provisoires ».

Audience d’orientation et sur mesures provisoires

L’article 1117 du code de procédure civile qui ne comportait qu’un seul alinéa relatif à la prise en compte des accords conclus entre les époux est réécrit (décr. n° 2019-1380, art. 5, 7°). Il comporte désormais sept alinéas. Les demandes de mesures provisoires peuvent figurer dans l’acte introductif d’instance. À peine d’irrecevabilité, le juge de la mise en l’état est saisi de ces demandes qui doivent alors se trouver dans une partie distincte des demandes au fond (al. 1er). Présentes dès l’acte de saisine, les mesures provisoires ainsi formulées permettront une meilleure préparation de l’audience, en particulier pour le défendeur.

Si une partie renonce à demander des mesures provisoires, elle doit l’indiquer au juge avant l’audience d’orientation ou lors de celle-ci (al. 2). Cependant, les parties pourront toujours formuler une première demande de mesures provisoires jusqu’à la clôture des débats devant le juge de la mise en état. Il sera alors saisi dans les conditions de l’article 789 du code de procédure civile relatif à la saisine du juge de la mise en état, dans sa nouvelle rédaction issue du décret n° 2019-1333 du 11 décembre 2019 réformant la procédure civile.

Dès lors qu’une mesure provisoire est sollicitée par au moins l’une des parties, le juge de la mise en état statue (al. 3) et, le cas échéant, précise la date d’effet des mesures provisoires (al. 7). Les accords conclus par les époux seront pris en considération par le juge (al. 6). Les parties comparaissent assistées par leur avocat mais elles peuvent aussi être représentées (al. 4). Leur présence n’est plus obligatoire même si elle est fortement recommandée. Le juge peut en outre ordonner leur comparution (S. Maitre, La future procédure de divorce et son impact sur les mesures provisoire, AJ fam. 2019. 238 ).

Mais ce qui est présenté comme une innovation procédurale majeure est certainement l’oralité. Les parties pourront en effet « présenter oralement des prétentions et des moyens à leur soutien », l’article renvoyant ensuite aux dispositions propres à la procédure orale du premier alinéa de l’article 446-1 du code de procédure civile (al. 5). L’oralité de la procédure vise à permettre aux parties de s’exprimer afin de faire émerger certains accords, voire en cherchant à concilier les époux (v. l’interview de J.-F. Montgolfier, préc.). On voit que l’esprit de conciliation n’est pas absent de cette nouvelle procédure, même si le vocable est bien sûr supprimé. Cette audience d’orientation et sur mesures provisoires aura somme toute la même finalité pratique que l’audience de conciliation, dont on sait qu’elle tendait bien plus à régler les mesures provisoires qu’à concilier les époux. La différence essentielle se trouve dans le rythme imposé, provoquant une certaine contraction de la procédure, ce qui est bien l’objectif poursuivi.

Si aucune demande de mesure provisoire n’est effectuée (rare en pratique), cette audience se limitera à l’orientation de la procédure, notamment par la fixation d’un calendrier. Précisons que les parties pourront choisir une mise en état conventionnelle par la procédure participative régie par le projet de décret réformant la procédure civile (décr. n° 2019-1333, art. 12 s.).

Procédure spécifique en cas d’urgence

Il faut encore signaler qu’une voie « spéciale » ou « accélérée » est prévue à l’article 1109 pour embrasser certaines situations d’urgence. Ce texte prévoit, par dérogation aux articles 1107 et 1108 du code de procédure civile, que le juge saisi par requête peut autoriser l’un des époux à assigner l’autre à une audience d’orientation et sur mesures provisoires fixée « à bref délai » (al. 1er). Les délais s’accélèrent alors : la remise au greffe d’une copie de l’assignation et la constitution d’avocat du défendeur doivent intervenir au plus tard la veille de l’audience et si cette prescription n’est pas observée « la caducité est constatée d’office par ordonnance du juge aux affaires familiales » (al. 2). Néanmoins, cette accélération doit tenir compte des droits de la défense et l’alinéa 3 précise que « le jour de l’audience, le juge de la mise en état s’assure qu’il s’est écoulé un temps suffisant depuis l’assignation pour que l’autre partie ait pu préparer sa défense ». Si le juge ne fait pas droit à la requête en urgence, le demandeur se tourne vers la voie « ordinaire », à savoir le nouvel article 1107 du code de procédure civile.

Les innovations affectant certains divorces contentieux

Divorce accepté

L’article 1123 du code de procédure civile ouvrant le paragraphe 6 intitulé « dispositions particulières au divorce accepté » est refondu (décr. n° 2019-1380, art. 5, 12°). Si les époux peuvent accepter le principe de la rupture du mariage à tout moment de la procédure, les modalités de cette acceptation sont repensées. Elles intègrent le nouveau format en prévoyant la possibilité de constater cette acceptation lors de « toute audience sur les mesures provisoires », auquel cas elle sera constatée dans un « procès-verbal dressé par le juge et signé par les époux et leurs avocats respectifs ». De surcroît, la forme de l’acceptation diffère en fonction du moment auquel elle intervient :

• si le principe de la rupture du mariage est accepté avant la demande en divorce, la nouvelle voie s’inscrit dans le déploiement de l’acte sous signature privée contresigné par avocat, prévue par le nouvel article 233, alinéa 2, du code civil qui a donné lieu à la création d’un article 1123-1 du code de procédure civile (décr. n° 2019-1380, art. 5, XIII). Les alinéas 3 et 4 de l’article 1123, prévoyant l’acceptation par une déclaration de chaque époux, signée de sa main, sont ainsi supprimés. L’article 1123-1 prévoit donc que l’acceptation peut « aussi résulter d’un acte sous signature privée des parties et contresigné par avocats dans les six mois précédant la demande en divorce ou pendant la procédure ». L’article 233, alinéa 2, précisait déjà que cet acte pouvait être conclu avant l’introduction de l’instance. Cependant, l’article 1123-1 impose que cet acte soit annexé à la requête introductive d’instance formée conjointement par les parties dans le cas où l’acte contresigné par avocat contenant cette acceptation est établi avant la demande en divorce. Notons que, dans ce cas, il doit avoir été passé dans les six mois précédant ladite demande ;

• si le principe de la rupture du mariage est accepté par les époux en cours de procédure (C. civ., art. 233, al. 3), deux formes sont désormais possibles : la déclaration d’acceptation et l’acte sous signature privée contresigné par avocat. En effet, le cinquième alinéa fait réapparaître la déclaration d’acceptation de chaque époux « signée de sa main » qui doit être annexée aux conclusions lorsque la demande est formée en cours d’instance. Il intègre surtout la nouvelle forme d’acceptation par acte sous signature privée des parties contresigné par avocats, qui sera dans ce cas transmis au juge de la mise en état.

Toujours est-il que, quelle que soit sa forme, l’acceptation doit contenir la mention selon laquelle « l’acceptation n’est pas susceptible de rétractation, même par la voie de l’appel » (C. pr. civ., art. 1123, al. 4 nouv., et art. 1123-1, al. 3).

Divorce pour altération définitive du lien conjugal

Outre celles affectant le divorce accepté, le décret tient aussi compte des innovations législatives en matière de divorce pour altération définitive du lien conjugal. À ce titre, le délai d’un an désormais prévu par le nouvel article 238 du code civil est intégré à l’article 1126 du code de procédure civile (décr. n° 2019-1380, art. 5, 15°). Le paragraphe (dorénavant numéroté § 5) connaît l’insertion d’un nouvel article 1126-1 (décr. n° 2019-1380, art. 5, 16°) qui prévoit que, si le divorce est fondé sur l’altération définitive du lien conjugal sans que (comme cela est possible) ce motif soit invoqué dans l’acte introductif d’instance, la décision statuant sur le principe du divorce ne peut intervenir avant l’expiration du délai d’un an. On sait que ce délai est en principe apprécié lors de la demande en divorce, puisqu’il doit être écoulé à cette date (C. civ., art. 238, al. 1er). Mais, lorsque la demande n’indique pas le fondement, le délai s’apprécie à la date du prononcé du divorce (C. civ., art. 238, al. 2). C’est cette seconde situation qu’envisage le nouvel article 1126-1 du code de procédure civile. En pratique, cela signifie concrètement que, si le motif n’est pas précisé dans la demande, le délai pourra s’écouler pendant la procédure. Toutefois, ce délai d’un an n’est pas requis lorsqu’il s’agit d’une demande reconventionnelle, l’article 1126-1 réservant le cas du dernier alinéa de l’article 238 du code civil.

Les diverses mesures de coordination

Protection des victimes de violence

Le décret modifie l’article 1136-13 du code de procédure civile relatif à la procédure aux fins de mesures de protection des victimes de violence (décr. n° 2019-1380, art. 6). En effet, l’ordonnance de protection peut porter sur la résidence séparée des époux et la jouissance du logement (C. civ., art. 515-11, 3°), de même qu’elle peut se prononcer sur les modalités d’exercice de l’autorité parentale, ou encore sur la contribution aux charges du mariage et sur la contribution à l’entretien et à l’éducation des enfants. Dès lors que, dans le cadre de la procédure de divorce, des mesures provisoires entrant dans le champ des 3° et 5° de l’article 515-11 telles que précitées sont prononcées par le juge de la mise en état, elles priment sur celles contenues dans l’ordonnance de protection. Ainsi, « les mesures concernées de l’ordonnance de protection cessent de produire leurs effets à compter de la notification de l’ordonnance portant sur les mesures provisoires du divorce » (C. pr. civ., art. 1136-13, al. 1er, in fine). Ces dispositions de cohérence existaient déjà ; l’article 6 du décret visant simplement à prendre en compte la nouvelle terminologie.

Aide juridictionnelle

Toujours au titre des mesures de coordination, le décret prévoit aussi la suppression du deuxième alinéa de l’article 54 du décret n° 91-1266 du 19 décembre 1991, en ce qu’il porte sur la caducité de la décision d’admission à l’aide juridictionnelle lorsque l’instance n’a pas été introduite dans les trente mois à compter du prononcé de l’ordonnance de non-conciliation (décr. n° 2019-1380, art. 7).

Le divorce et la séparation de corps sans intervention judiciaire

La loi du 23 mars 2019 a comblé ce qui fut qualifié par la garde des Sceaux « d’un oubli », confessant que ces dispositions « auraient dû figurer d’emblée dans la loi de modernisation de la justice » du 28 novembre 2016 (JO Sénat, 10 oct. 2018, p. 13520). Souhaitant corriger cette omission, le législateur a ouvert un cas de séparation de corps par consentement mutuel sans intervention judiciaire et, du même coup, a mis fin au débat qui fit jour en doctrine (J. Boisson, Le divorce sans juge : vers un détournement du divorce et de la séparation de corps aux fins de changement de régime matrimonial, Dr. & patr. 2016, n° 264, p. 20) jusqu’à ce que la Chancellerie se prononce sur le sujet (circ. 26 janv. 2017, BOMJ n° 2017-06, 30 juin 2017, JCP N 2017, n° 06-07, act. 252). Désormais, l’article 296 du code civil prévoit que la séparation de corps peut, à l’instar du divorce, être « prononcée » par le juge ou « constatée » par une convention sous signature privée déposée au rang des minutes d’un notaire. La loi nouvelle a ainsi calqué la séparation de corps sur le divorce (C. civ., art. 298) en créant, en sus des séparations de corps judiciaires, une séparation de corps par consentement mutuel déjudiciarisée. Il restait à en tirer les conséquences et à prendre pleinement en compte la séparation de corps par acte sous signature privée contresigné par avocats déposé au rang des minutes d’un notaire. Tel est l’objet du deuxième chapitre du décret (art. 8 à 14) qui étend à ce nouveau dispositif les textes créés ou modifiés pour le divorce par consentement mutuel sans intervention judiciaire au moyen d’un renvoi législatif, qui confirme la possibilité de recourir, pour ces actes, à la signature électronique et qui prévoit différentes mesures de coordination. Toutes ces dispositions sont d’application immédiate.

L’élargissement des textes applicables au divorce

Séparation de corps « sans juge »

Prenant acte de la déjudiciarisation opérée par la loi du 23 mars 2019, le décret étend à la séparation de corps tous les textes créés ou modifiés pour le divorce par consentement mutuel sans intervention judiciaire. Cet élargissement est clairement affirmé par l’introduction, dans le code de procédure civile, d’un nouvel article 1148-3 qui opère au moyen d’un renvoi : « Les dispositions du présent chapitre sont applicables aux séparations de corps par acte sous signature privée contresigné par avocats, déposé au rang des minutes d’un notaire » (décr. n° 2019-1380, art. 8, 5°). Ceci impliquait une retouche dans le plan du code de procédure civile et c’est ainsi que, pour intégrer la séparation de corps, le chapitre V bis du titre Ier du livre III se pare désormais d’un nouvel intitulé : « Le divorce et la séparation de corps par consentement mutuel par acte sous signature privée contresigné par avocats, déposé au rang des minutes d’un notaire » (décr. n° 2019-1380, art. 8, 3°).

Ce faisant, la séparation de corps « sans juge » obéit à compter du 20 décembre 2019 aux mêmes règles que le divorce « sans juge » : information de l’enfant mineur prenant la forme d’un formulaire (C. pr. civ., art. 1144) ; mentions obligatoires de la convention de séparation de corps (nom du notaire ou désignation de la personne morale titulaire de l’office, modalités de recouvrement et de révision de la pension alimentaire lorsqu’elle prend la forme de rente viagère, répartition des frais en cas de bénéfice par l’un des époux de l’aide juridictionnelle, etc.) ; signature en trois exemplaires (C. pr. civ., art. 1145) ; transmission de la convention dans un délai de sept jours pour dépôt à intervenir dans un délai de quinze jours (C. pr. civ., art. 1146) ; mention en marge des actes de naissance et de mariage (C. pr. civ., art. 1447) ; production par le notaire d’une attestation de dépôt (C. pr. civ., art. 1148), etc.

Cela étant, cette « greffe » est parfois imparfaite et peut même susciter quelques confusions. Pour ne prendre qu’un exemple, et contrairement à ce qu’inviterait une lecture littérale de l’article 1148-3 combiné avec l’article 1144-3, la convention de séparation de corps n’a évidemment pas à préciser la valeur des biens ou droits attribués à titre de prestation compensatoire ; si tel est le cas pour le divorce, la mesure est ici sans objet puisque la séparation de corps n’entraîne jamais l’attribution d’une prestation compensatoire (comment en effet compenser la disparité que la rupture crée dans les conditions de vie, là où le lien matrimonial n’est précisément pas rompu et où le devoir de secours entre époux est maintenu ?). C’est donc une application précautionneuse et adaptée à la singularité de la séparation de corps qu’il faut faire des textes du code de procédure civile relatifs au divorce par acte d’avocat déposé auprès d’un notaire. En revanche, s’il est une assimilation à laquelle on peut procéder sans réserve, c’est bien celle relative au recours à l’acte électronique.

Le recours à la signature électronique

Forme électronique

La loi du 23 mars 2019 a modifié l’article 1175 du code civil pour que la convention de divorce ou de séparation de corps soit reçue en la forme électronique, alors que le législateur continue de dénier cette faculté aux autres actes sous signature privée relatifs au droit de la famille et des successions. Le décret tire la conséquence de cette importante innovation : l’article 1145 du code de procédure civile est amendé pour viser le cas de la convention « par signature électronique » donnant ainsi sa pleine efficacité à la mesure (décr. n° 2019-1380, art. 8, 4°). La convention de divorce par consentement mutuel, comme la séparation de corps de cette nature, peut être établie et conservée électroniquement conformément aux prescriptions des articles 1366 et 1367 du code civil.

Présence des parties

Il faut aussi noter, toujours à propos de l’article 1145 du code de procédure civile, un ajout qui règle définitivement un point pratique essentiel : la lettre nouvelle de ce texte précise dorénavant que l’acte doit être signé « ensemble » par les époux et leurs avocats « réunis à cet effet » (décr. n° 2019-1380, art. 8, 4°). C’est une précision importante qui ne doit pas passer inaperçue. On se souvient en effet qu’au lendemain de la loi J21 du 18 novembre 2016, cette question avait donné lieu à des discussions, même si, majoritairement – à l’appui d’une circulaire ministérielle –, il fut retenu que « la convention doit être signée par les époux et leurs avocats ensemble, ce qui signifie une mise en présence physique des signataires au moment de la signature. En pratique, un rendez-vous commun aux deux époux et aux deux avocats devra être organisé en vue de la signature de la convention » (circ. 26 janv. 2017, préc., fiche 5, spéc. p. 17). La réécriture de l’article 1175 du code civil par la loi du 23 mars 2019 a très nettement semblé confirmer cette lecture en évoquant des conventions « contresignées par avocat en présence des parties ». Si bien que le Conseil national des barreaux a récemment complété l’article 7.2 du règlement intérieur national (RIN) de sa profession pour préciser que la convention « est signée, en présence physique et simultanément, par les parties et les avocats rédacteurs désignés à la convention sans substitution ni délégation possible » (CNB, décis., 28 mars 2019, n° JUSC1908797S, JO 30 avr., texte n° 5, AJ fam. 2019. 322, obs. L. Junod-Fanget ; Dr. fam. 2019. Comm. 150, obs. B. Zouania). Le décret commenté entérine cette solution et lève définitivement toute hésitation, même si on peut s’interroger sur le bien-fondé de l’impossibilité de prévoir une signature « à distance » à une époque du tout numérique placée sous l’égide de la libre circulation des personnes. Surtout, on pressent combien il sera assez difficile pour le notaire de vérifier, à l’occasion de son contrôle formel, que cette solennité a parfaitement été observée.

Les ultimes mesures de coordination

Conversion en divorce

Au titre de quelques ultimes mesures de coordination, le décret met en conformité l’article 1132 du code de procédure civile avec le second alinéa de l’article 307 du code civil dans sa rédaction issue de la loi du 23 mars 2019. Souvenons-nous que la retouche de ce texte, qui était déjà supposé n’être qu’une mesure de coordination, apporta en réalité d’importantes conséquences puisqu’il est désormais affirmé « qu’en cas de séparation de corps par consentement mutuel, la conversion en divorce ne peut intervenir que par consentement mutuel ». Pour harmoniser les solutions, le décret modifie l’article 1132 du code de procédure civile pour retenir la rédaction suivante : « En cas de séparation de corps par consentement mutuel et lorsqu’un mineur demande son audition par le juge, la requête aux fins de conversion en divorce par consentement mutuel fondée sur l’article 230 du code civil contient, à peine d’irrecevabilité, les mentions requises par l’article 1090, l’indication de la décision qui a prononcé la séparation de corps, et est accompagnée d’une convention sur les conséquences du divorce » (l’italique souligne les ajouts). Il s’agit seulement de traduire dans le code de procédure civile la règle du code civil selon laquelle la conversion d’une séparation de corps par consentement mutuel en divorce est « tubulaire » (et non en « Y ») puisqu’elle ne peut se faire qu’au profit du divorce par consentement mutuel (C. civ., art. 307, al. 2) à l’exclusion des autres fondements (v. Rép. civ., Séparation de corps, n° 62, par N. Dissaux, A. Breton, J. Bouton et E. Fortis).

Varia

Plus à la marge, mais toujours au titre des mesures de coordination, d’autres dispositions – qu’on ne fera que signaler – sont modifiées pour intégrer les mots « ou de séparation de corps » après ceux relatifs au divorce : ainsi de l’article 509-3 du code de procédure civile (décr. n° 2019-1380, art. 8, 1°), de l’alinéa 2 du décret n° 91-152 du 7 février 1991 relatif aux attributions notariales des agents diplomatiques et consulaires (art. 9), de l’article 4-1 du décret n° 65-422 du 1er juin 1965 portant création d’un service central d’état civil au ministère des affaires étrangères (art. 10), de l’article R. 351-12 du code de la construction et de l’habitation (art. 11), des articles R. 213-2 et R. 213-9-1 du code des procédures civiles d’exécution (art. 12), de l’article R. 5423-4 du code du travail (art. 13), et du quatrième alinéa de l’article D. 744-23 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile (art. 14).

Conclusion

Le décret commenté, malgré son aspect technique qui n’en facilite naturellement pas la lecture, mérite toute l’attention car il sert une réforme importante qui porte l’ambition d’une désunion pacifiée et accélérée. Si certaines mesures sont d’application immédiate (au lendemain de la publication du décret, soit au 20 décembre 2019), les principales innovations – celles qui demanderont aux magistrats, aux greffiers, aux avocats et aux notaires un temps légitime d’adaptation – seront différées au 1er septembre 2020. Espérons à présent que ce délai suffise pour accueillir avec sérénité ces innovations qui résultent de réformes d’ampleur qui ont été difficiles et longues à assimiler en pratique. Si les praticiens ne sont pas fermés à des évolutions, ils attendent aussi de la clarté et de la cohérence dans l’action législative et réglementaire.

Sarah Torricelli-Chrifi et Alex Tani