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Interview

Questions techniques autour du prélèvement à la source des avocats

Le prélèvement à la source entrera en vigueur le 1er janvier 2019, pour les avocats également. Des questions demeurent. Interview de Maryvonne Le Brignonen, à la tête de la mission Prélèvement à la source au sein de la Direction générale des finances publiques (DGFIP).

le 12 décembre 2018

La rédaction : Nous savons qu’en cas de variation des revenus d’activité (ce qui est très fréquent dans les cabinets d’avocats), les acomptes pourront être modulés. Quels sont les documents et formalités qui devront être transmis pour appuyer cette demande de modulation ? Surtout, dans quel délai l’administration traitera-t-elle ces demandes ?

Maryvonne Le Brignonen : Les avocats paieront leur impôt sur le revenu via des acomptes contemporains calculés par l’administration fiscale sur la base de leur dernière déclaration de revenus. Si leur situation évolue en cours d’année, par exemple s’ils cessent leur activité, ils pourront immédiatement arrêter de payer leurs acomptes. Ils pourront également immédiatement moduler ces acomptes si leurs revenus varient, et notamment s’ils baissent sensiblement. Les avocats pourront également opter pour le paiement trimestriel de leur acompte ou demander le report d’une échéance sur l’échéance suivante, que celle-ci soit mensuelle ou trimestrielle. Le report est utile en cas d’irrégularité dans la perception des revenus au cours de l’année.

La demande de modulation à la baisse pourra se faire par internet sur le site impots.gouv.fr dans l’espace personnel du contribuable, à la rubrique « Gérer mon prélèvement à la source », par téléphone ou au guichet de son service des impôts des particuliers. Il s’agit d’une procédure déclarative : il sera demandé au contribuable d’estimer le montant de ses revenus au titre de l’année en cours. Aucun justificatif ne sera donc demandé. La demande de suppression de l’acompte ou de sa diminution/augmentation sera effective selon les modalités suivantes : si la demande est effectuée avant le 23 du mois M elle sera effective pour l’échéance du mois M+1.

La rédaction : En cas d’écart (+ 10 % et 200 €) entre les acomptes versés en vertu de cette demande de modulation et l’impôt définitivement dû, des sanctions fiscales seront appliquées. Ne craignez-vous pas que ces sanctions, au regard des difficultés de prévisibilité des résultats BNC, puissent être un frein important aux demandes de modulation ?

Maryvonne Le Brignonen : Un avocat qui déclare spontanément un acompte au titre de son année de création n’est passible d’aucune sanction si cet acompte est inexact. En vitesse de croisière, comme pour un salarié, les acomptes peuvent être modulés à la baisse sous réserve d’une marge d’erreur maximale de 10 % et 200 €. Si cette marge d’erreur est dépassée, une sanction de 10 % est applicable et sera calculée l’année suivante avec l’avis d’impôt. Il est important de préciser que, lorsque le contribuable justifie que l’estimation erronée de sa situation ou de ses revenus a été réalisée de bonne foi à la date de sa demande de modulation ou provient d’éléments difficilement prévisibles à cette date, la sanction ne s’applique pas. Cette clause de sauvegarde prévue par le législateur est tout à fait adaptée aux indépendants dont les résultats sont parfois difficilement prévisibles.

La rédaction : En cas de maladie ou grossesse, par exemple, entraînant une cessation temporaire d’activité, comment sera prélevé l’acompte ? Y aura-t-il un prélèvement sur l’indemnité de remplacement ?

Maryvonne Le Brignonen : L’indemnité journalière maladie, maternité, paternité, etc., ne fera pas l’objet d’une retenue à la source par l’entité verseuse de ce revenu. Elle suivra le régime du revenu qu’elle remplace et, si elle est versée par exemple à une personne qui exerce son activité en tant que BNC, elle fera l’objet d’un acompte. L’avocat qui sera dans cette situation aura par conséquent la possibilité de moduler son acompte à la baisse dès lors que l’indemnité journalière perçue sera inférieure à son revenu d’activité. En outre, les indemnités journalières maladie pour affection de longue durée sont exonérées d’impôt sur le revenu. Si l’avocat est amené à percevoir de telles indemnités, il aura la possibilité de suspendre ses acomptes. En tout état de cause, une régularisation sera opérée l’année suivante, au moment de la taxation des revenus.

La rédaction : en cas de passage d’un statut libéral à un statut salarié (ou retraité), quelles seront les modalités d’arrêt de l’acompte ?

Maryvonne Le Brignonen : Si l’avocat change de régime d’imposition, il faut qu’il soit attentif au mode de paiement de l’impôt associé à son nouveau régime d’imposition :

• s’il passe d’un régime dans le cadre duquel il payait des acomptes contemporains à un régime dans lequel c’est l’employeur qui procède à une retenue à la source, il doit se rendre dans son espace personnel sur impots.gouv pour supprimer ses acomptes, sinon ils continueront d’être prélevés alors que concomitamment son employeur prélèvera une retenue à la source sur sa rémunération ; à noter que pour la suppression, outre la fonction « suppression » dans la modalité « Gérer mes acomptes », il pourra plutôt, si au passage sa rémunération évolue, passer plutôt par la fonction modulation. Ainsi, non seulement les acomptes vont s’arrêter, mais en plus le taux va s’adapter à son nouveau niveau de rémunération.

• s’il se trouve dans la situation inverse (passage de la retenue à la source à un système d’acompte), la retenue à la source cessera automatiquement dès lors que sa rémunération ne sera plus versée par un employeur soumis à l’obligation de collecter l’impôt et de le reverser à l’administration fiscale. S’il le souhaite, il pourra se rendre sur son espace personnel sur impots.gouv et créer un acompte contemporain afin d’éviter une régularisation importante lors de la taxation des revenus l’année suivante. Il pourra également passer par la modulation plutôt que par la création ex nihilo de l’acompte.

Pour les avocats qui exercent comme des travailleurs indépendants, les prélèvements sont calculés sur la base de la dernière déclaration de revenus. Dès lors, un avocat qui part à la retraite ou arrête son activité peut immédiatement venir dans son espace particulier sur impots.gouv pour arrêter ses prélèvements. Son impôt s’adaptera immédiatement à sa situation nouvelle. C’est l’organisme qui lui versera sa pension de retraite qui fera le prélèvement à la source directement sur le montant de la pension.

Pour les départs à la retraite ou cessation d’activité 2018, le service sur impots.gouv.fr sera ouvert dès le 2 janvier 2019.

La rédaction : en début d’activité, l’avocat libéral devra-t-il acquitter des acomptes ? Si oui, sur quelle base de calcul ?

Maryvonne Le Brignonen : Un avocat qui crée son cabinet a la possibilité de venir sur impots.gouv.fr afin d’acquitter en année courante un acompte correspondant à l’impôt dû sur son année de création. Dans ce cas, il bénéficiera immédiatement des avantages de la réforme et aura un impôt contemporain de la perception de ses revenus. S’il ne crée pas volontairement cet acompte au titre de l’année de début de son activité, l’impôt correspondant sera calculé l’année suivante avec le traitement de sa déclaration de revenus et devra être payé intégralement en septembre ou sur les quatre derniers mois de l’année selon son montant.

 

Propos recueillis par Gaël Le Faou

Maryvonne Le Brignonen

Maryvonne Le Brignonen est directrice de la mission Prélèvement à la source à la DGFIP