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Revue de presse6 juillet 2015

Définir le droit constitutionnel européen…

La feuille de route donnée aux contributeurs de cette 1re chronique était de tracer les contours de ce qu’est (ou pourrait être) le droit constitutionnel européen (DCE). Jusqu’ici, les définitions se sont juxtaposées plus qu’elles ne se sont complétées, traduisant le plus souvent un clivage disciplinaire, voire des querelles de chapelles qui n’ont pas permis de circonscrire la notion. Ce constat explique qu’il est apparu fondamental que cette chronique donne la parole à des auteurs déjà présents sur cette thématique mais venant d’horizons disciplinaires différents ; afin de mettre en lumière des éléments de définition communs mais aussi de mettre à jour les points de réels désaccords pour parvenir in fine à trouver un terrain de recherche commun. Par conséquent, l’objectif n’était pas de donner UNE définition du DCE mais plutôt d’initier un débat, une réflexion, amenés à se poursuivre dans les prochaines chroniques. Merci aux auteurs d’avoir à la fois parfaitement illustré ces différences et, dans le même temps, d’avoir soulevé des éléments de réflexion passionnants et stimulants… Ce faisant, la synthèse de ces contributions n’est pas simple…
Comme il fallait s’y attendre, ces cinq contributions font apparaître des oppositions, des différences de points de vue. Mais dans une matière en voie de construction c’est nécessairement le regard porté sur le processus qui détermine la définition de l’objet qui est au bout.
À travers ces textes, on peut retenir des moments forts et particulièrement symptomatiques de la difficulté de l’entreprise de définition : « Tout serait affaire de point de vue » nous dit P.-Y. Monjal en posant la question d’une potentielle « erreur de droit » qui consisterait à appliquer le droit constitutionnel à l’Union européenne… Quant à B. Bonnet, il met en évidence le « mouvement du droit », et une Union européenne agissant comme une « centrifugeuse » aspirant « les réalités juridiques qu’elle adapte et transforme «. S. Pierré-Caps relève une certaine « ambiguïté au regard de l’universalisation du phénomène constitutionnel » parce que le DCE participerait d’« un au-delà de l’État ». L. Burgorgue-Larsen trouve une figure commune aux discours sur le DCE qui serait « incontournable, inévitable, indispensable : celle du juge ». Enfin, D. Rousseau annonce déjà la prochaine chronique en rattachant la question de la définition du DCE à celle de l’existence d’un Peuple européen qui aurait « le génie de la constitution ou plus exactement celui du processus constituant ».
À partir de ces réflexions, deux lectures sont possibles :
Dans l’affirmation du DCE, il y aurait, d’un côté, la prise en compte de ce qui existe déjà (droit positif mais aussi doctrine, jurisprudence…) un déjà là qui permettrait d’expliquer l’évolution vers une nouvelle discipline (c’est l’art. 16 DDHC mais également une éventuelle réappropriation des concepts classiques du droit constitutionnel). Dans ce contexte, le dialogue des juges pourrait être une façon non pas de ne pas penser l’Europe mais de la penser autrement, en laissant - au moins - provisoirement cette responsabilité aux juges. C’est d’ailleurs ce qui a lieu aujourd’hui. Parce que les juges ne peuvent pas faire autrement.
D’un autre côté, on assisterait à une insurrection de l’imaginaire (2 points de vue d’ailleurs non exclusifs l’un de l’autre). On trouve alors des indices de ce que pourrait être le DCE dans les idées de socle commun, de processus, d’inachèvement, de circularité, de plasticité, d’émancipation, d’évolution, de déconstruction, de réconciliation, avec l’obligation « de déplacer les regards »…
Cette coexistence de points de vue est révélatrice, elle montre bien que le droit qui est en train de se « constituer » (d’où la revendication d’un DCE) va plus vite que ceux qui essaient de le penser !
C’est donc bien à un défi que sont confrontés les juristes : celui de rattraper le temps perdu… Cette chronique entend y contribuer.