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La cour d’assises spéciale à l’épreuve du terrorisme islamiste

La cour d’assises spécialement composée de Paris, compétente en matière de terrorisme, fait face à un nombre grandissant de procès à audiencer. Une charge de travail sensible qui nécessite une gestion fine du calendrier.

par Gabriel Thierryle 3 juillet 2018

Elle siège quasiment en permanence depuis l’hiver 2017. La menace djihadiste met à l’épreuve la cour d’assises spécialement composée de Paris, compétente en matière terroriste. Depuis le début de l’année, cinq affaires de terrorisme islamiste ont été jugées aux assises. Deux autres dossiers vont suivre d’ici la fin de l’année. L’année 2019 s’annonce elle aussi chargée, avec quatre affaires de terrorisme islamiste qui seront jugées aux assises. Enfin, sept affaires, dont la date d’audience n’est pas fixée, seront vraisemblablement jugées dans les dix-huit prochains mois.

Il n’y a pas si longtemps pourtant, la cour d’assises spécialement composée affichait un rythme de travail plus calme. Entre 2012 et 2016, cette formation jugeait en moyenne chaque année environ six affaires, en très grande majorité relatives à des actes terroristes (islamistes, corses ou basques). Ce qui représentait, en 2016, 132 jours d’audience pour des affaires de terrorisme, soit deux affaires. L’année suivante, la justice prévoyait un chiffre quasiment multiplié par dix, selon des données publiées par le Sénat en décembre 2016, soit au final un total de huit affaires de terrorisme jugées.

Criminalisation quasi systématique

Un phénomène qui s’explique par la criminalisation quasi systématique, depuis avril 2016, des combattants ou tentatives de rejoindre les théâtres de guerre. Le parquet de Paris compte aujourd’hui 233 enquêtes préliminaires ouvertes et le tribunal de grande instance de Paris 280 informations judiciaires. « L’activité liée au terrorisme islamiste est beaucoup plus importante d’année en année », observe-t-on sobrement à la cour d’appel de Paris.

Cette hausse de l’activité est surveillée comme de l’huile sur le feu par la juridiction. Grâce aux informations transmises par le parquet sur l’avancement des dossiers, la cour d’appel cherche à anticiper les futures ordonnances de renvoi ou de mise en accusation. Puis l’audiencement s’effectue en coordination avec le parquet. Un travail fin pour éviter une embolisation redoutée. L’an passé, les procès d’assises de filières comme celui de Cannes-Torcy ont nécessité de longues semaines d’audiences. « Cette année, nous avons plus de dossiers mais cette augmentation a été compensée par le fait que les affaires renvoyées ne concernaient pas des filières avec de nombreux accusés, mais des affaires d’association de malfaiteurs en relation avec une entreprise terroriste criminelle avec moins de cinq accusés, souligne-t-on à la cour d’appel. Aussi, des audiences de moins de quinze jours par affaire ont suffi pour juger les accusés. »

L’impact sur la charge des magistrats assesseurs en matière de terrorisme se fait clairement sentir. Cette charge devait représenter 6,4 équivalents temps plein en 2017, contre 0,61 un an plus tôt ! Pour faire face à cet afflux de dossiers, les moyens ont été renforcés : cinq emplois de greffiers supplémentaires à la cour d’appel, six au tribunal de grande instance. Et on compte désormais quatorze magistrats à la section antiterroriste du parquet de Paris et onze magistrats instructeurs au pôle instruction.

Juridiction suffisamment outillée

« Des efforts ont été faits, souligne Jacky Coulon, secrétaire national de l’USM. Est-ce que cela sera suffisant ? L’avenir nous le dira. Pour l’instant, nous n’avons pas été alertés sur des difficultés. En l’état, la juridiction parisienne nous paraît suffisamment outillée pour faire face à l’accroissement du nombre de contentieux. » D’autant plus qu’un coup de pouce serait prévu pour cet été lors du prochain mouvement de magistrats. Selon l’organisation syndicale, la Chancellerie a prévu de renforcer prioritairement les postes non pourvus à Paris, une décision justifiée par l’importance accordée à la lutte antiterroriste. Ainsi, dix nouveaux présidents de chambre sont attendus en septembre à la cour d’appel de Paris, un effort significatif pour l’USM.

Mais l’avenir est incertain. À terme, les procès d’attentats ou des filières en cours d’instruction s’annoncent déjà comme de très gros dossiers. Et l’année prochaine, trois procès en appel sont déjà prévus, comme celui du frère de Mohamed Merah. Des audiences désormais un peu moins dévoreuses en magistrats : seulement six assesseurs sont nécessaires, contre huit auparavant, à trouver dans un vivier théorique d’environ 500 magistrats. Le Sénat avait tenté en décembre 2016 de réduire le nombre d’assesseurs de la cour d’assises spéciale, une préconisation qui sera finalement validée à travers le projet de loi relatif à la sécurité publique du 28 février 2017.