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Habilitation familiale et donation : une autorisation sous conditions

La personne habilitée à représenter un majeur hors d’état de manifester sa volonté peut être autorisée judiciairement à consentir à une donation au nom de celle-ci à condition que soient respectées des conditions tenant au respect de la volonté et à la préservation des intérêts de la personne protégée.

Dans cet avis qui fera date, la Cour de cassation prend position sur une question sensible du droit de la protection des majeurs protégés. Résolument libérale, l’orientation de la Cour n’est pas pour autant imprudente : elle cherche l’équilibre entre liberté et protection.

Le 15 septembre 2021, la première chambre civile de la Cour de cassation a été saisie par le tribunal judiciaire de Rouen d’une demande d’avis formulée en ces termes : « L’absence de caractérisation d’une intention libérale, présente ou passée, de la personne protégée fait-elle nécessairement obstacle à la possibilité, pour le juge des contentieux de la protection, d’autoriser la personne habilitée à la représenter de manière générale pour l’ensemble des actes relatifs à ses biens, sur le fondement des articles 494-1 et suivants du code civil, à procéder à une donation ? »

Très attendue, la réponse de la Cour est la suivante : « Lorsqu’une personne protégée faisant l’objet d’une mesure d’habilitation familiale est hors d’état de manifester sa volonté, le juge des contentieux de la protection ne peut autoriser la personne habilitée à accomplir en représentation une donation qu’après s’être assuré, d’abord, au vu de l’ensemble des circonstances, passées comme présentes, entourant un tel acte, que, dans son objet comme dans sa destination, la donation correspond à ce qu’aurait voulu la personne protégée si elle avait été capable d’y consentir elle-même, ensuite, que cette libéralité est conforme à ses intérêts personnels et patrimoniaux, en particulier que sont préservés les moyens lui permettant de maintenir son niveau de vie et de faire face aux conséquences de sa vulnérabilité. »

La réponse est à la fois libérale et protectrice. La Cour de cassation permet une autorisation sous conditions.

La permission : l’autorisation judiciaire peut être délivrée

Selon l’alinéa 4 de l’article 494-6 du code civil, la personne habilitée à représenter un majeur ne peut accomplir d’acte de disposition à titre gratuit qu’avec l’autorisation du juge des tutelles. Se pose alors la question des conditions dans lesquelles une telle autorisation peut être donnée, en particulier lorsque l’habilitation consiste en la représentation générale d’une personne qui est dans l’impossibilité totale d’exprimer sa volonté. Dans une telle hypothèse, le juge des contentieux de la liberté peut-il délivrer une autorisation et, si oui, à quelles conditions ?

Une question politique et juridique

La question est politique autant que juridique. Selon que l’on privilégie l’intérêt ou la volonté du bénéficiaire de l’habilitation, l’on sera plutôt enclin à permettre ou non qu’une donation soit réalisée en son nom. Dans une approche très libérale, seule devrait compter la protection des intérêts de la personne protégée. L’autorisation judiciaire à consentir à une donation au nom de celle-ci devrait donc pouvoir être obtenue chaque fois que ses intérêts sont préservés. Au contraire, si l’on suit une logique plus protectrice, l’autorisation judiciaire ne devrait jamais être délivrée en pareille hypothèse puisqu’il est impossible de connaître la volonté de la personne protégée.

Dans un arrêt rendu le 6 avril 2021, la cour d’appel de Paris avait déjà refusé de délivrer une telle autorisation en considérant, d’une part, qu’il n’existait aucune certitude quant à la volonté de la personne représentée de réaliser une donation, d’autre part, que l’intérêt du majeur protégé à un tel acte n’était pas caractérisé (Paris, pôle 3, ch. 7, 6 avr. 2021,...

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