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Interview

« Les fonctionnaires ont besoin de sens et de perspectives »

Dans son rapport sur l’avenir de la fonction publique, Bernard Pêcheur ne propose pas de révolutionner le système mais présente d’importantes innovations, comme la création de cadres communs à deux ou trois fonctions publiques.

La rédaction : À quels enjeux majeurs la fonction publique sera-t-elle confrontée dans les années à venir ?

Bernard Pêcheur : Le premier enjeu majeur, surtout au sortir d’une crise économique, est la confiance de l’opinion dans la fonction publique. Un État de droit repose sur des règles, sur une fonction publique intègre et sur des juridictions indépendantes. Notre fonction publique est intègre. Les objectifs du statut de 1946, qui ont été renouvelés en 1983 – une fonction publique intègre, compétente, professionnelle et loyale à l’égard du gouvernement – sont atteints et demeurent pertinents. Mais il est facile de caricaturer la fonction publique et l’opinion a besoin de signes de confiance. Le gouvernement, à juste titre, dans son projet de loi, met l’accent sur la déontologie. Cette politique est bonne ; elle doit être développée et un certain nombre de propositions complémentaires sont faites dans le rapport.

Les idées reçues sont nombreuses : le fonctionnaire ne travaille pas, le fonctionnaire est trop payé, le fonctionnaire n’est pas sanctionné. Comme toutes les idées reçues, elles sont fausses. Le gouvernement doit s’employer à rétablir les faits. En 1999, un audit général sur le temps de travail dans les trois fonctions publiques a permis de redresser quelques dérives mais aussi de faire justice d’idées fausses. Je propose que soit réalisée une évaluation tous les cinq ans de la durée et de l’aménagement du temps de travail ainsi que des régimes indemnitaires dans les trois versants de la fonction publique.

De même, contrairement à une idée reçue, il y a des sanctions, y compris des révocations, dans la fonction publique : 5 000 sanctions disciplinaires interviennent chaque année dans la fonction publique de l’État et 180 fonctionnaires y ont été révoqués en 2012. Les données statistiques qui ne sont disponibles que pour la fonction publique de l’État doivent ainsi être étendues aux deux autres fonctions publiques.

Les fonctionnaires et l’administration publique ont besoin – et c’est le deuxième enjeu – de sens, d’avoir un cap, des perspectives en termes de modernisation de l’action publique ; il est important que le gouvernement dise les objectifs qu’il assigne aux agents publics. Les fonctionnaires ont pu se sentir mis en question, désorientés, notamment parce que les politiques budgétaires sont assez dures. Ils ont donc besoin de sens et de motivation.

Le troisième enjeu porte sur la carrière. La logique de la fonction publique de carrière implique un engagement durable d’agents. En lien avec le commissariat général à la stratégie et à la prospective, il faut donc que soit élaborée une véritable prospective de l’emploi public. Elle est un accompagnement nécessaire de l’idée même de carrière car il est indispensable de s’interroger sur ce que seront les missions des...

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Bernard Pêcheur

Bernard Pêcheur est président de la section de l'administration du Conseil d'État.