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Le droit en débats

Transposition de la directive 2013/11/UE : quand médiation rime avec consommation

Par Angélique Allamélou le 23 Février 2016

L’ordonnance du 20 août 20151 et le décret du 30 octobre 20152, pris en application de cette même ordonnance, transposent la directive du 21 mai 2013 relative au « règlement extra judiciaire des litiges de consommation »3. L’ambition affichée de ces dispositions est d’offrir au consommateur une véritable alternative au règlement judiciaire des litiges. Ces dispositions présentent pour caractéristique d’une part, de fixer des principes directeurs de la médiation et, d’autre part, de fixer un cadre procédural de celle-ci.

« Mieux vaut un mauvais arrangement qu’un bon procès ». Un consommateur lésé ne choisira pas nécessairement d’attraire en justice le professionnel contre lequel il a des griefs. Les raisons tiennent notamment au coût et à la lenteur de la procédure4. Cependant, il existe une alternative au procès, à savoir la médiation, entendue de « tout processus structuré, quelle qu’en soit la dénomination, par lequel deux ou plusieurs parties tentent de parvenir à un accord en vue de la résolution amiable de leurs différends, avec l’aide d’un tiers, le médiateur »5.

Ce mode de règlement des litiges connaît à l’heure actuelle un regain d’intérêt puisqu’une directive a été adoptée le 21 mai 20136 relativement au « règlement extra judiciaire des litiges de consommation » (REL). Néanmoins, le degré d’harmonisation de la directive se veut minimaliste puisque la directive dispose que « les États membres peuvent maintenir ou introduire des règles qui vont au-delà de celles établies par la présente directive »7.

En droit interne, l’ordonnance du 20 août 20158 et le décret du 30 octobre 20159, transposent la directive précitée en donnant toutes ses lettres de noblesse à la médiation. Ces dispositions retiennent l’attention en ce qu’elles entendent généraliser et rendre plus efficace le recours à la médiation en matière de litiges de consommation.

Ce nouveau dispositif est l’occasion de s’interroger : quels sont les enjeux et perspectives de la transposition en droit interne de la directive du 21 mai 2013 ?

La reconnaissance franche du droit à un REL effectif

La directive10 et l’ordonnance11 énoncent à l’unisson que « le professionnel garanti au consommateur le recours effectif à un dispositif de médiation ». L’effectivité est tout d’abord ostensible par l’adoption de mesures tendant à rendre accessible le REL, en ligne et hors ligne12. À cette fin, le médiateur a l’obligation de mettre en place un site internet consacré à la médiation13. Dans ce cadre, l’emploi d’internet doit être salué d’une part, en ce que le consommateur moyen est désormais familiarisé avec ce support, et d’autre part, en ce qu’il s’agit d’un mode de règlement des litiges ayant déjà fait ses preuves au sein de l’Autorité de régulation professionnelle de la publicité, dans le domaine des pratiques commerciales14.

Ensuite, afin de rendre accessible le recours à la médiation, le professionnel doit communiquer au consommateur les coordonnées du médiateur dont il relève de manière « lisible » et « intelligible » notamment sur son site internet ou sur tout autre support adapté15. Le non-respect de cette obligation est sanctionné d’une amende administrative d’un montant maximum de 3 000 € pour les personnes physiques et de 15 000 € pour les personnes morales16. On notera à ce propos une certaine hypocrisie, puisque sous couvert de vouloir procéder à une dépénalisation du droit de la consommation17, le législateur opte pour une amende dont seule la nature diffère, mais produisant des effets analogues à ceux de l’amende pénale.

L’effectivité est encore ostensible à travers le principe de gratuité de la procédure18. Il convient d’ajouter que le REL se veut accessible en ce que le ministère d’avocat est facultatif. Les parties pouvant se faire assister de la personne de leur choix19.

L’exigence illusoire de l’indépendance et de l’impartialité du médiateur

En outre, le nouveau dispositif tend à la mise en place d’une procédure qui soit équitable notamment en ce que certaines dispositions contiennent des conditions relatives à l’indépendance et l’impartialité du médiateur20. Notamment, les nouvelles dispositions tendent à offrir ces garanties lorsque le médiateur est employé ou rémunéré exclusivement par le professionnel en prévoyant que celui-ci dispose d’un budget distinct et suffisant pour mener à bien sa mission21. Mais, ces garanties n’emportent pas la conviction. Il est difficile de croire qu’une personne exclusivement rémunérée par un professionnel ne connaisse aucune forme de pression de la part de celui qui le rémunère. Tant est si bien que l’article L.153-2, c, du code de la consommation selon lequel « aucun lien hiérarchique ou fonctionnel entre le professionnel et le médiateur ne peut exister pendant l’exercice de sa mission de médiation », peut s’avérer être un non sens. En outre, comme l’aura relevé Mme Bernheim-Desvaux22, le médiateur à l’issue de son mandat, ne pourra pas, pendant au moins trois ans, travailler pour le professionnel l’ayant employé es qualité de médiateur. Cette disposition, certes conforme aux dispositions de la directive, décourage néanmoins le recours à cette forme de REL23. C’est pourquoi une franche suppression de la médiation d’entreprise aurait été préférable plutôt que la conservation – langue de bois – de cette institution.

La compétence rationae personae

La directive 2013/11/UE, affirme qu’elle entend s’appliquer aux procédures de règlement de tous les litiges « découlant de contrats conclus entre un professionnel et un consommateur »24.

S’agissant du professionnel, la directive ainsi que l’ordonnance du 15 août 2015, reprennent la définition classiquement employée dans les directives relatives à la consommation selon laquelle est professionnel « toute personne physique ou toute personne morale, qu’elle soit publique ou privée, qui agit, y compris par l’intermédiaire d’une personne agissant en son nom ou pour son compte, aux fins qui entrent dans le cadre de son activité commerciale, industrielle, artisanale ou libérale »25.

En revanche, la définition produite du consommateur est sujette à discussion. Le consommateur devant s’entendre de « toute personne physique qui agit à des fins qui n’entrent pas dans le cadre de son activité commerciale, industrielle, artisanale ou libérale »26. Mais la directive ajoute ensuite que « si le contrat est conclu à des fins qui n’entrent qu’en partie dans le cadre de l’activité professionnelle de l’intéressé et si la finalité professionnelle est limitée, cette personne devrait également être considérée comme un consommateur »27. Cette notion rejoint alors celle de « non professionnel » employée dans la directive du 25 octobre 2011, entendu de celui n’exerçant pas une activité professionnelle principale dans le domaine visé par l’objet du contrat28. En droit interne, la notion de consommateur et de non-professionnel n’est curieusement pas reprise. Pourtant, cette conception du consommateur devrait être retenue, d’une part, parce qu’elle est celle adoptée par la directive et, d’autre part, parce qu’elle coïncide avec celle retenue par le juge notamment dans le cadre des pratiques commerciales déloyales exercées à l’encontre du consommateur29 et par le législateur relativement à l’obligation d’information des consommateurs30.

De même, des remarques doivent être émises relativement au médiateur. Avant l’entrée en vigueur du dispositif relatif au REL, le médiateur apparaissait comme étant hétéroclite : il pouvait aussi bien être institué par les entreprises privées que par les pouvoirs publics. Pareillement, dans le nouveau dispositif, le médiateur s’entend aussi bien de « la personne physique ou la personne morale accomplissant une mission de médiation conventionnelle »31, que de la personne désignée « par une autorité publique dans les conditions fixées par la loi »32. Le trait hétéroclite est encore perceptible en raison de la diversité des médiateurs publics existant avant l’entrée en vigueur du nouveau dispositif.

Ainsi, il existait la Boîte postale 5000, présente théoriquement dans chaque département et permettant au consommateur d’adresser ses réclamations. En cas d’échec de la conciliation, l’affaire pouvait être portée devant une commission de conciliation. De même, des commissions de règlement des litiges de la consommation avaient été instituées par l’arrêté du 20 décembre 1994 dont le régime a été modifié par l’arrêté du 25 mars 2005. Ces commissions avaient compétence pour connaître, au niveau de chaque département et/ou région, de toute opération de vente ou de prestation de service entre un professionnel et un consommateur. Seulement, n’ayant pas connu le succès escompté, le décret du 13 novembre 201533 abroge l’arrêté du 25 mars 2005. Mais quid de la Boîte postale 5000 et de la commission de conciliation !

La compétence rationae materiae

Par ailleurs, l’ordonnance et son décret d’application ont vocation à couvrir tous les secteurs de la consommation, y compris la vente en ligne, corroborant en cela l’idée de généralisation de la médiation.

Avec pour précision toutefois que cette dernière est, de manière complémentaire, soumise aux dispositions du règlement de l’Union européenne adopté également le 21 mai 201334.

Néanmoins, le recours à la médiation est exclu pour le consommateur n’ayant « pas tenté de contacter le professionnel concerné afin de discuter de sa plainte et de chercher, dans un premier temps à résoudre le problème directement avec celui-ci »35.

En revanche, l’hypothèse de l’existence d’une clause de médiation, selon laquelle le recours à la médiation constitue le préalable obligatoire à l’action en justice, n’est pas envisagée. La jurisprudence de la Cour de cassation admettant la validité d’une telle clause devrait survivre36. Toutefois, est interdite toute clause ou convention obligeant le consommateur en cas de litige à recourir obligatoirement à une médiation préalablement à la saisine du juge37. Soulignons qu’une telle clause est réputée abusive au sens de l’article R. 132-2 du code de la consommation.

En outre, le médiateur est placé sous le contrôle de la commission d’évaluation et de contrôle de la médiation de la consommation (CECMC). Cette organisation est l’héritière de l’ancienne Commission de médiation de la consommation créée par la loi du 1er juillet 2010 (CMC). La CECMC dispose d’un champ de compétence matériel plus vaste englobant la matière bancaire et financière.

L’instauration d’issues du règlement du litige

Le médiateur, « propose » une solution pour régler le litige, que les parties « sont libres d’accepter ou de refuser »38. Ainsi, la médiation ne saurait faire obstacle à une éventuelle action en justice lorsque les parties n’auraient pas trouvé de terrain d’entente.

Enfin, la directive dispose que « les États membres veillent à ce que les parties ne soient pas empêchées par la suite d’engager une action en justice en rapport avec ce litige en raison de l’expiration du délai de prescription au cours de la procédure de REL »39. Le droit interne offre également cette possibilité40. En cela, la médiation offre une véritable alternative au règlement judiciaire des litiges, sans pour autant l’exclure.

 

 

 

 

 

 

 

 

1 Ord. n° 2015-1033, 20 août 2015, JORF n° 192 du 21 août, p. 14721.
2 Décr. n° 2015-1378, 30 oct. 2015, JORF n° 253 du 31 oct., p. 20399.
3 Dir. 2013/11/UE, 21 mai 2013, JOUE 18 juin, n° L165, art. 2, 4°.
4 J. Calais-Auloy et H. Temple, Droit de la consommation, 8e éd., Paris, Dalloz, coll. « Précis », 2010, p. 609.
5 Loi n° 95-125, 8 févr. 1995, JORF n° 34 du 9 févr., p. 2175, art. 21.
6 Dir. 2013/11/UE, préc.
7 Dir. 2013/11/UE, préc.
8 Ord. n° 2015-1033, préc.
9 Décr. n° 2015-1378, préc..
10 Dir. 2013/11/UE, préc., art. 8, a.
11 C. consom., art. L. 152-1.
12 Dir. 2013/11/UE, préc., art. 8, a ; C. consom., art. 152-1.
13 C. consom., art. L. 154-1.
14 Autorité de régulation professionnelle de la publicité, dans le domaine des pratiques commerciales.
15 C. consom., art. R. 156-1.
16 C. consom., art. L. 156-3.
17 La dépénalisation de la vie des affaires.
18 Dir. 2013/11/UE, préc. : le 4e considérant de la directive parle de « moyen peu onéreux », mais l’article 8 de la directive précise que « la procédure de REL est gratuite ou disponible à un coût modique » ; C. consom., art. L. 152-1.
19 C. consom., art. R. 152-1, c ; Dir. 2013/11/UE, préc., art. 8, b.
20 Dir. 2013/11/UE, préc., art.6.
21 Dir. 2013/11/UE, préc., art. 3.4 ; C. consom., art. L. 153-3.
22 S. Bernheim-Desvaux, La transposition de la directive 2013/11/UE du 21 mai 2013 relative au règlement extra-judiciaire des litiges de consommation (RELC) par l’ordonnance n° 2015-1033 du 20 août 2015, CCC 2015. Étude 11.
23 Dir. 2013/11/UE, préc., art. 6.3, c. ; C. consom., art. L. 153-2, b.
24 Dir. 2013/11/UE, préc., art. 2, 1°.
25 Dir. 2013/11/UE, préc., art. 4, b. ; C. consom., art. L. 151-1, a.
26 Dir. 2013/11/UE, préc., art. 4, a.
27 Dir. 2013/11/UE, préc., consid.18.
28 Sur la question, C. Aubert de Vincelles, Naissance d’un droit commun communautaire de la consommation, RDC 2009. 578.
29 Com. 22 janv. 2014, n° 12-20.982, RTD eur. 2015. 348-3, obs. B. Le Baut-Ferrarese .
30 C. consom., art. L. 121-16-1, III.
31 C. consom., art. L. 151-1, g.
32 C. consom., art. L. 151-1, h.
33 Décr. n° 2015-1469, 13 nov. 2015, JORF n° 264 du 14 nov., p. 21251, art. 30.
34 Règl. n° 524/2013, relatif au règlement en ligne des litiges de consommation.
35 Dir. 2013/11/UE, préc., consid. 45, art. 1, 5. 4°.
36 Cass., ch. mixte, 14 févr. 2003, n° 00-19.423, D. 2003. 1386, et les obs. , note P. Ancel et M. Cottin ; ibid. 2480, obs. T. Clay ; Dr. soc. 2003. 890, obs. M. Keller ; RTD civ. 2003. 294, obs. J. Mestre et B. Fages ; ibid. 349, obs. R. Perrot  ; J. Calais-Auloy et H. Temple, Droit de la consommation, op. cit., p. 612 ; Civ. 1re, 8 avr. 2009, n° 08-10.866, D. 2009. 1284, obs. X. Delpech ; ibid. 2959, obs. T. Clay ; ibid. 2010. 169, obs. N. Fricero ; RTD civ. 2009. 774, obs. P. Théry  : P. Gilles, Refuser la médiation avant sa mise en œuvre n’est pas respecter la clause de médiation !, LPA 2009, n° 6, p. 1.
37 C. consom., art. L. 152-4 et R. 152-4.
38 Dir. 2013/11/UE, préc., art. 10.1 et 12 ; C. consom., art. R. 152-4.
39 Dir. 2013/11/UE, préc., art. 12.
40 C. consom., art. R. 152-4, b.