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Portrait

Maryvonne Caillibotte, la justice de cordée

par Anaïs Coignacle 27 février 2019

Avocate générale à Paris depuis 2012, Maryvonne Caillibotte accède au poste de procureur de la République à Versailles, l’un des plus grands parquets de France. Une belle promotion pour cette Bretonne marquée à droite, passée par l’administration centrale, un cabinet ministériel et déjà une direction de parquet à Saint-Brieuc. Une magistrate restée longtemps dans le sillage de l’ancien procureur général de Paris Yves Bot avant d’obtenir des responsabilités de premier plan.

 

 

L’épisode du parquet de Paris

Son bureau n’a pas encore été vidé. Fin janvier, Maryvonne Caillibotte fait encore des allers-retours entre la cour d’appel de Paris et le tribunal de grande instance (TGI) de Versailles. À côté du sous-main en cuir, quelques objets sont restés, dont ce presse-papier en métal argenté gravé « Hôtel Matignon, Premier ministre François Fillon ». Un souvenir de ses trois ans, entre mai 2007 et mars 2010, comme conseillère pour la justice auprès de l’ancien chef du gouvernement, sous Nicolas Sarkozy. Une période qu’elle assume pleinement – « un honneur » –, même si cette orientation politique a en partie joué en sa défaveur pour le poste de procureur de Paris qu’elle visait, en septembre 2018, en remplacement de François Molins, et alors que l’affaire François Fillon était instruite au parquet national financier (PNF). « Le PNF a justement été créé pour séparer les affaires financières du parquet de Paris », commente-t-elle. « Cela faisait tout de même huit ans que j’avais été sa conseillère. Ce qu’il a fait ensuite n’a rien à voir, c’est lamentable », ajoute-t-elle, soulignant ne s’être à aucun moment investie dans la campagne du candidat LR à la présidentielle – « j’ai un devoir de réserve ».

Cette ligne sur le CV de l’avocate générale à la cour d’appel de Paris n’a d’abord pas semblé poser de problème au milieu des autres : une carrière commencée comme substitut placée en 1992 près la cour d’appel d’Angers, époque où elle rencontre Yves Bot, proche de Nicolas Sarkozy. Elle le suivra pendant treize ans : comme conseiller technique au cabinet du garde des Sceaux Pierre Méhaignerie, sous le gouvernement d’Édouard Balladur, puis au secrétariat général du parquet de Nanterre, enfin au TGI de Paris comme vice-procureure, responsable des relations avec la presse. En mars 2005, elle prend la tête du parquet de Saint-Brieuc, sa ville d’origine, pour deux ans, avant de retourner en cabinet ministériel puis d’accéder au poste de directrice des affaires criminelles et des grâces entre mars 2010 et juillet 2012. Le ministère de la justice est alors dirigé par Michel Mercier. Son profil avait manifestement convaincu puisque la magistrate a fait partie des deux prétendants au parquet de Paris, avec Marc Cimamonti, reçus par la garde des Sceaux, Nicole Belloubet, puis par le premier ministre, Édouard Philippe, « pour validation ». Une procédure totalement inédite et largement décriée, Matignon n’étant pas censé s’ingérer dans un tel recrutement de l’ordre judiciaire. Rien qui ne choque Maryvonne Caillibotte : « je n’ai pas perdu mon âme en sortant de chez Édouard Philippe, c’était un entretien très sain qui aurait pu être mené de la même façon par le Conseil supérieur de la magistrature. Quand vous candidatez à un poste et qu’on demande à vous rencontrer, ça ne se refuse pas ».

Elle sera évincée quelques jours plus tard avec son concurrent dans un mauvais concours de circonstances correspondant notamment aux suites de l’affaire Benalla, alors entendue au Sénat, mettant la tête de l’État en difficulté. Rémy Heitz, ancien conseiller de Pascal Clément, a finalement été choisi pour ce poste quelque temps plus tard. Mi-février, le voilà déjà soupçonné de partialité dans la même affaire Benalla. « Bien sûr, j’étais déçue. Comme tout candidat, je m’étais investie, j’étais soutenue et je me projetais, concède la magistrate. Mais ce qui est surtout désagréable par rapport à vos interlocuteurs, c’est de comprendre que le processus de sélection n’était pas abouti puisqu’aucun des candidats reçus n’a été retenu. »

Une magistrate politisée mais pas politique

La candidate a finalement été choisie pour prendre la tête du parquet de Versailles, l’une des dix juridictions les plus importantes de France, tandis que Marc Cimamonti a hérité du parquet général de la cour d’appel de Versailles. Il était un temps question que Maryvonne Caillibotte soit installée au futur parquet national antiterroriste (PNAT), mission qui incombe jusqu’à présent et pour tout le territoire français, au parquet de Paris. Depuis quelques années, les dossiers de terrorisme arrivent régulièrement aux assises de la capitale : dossiers basques, corses, internationaux comme pour le Vénézuélien Carlos, puis islamistes, plus récemment. Elle y exerce en tant qu’avocate générale depuis 2012 et a naturellement requis à de nombreuses reprises dans des dossiers de terrorisme, en particulier impliquant l’ETA, organisation aujourd’hui démilitarisée. « Ces dossiers, parfois très volumineux, impliquent de s’imprégner d’un contexte qui évolue, d’une organisation parfois très hiérarchisée et organisée dont il faut connaître l’histoire, l’organisation. Cela s’apprend, il y a un investissement particulier à faire », dit-elle.

Connue pour sa grande maîtrise des dossiers, Maryvonne Caillibotte, qui a bénéficié de « la transmission morale » de son prédécesseur Jean-François Ricard, s’était, dans ce domaine encore, illustrée. « C’est une excellente juriste avec une carrière extrêmement variée, quelqu’un de très apprécié, notamment par les présidents d’audience, assure l’avocat général Rémi Crosson du Cormier, son adjoint à la cour d’assises de Paris. Elle est entière dans l’action judiciaire en dehors de toute appréciation ou attitude politique. C’est sa compétence et son talent qui lui permettent d’être recrutée à des postes prestigieux. » Ce qui ne semble pas être l’avis d’un certain Éric Dupond-Moretti, pour qui la magistrate, avec laquelle il a parfois eu des échanges musclés en audience, reste l’ancienne conseillère de Fillon, la protégée de l’ancien procureur Yves Bot et celle qui accompagna le juge Fabrice Burgaud, responsable du scandale d’Outreau, lors de son audition par la cour d’assises de Saint-Omer. « Le juge s’engage quand il prend une décision et c’est respectable. On peut s’énerver si un dysfonctionnement est avéré, mais pas avant », affirme Maryvonne Caillibotte. Et pourtant, ces propos concernent une autre affaire, qui remonte à 2011. À l’époque, Nicolas Sarkozy met en cause publiquement les magistrats nantais juste après le viol et le meurtre de la jeune Laëtitia à Pornic, dont le principal suspect, Tony Meilhon, connu pour des actes d’agression sexuelle, n’avait pas bénéficié d’un suivi judiciaire effectif. Alors au cabinet du premier ministre, la conseillère justice digère mal ces paroles. De même que les critiques générales faites aux magistrats traités de « petits pois ». « C’était très douloureux pour moi et difficile d’admettre qu’une grande personnalité puisse mettre de gros coups de peinture sur toute une profession », admet-elle volontiers.

Marquée politiquement, impartiale judiciairement, la magistrate dit chercher toujours dans les relations professionnelles et humaines l’apaisement plutôt que le conflit. « Avec elle on peut travailler sur les dossiers avant, pendant, après. Et même si nous ne sommes pas d’accord, c’est toujours constructif, ouvert à la discussion », assure Xavière Siméoni, présidente de chambre à la cour d’appel de Paris : « en plus, elle a beaucoup d’humour ».

Un ministère public incarné

Côté barreau, on la dit très à l’écoute tout en restant ferme et capable d’échanges vifs avec les parties pendant les débats sans ferrer des postures. « Elle a sa liberté, son analyse du dossier, mais elle n’a pas de dogme, assure un avocat qui préfère rester anonyme. Elle n’est pas dans la condamnation à outrance. Je l’ai vue requérir un acquittement dans un dossier sur lequel j’avais bataillé plusieurs années alors que sa position avant le procès me semblait différente. » Pour lui, l’avocate générale demeure un ministère public incarné : « elle tente d’avoir ce rapport d’autorité avec les jurés, de faire passer les messages avec pédagogie, en s’imposant comme la voix de la raison », dit-il. « Il nous faut ensuite rouvrir les portes qu’elle cherche à fermer, avec une économie de moyens. Si nous arrivons en hurlant, c’est perdu. Il faut souvent se réinventer après Maryvonne Caillibotte. » Des observations qui sont partagées jusque chez les chroniqueurs judiciaires. Dominique Verdeilhan, rédacteur en chef adjoint à France 2, affirme : « vous avez des avocats généraux qui sont le prototype de l’accusation. Ce n’est pas son cas. Elle pose de bonnes questions et demeure très directe dans sa stratégie. On sait où elle va, sa démarche n’est pas filandreuse ». Ce qui frappe le journaliste, c’est aussi l’humanité de la magistrate. « Elle s’adresse à des hommes et des femmes, même s’ils ont fait les pires choses, remarque-t-il. Et je n’ai pas toujours vu ça ailleurs ». Selon lui, « elle se donne des airs très sûrs d’elle, ce qu’elle est sans doute, mais je pense que c’est aussi quelqu’un d’une grande sensibilité ».

La magistrate insiste bien souvent auprès des jurés sur la rigueur et l’honnêteté de son raisonnement, peu importe ce qu’eux décideront ensuite. « Si nous requérons des choses très lourdes comme un placement ou renouvellement en détention, des peines de prison parfois très longues, c’est que nous sommes convaincus », insiste-t-elle. De la même manière, il lui est arrivé de requérir en faveur de l’excuse de minorité pour un mineur de plus de 16 ans aux assises. « Nous ne sommes pas des coupeurs de tête », lance-t-elle. Maryvonne Caillibotte manie l’autorité sans autoritarisme. La confrontation avec le réel demeure une boussole dans son action. Parmi quelques anecdotes, elle cite son entretien, vingt ans plus tôt, avec l’acteur Guillaume Depardieu, déferré dans son bureau, au parquet de Nanterre, pour conduite alcoolique. Elle lui présente son extrait de casier judiciaire, sur lequel figurent quelques condamnations, qu’il retourne sur la table. « Vous savez, Mme la Procureure, ma vie ce n’est pas que ça, lui lance-t-il. De ce côté, c’est blanc et je peux écrire plein de choses encore ». Des mots qui l’ont touchée, comme beaucoup d’autres entendus au cours de sa carrière. « Les moyens avec lesquels les gens se défendent sont respectables humainement. Cela ne doit pas engendrer du mépris, du dédain, un sentiment de supériorité qui peut arriver assez vite chez les magistrats », souligne-t-elle. Le constat reste inchangé aux assises, face au box des accusés. « Je suis toujours impactée par l’humanité des gens, même la pire humanité. Et j’y reste sensible même si je requiers des peines importantes jusqu’à la perpétuité », explique-t-elle.

Dans son livre Des magistrats sur le divan, Dominique Verdeilhan évoque un dossier dans lequel la magistrate reconnaît : « je me suis trompée à 100 % ». Le cas de jumelles en bas âge, noyées et ébouillantées dans l’eau du bain alors que les parents venaient de les laisser là pour aller chez les voisins. Au moment du drame, elle ne se déplace pas sur les lieux – « c’est déjà une connerie » –, mène une enquête mais ne propose pas de poursuite à sa hiérarchie qui ne réagit pas. « Je me demande si la société a besoin de cela et si ces gens, qui assumaient complètement leur faute, n’ont pas déjà eu la pire des punitions par la mort de leurs fillettes », pense-t-elle alors. Elle apprendra plus tard qu’ils avaient déjà eu des problèmes d’assistance éducative. « Je ne crois pas en avoir d’autres mais, quand je me retourne, cette affaire reste la pierre dans mon jardin, dit-elle. Celle qui vous confronte à la possible erreur d’appréciation et qui vous rappelle que la marque de fabrique du parquet, c’est l’humilité. »

Dualisme et pragmatisme

Maryvonne Caillibotte voit le parquet comme « une tour de contrôle », un lieu où « on aborde tous les domaines » et considère l’opportunité des poursuites comme une responsabilité « extraordinaire ». Une profession qu’elle juge indissociable du collectif, et du « dualisme de direction » qui va de pair avec les notions d’équilibre et de cohérence. « Quand on est chef, on peut être seul. S’épauler est un vrai privilège », note-t-elle. Il faut dire que la carrière de la magistrate a été marquée par des associations déterminantes. Une en particulier : avec Yves Bot. Plus qu’une amitié professionnelle, une relation filiale reconnue tant par l’un que par l’autre. « J’ai eu des parrains mais Yves Bot c’est autre chose, commente l’avocate générale. J’ai grandi avec lui, il a été pour moi comme un père qui éduque et rend indépendant. » L’ancien procureur de Paris, qui ne tarit pas d’éloges à son sujet, confie : « avec ma femme, nous l’avons vite considérée comme notre sixième fille ». Ils se rencontrent au Mans en 1992. À l’époque, Maryvonne Caillibotte est substitut placée à la cour d’appel d’Angers, Yves Bot procureur du Mans. Elle y est envoyée en détachement. « J’ai remarqué tout de suite sa maturité exceptionnelle pour un jeune magistrat et son aptitude à s’intégrer dans une équipe déjà soudée », précise-t-il. La jeune substitut fait ses armes aux côtés de Jean-Baptiste Carpentier passé depuis directeur de Tracfin et désormais directeur de la conformité chez Veolia, mais aussi Catherine Pignon, actuelle directrice des affaires criminelles et des grâces (DACG). « Nous formions un petit noyau très soudé, une équipe de parquetiers 100 % à l’aise avec ces fonctions. On riait beaucoup pour ne pleurer de rien. Nous étions un peu les mousquetaires d’Yves Bot », précise la magistrate. Quand celui-ci est appelé à Vendôme, comme conseiller pénal lourd, à la rentrée 1993, il l’emmène dans ses valises. La parquetière a trois ans d’expérience et entre dans le second cercle du garde des Sceaux Pierre Méhaignerie. Elle refuse d’abord. « Ça me paraissait inatteignable, c’était un monde dont j’ignorais tout, explique-t-elle. Yves Bot a fini par me convaincre ». À l’époque, le ministre fait passer une loi, étendue depuis, sur la « perpétuité réelle » dans les cas de meurtres avec viol, torture ou acte de barbarie sur mineur de moins de quinze ans. Le gouvernement précédent, socialiste, a supprimé la période de sûreté pour ces mêmes crimes. Or l’affaire Tissier, multirécidiviste de viol avec meurtre, se rouvre avec la découverte du cadavre d’une fillette martyrisée dont il est accusé. « C’était difficile pour le ministre, il avait un regard sur l’homme, assure l’ex-conseillère. Méhaignerie incarnait la démocratie sociale bretonne dans laquelle j’ai grandi ». Une éducation « gauche catho » lors de ses jeunes années qui marquera la jeune femme sans pour autant la convaincre d’adhérer à la gauche.

Elle suit Yves Bot à Nanterre en octobre 1995 où elle tient le secrétariat général du parquet qu’il dirige. C’est bientôt l’époque des premiers contrats locaux de sécurité avec l’arrivée de Jospin à la tête du gouvernement. Il s’agit de mutualiser les moyens de l’État et de faire coopérer les maires, les préfets et les procureurs de la République pour sécuriser les quartiers, lutter mais aussi prévenir la délinquance. Devant la part considérable des infractions commises par les mineurs dans le ressort du tribunal, Yves Bot décide de découper le département en zones géographiques. Tout le parquet se met ainsi à traiter des dossiers de mineurs, à reculons d’abord pour certains qui mésestiment ce contentieux. Maryvonne Caillibotte hérite du territoire le plus complexe. « C’était un peu une révolution, se remémore l’ancien procureur. Nanterre était une juridiction assez difficile avec des relations parfois clivées. Elle a pu mettre du liant, apporter son éclairage. Son savoir-faire a été irremplaçable. » Le projet finit par être mieux accepté et l’équipe à se souder autour d’Yves Bot qui ne manque pas d’idées pragmatiques pour accompagner les réalités du territoire. On parle alors de « Bot people » pour évoquer ceux qui constituent les fidèles du procureur. Un terme que celui-ci prend comme « une reconnaissance » : « ce qu’il y avait derrière tout cela c’était une somme de volontés et d’enthousiasmes de magistrats jeunes, aptes à remettre en cause des méthodes apprises dès l’école pour faire avancer les choses. Nous arrivions à faire travailler ensemble des éducateurs de la protection judiciaire de la jeunesse, la municipalité et le département, c’était ça l’avenir ».

L’émancipation

De cette période, liée à la rencontre avec son époux, lui aussi magistrat, Maryvonne Caillibotte conserve un « grand souvenir ». Les superlatifs ne manquent jamais pour évoquer chacune des missions qui lui ont été confiées. « Je ne me force pas, j’ai vraiment eu la chance dans ma carrière de vivre des choses extraordinaires », dit-elle. Les années à Nanterre précisément symbolisent selon elle sa conception du métier de magistrat. « Je ne suis pas une révolutionnaire, si quelque chose fonctionne très bien, j’aime ça, précise-t-elle. Mais notre action doit être utile et il me semble naturel d’écouter les attentes, accentuer le collectif, décloisonner et aérer les procédures si cela s’avère nécessaire. »

En septembre 2002 et jusqu’en mars 2005, Maryvonne Caillibotte retrouve le cœur de la capitale en tant que vice-procureure chargée des relations avec la presse. Yves Bot est alors le procureur de Paris mais cette fois-ci, la magistrate dispose de missions moins exposées dans l’organigramme. Le temps pour elle de mettre au monde son fils avant « l’envol », selon les mots du mentor : un poste de procureur à Saint-Brieuc, son pays natal. Deux années à un poste de direction qui précèdent Matignon, puis Vendôme comme DACG. Les cinq ans du mandat de Nicolas Sarkozy. La feuille de mission est lourde à la justice et la première loi votée au Parlement, sur les peines planchers, largement décriée, sera supprimée par François Hollande. « C’est une loi qui ne manque à personne, reconnaît la magistrate. L’important pour moi était qu’elle soit bien écrite, avec toutes les garanties constitutionnelles qui permettent au juge d’en faire une application adaptée. » Suivent d’autres lois dont certaines bousculent ou provoquent des manifestations comme la suppression des avoués ou la loi sur la rétention de sûreté pour les criminels jugés particulièrement dangereux après leur détention. Matignon, « lieu d’interministérialité où les ministères viennent chercher un soutien, un arbitrage, des décisions », voit également passer la loi LOPSI II pour renforcer la sécurité intérieure. De cette arrivée en cabinet sous la droite, la magistrate explique : « j’ai participé à la mise en œuvre d’un programme gouvernemental qui me convenait. Au pire, certaines choses me semblaient inutiles mais rien ne me révulsait. Notre rôle de magistrat c’est de mettre des garde-fous procéduraux et constitutionnels pour entourer une loi nouvelle ».

Elle se félicite de la transparence et de l’équilibre des réformes mises en œuvre avec la création de la question prioritaire de constitutionnalité et l’émergence du Défenseur des droits, autorité indépendante qui rassemblait plusieurs institutions notamment le médiateur de la République et le Défenseur des enfants. « C’est pareil au quotidien entre le parquet et les services d’enquête ce qui permet d’inclure les gendarmes. Nous travaillons ensemble avec pour contrepartie un équilibre et des positions claires et irréprochables sinon cela ne peut fonctionner. » À la DACG, elle travaille dès 2010 sur la loi relative à la garde à vue qui introduit l’avocat au cours de la procédure et pilote les réunions interministérielles. Le sujet inquiète les services de police pour le déroulement de leur enquête. Il faut rassurer, veiller à rendre la loi applicable facilement. La magistrate ici encore s’appuie et développe l’énergie collective, tant dans les relations extérieures qu’intérieures. « J’étais entourée de magistrats jeunes, brillants, inventifs dont j’étais très fière ».

Avec l’arrivée du PS au pouvoir, Maryvonne Caillibotte quitte l’administration centrale pour les assises de Paris, un autre rôle de direction mais une « hiérarchie sans hiérarchie » selon ses propres mots, du fait de l’ancienneté relativement similaire entre les membres de l’équipe. « À la DACG, elle passait cinq sur cinq auprès des procureurs français, relève Yves Bot. Je ne m’explique pas qu’on ne lui ait pas fait une meilleure sortie. Mais elle a été d’une dignité exemplaire et n’a rien fait remonter au niveau politique, ce que d’autres auraient fait à sa place ». La magistrate ne s’est pas non plus insurgée lorsqu’elle a appris qu’un camarade de promotion lui avait été préféré pour remplacer François Molins dans un jeu de chaises musicales très politique. « Elle a pu souffrir d’être dans l’ombre de Bot ou Fillon. Cette candidature au poste de procureur de Paris, c’était une façon de dire qu’elle pouvait enfin être numéro un », souligne Dominique Verdeilhan. Elle le sera au TGI de Versailles. La première de cordée. « C’est un poste qui se construit sur la durée, vous verrez que dans les prochains mois, des magistrats demanderont à venir à Versailles », assure Yves Bot. « Nous la regrettons déjà », clôt Xavière Siméoni.

Maryvonne Caillibotte

Maryvonne Caillibotte est magistrate.