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Le droit en débats

La garantie universelle des loyers en questions

Par Stéphanie Gasnier le 03 Octobre 2013

L’Assemblée nationale a adopté, le 17 septembre 2013, le projet de loi Duflot pour l’accès au logement et un urbanisme rénové (ALUR). Parmi les divers points clés de la loi, tel que l’encadrement des loyers et le contrôle accru des locations de meublés de tourisme, la garantie universelle des loyers prête à interrogation.

L’article 8 de la loi, en instituant la garantie universelle des loyers (GUL), permet aux propriétaires de continuer à percevoir des loyers en cas d’impayés. Si le taux de loyers impayés en France est faible (2 %), ce risque inquiète certains propriétaires qui préfèrent alors garder leurs logements vides plutôt que de risquer d’être confrontés à un mauvais payeur et aux longues et lourdes procédures pour l’expulser. Cette nouvelle garantie permettra ainsi d’indemniser les impayés de loyer de l’ensemble des bailleurs du parc locatif privé, en location nue ou meublée, afin de sécuriser les relations entre bailleurs et locataires. À travers une large mutualisation des risques, il s’agit d’encourager la mise en location des logements vacants, de lutter contre les pratiques parfois excessives de sélection à l’entrée des logements locatifs et de favoriser l’accès au logement locatif des populations fragiles.

Ce dispositif, qui doit s’appliquer aux contrats de location conclus à compter du 1er janvier 2016, sera alimenté par un prélèvement de 2 % environ du loyer, payé à parts égales par le propriétaire et le locataire. Un établissement public administratif de l’État sera chargé de percevoir cette taxe et de rembourser les propriétaires dont les locataires sont défaillants. Toutefois, un décret doit venir préciser le montant minimal d’impayés ouvrant droit à la garantie, le montant maximal de la garantie accordée pour un même logement en fonction de la localisation du logement et de sa catégorie, et la durée des versements. Il définira également les modalités de recouvrement des impayés ainsi que les mesures d’accompagnement social en faveur des locataires dont les impayés de loyer sont couverts par la garantie.

Le dispositif est fondé sur une mutualisation nationale des risques, financée à parité par locataires et propriétaires. Il a trois objectifs parfaitement louables, qui sont la prévention des expulsions, la sécurisation des bailleurs et l’accès au logement. Mais, s’il s’agit de donner une garantie publique et obligatoire aux bailleurs potentiels pour les inciter à mettre leurs biens immobiliers en location, qu’en est-il du dépôt de garantie qui est versé par le locataire à l’entrée dans les lieux ? La loi n’apporte pas de réponse à cette question, au point que l’on peut se demander si la GUL se substituera au mécanisme de dépôt de garantie. Si ce mécanisme n’est pas supprimé, et alors même que la GUL est obligatoire, il y aura un double versement par le locataire. Mais cette garantie universelle n’est destinée qu’à permettre le paiement des loyers impayés. Si le dépôt de garantie ne subsiste pas, qu’adviendra-t-il du recouvrement des sommes dues au titre des dégradations constatées dans le logement lors de l’état de lieux de sortie ?

Le dépôt de garantie et la GUL sont deux mécanismes différents de protection du bailleur. Le premier est destiné au paiement des sommes dues au titre de dégradation du logement en fin de bail, mais pas pour le paiement de loyers impayés. La seconde concerne uniquement le paiement des loyers impayés. Les deux mécanismes s’appliqueront donc cumulativement, ce qui entraînera un surcoût évident pour le locataire. On ne peut donc pas parler d’une substitution de la garantie universelle des loyers au dépôt de garantie, car leurs objectifs ne sont pas les mêmes.

Par ailleurs, la loi nouvelle ne s’appliquera qu’aux contrats de location conclus à compter du 1er janvier 2016. En effet, le législateur ne peut modifier, par une loi nouvelle, les contrats en cours d’exécution. Un double régime s’appliquera donc aux contrats conclus avant et après cette date. Les contrats conclus avant cette date conserveront le mécanisme du dépôt de garantie et, si le propriétaire souhaite garantir les impayés de loyers, il pourra souscrire une garantie des risques locatifs auprès d’une compagnie d’assurances. Pour les contrats conclus à partir du 1er janvier 2016, le locataire devra payer sa caution et devra également payer à parité avec le propriétaire environ 2 % du loyer pour financer la garantie universelle des loyers. Mais est-ce un versement mensuel ? Rien n’est précisé dans la loi. S’il tel était le cas, si l’on prend l’exemple d’un loyer mensuel de 800 € hors charges, cela correspond à 16 euros, répartis par moitié entre locataire et propriétaire. Soit, sur une année, de location 96 € à verser par chaque partie. Ces sommes versées au titre de la garantie universelle des loyers ne seront pas récupérables par le locataire à jour de ses loyers en fin de bail. Elles viendront financer un système d’aide aux propriétaires pour les mauvais payeurs. On peut alors s’inquiéter d’une déresponsabilisation des mauvais payeurs.

Quant à la liberté contractuelle, celle-ci semble une fois de plus mise à mal par l’immixtion de l’État dans les relations contractuelles. À compter du 1er janvier 2016, les parties au contrat de location ne pourront, semble-t-il, pas déroger à la garantie universelle des loyers. Mais l’article 8 de la loi en cause est-il pour autant un texte d’ordre public et, si oui, à quel titre ?

Les intentions, même les meilleures, ne suffisent pas à faire de bonnes lois. Il aurait sans doute était intéressant pour le législateur de se pencher sur le mécanisme du dépôt de garantie, en organisant son cumul, ou son non-cumul, avec la GUL.