Accueil
Le quotidien du droit en ligne
-A+A
Le droit en débats

Secret de l’instruction et de l’enquête : lettre au bâtonnier de Paris

Dans une lettre adressée le 7 novembre à Frédéric Sicard, bâtonnier de l’Ordre des avocats de Paris, l’avocat Jean-Pierre Versini-Campinchi s’insurge contre les méthodes de certains journalistes.

Par Jean-Pierre Versini-Campinchi le 17 Novembre 2016

Nous reproduisons l’intégralité du courrier adressé au bâtonnier de Paris :

 

« Monsieur le Bâtonnier, Madame la Vice-Bâtonnière,
Mesdames et Messieurs les Membres du Conseil de l’Ordre,

Le Journal Le Monde publie une série d’articles, présentés comme des enquêtes, sur des personnalités supposées proches de Monsieur Nicolas Sarkozy (B. Squarcini, A. Djouhri).

C’est la liberté du journaliste dans un pays démocratique et un acte politique légitime.

Seulement, en fait d’enquête, pour l’essentiel, ces articles sont constitués de fragments mis en italique, de rapports de police et notamment de transcription d’écoutes téléphoniques judiciaires, le tout extrait de procédures d’instruction actuellement en cours.

Au-delà du droit des gens, il s’agit d’une violation volontaire et systématique des dispositions des articles 11 du code de procédure pénale et 226-13 du code pénal, ceci, sans justifications liées aux droits de la défense.

On peut comprendre que les victimes de ces fuites organisées ne se sentent pas, aujourd’hui qu’elles sont publiquement stigmatisées, en situation de s’élever contre des procédés contraires à la loi.

Mais nous les avocats ? Plus précisément vous qui êtes nos élus ? Comment se taire ?

Ce n’est pas simplement la loi pénale qui est ici violée, ce sont des fondamentaux de la démocratie et des libertés publiques : qui, en effet, « gardera les gardiens eux-mêmes » ?

Dans les sujets judiciaires ici traités par le quotidien Le Monde, il n’y a pas de parties civiles, on ne peut donc pas comme trop souvent incriminer les avocats dans les divulgations pour les renvoyer à leurs récriminations.

Nous sommes probablement en présence d’une violation de la loi par des fonctionnaires de l’Etat - le surréaliste étant que dans l’une des procédures il s’agirait précisément de poursuites pour violation du secret professionnel - mais peu importe les auteurs des divulgations, il m’apparaît impossible, sauf à fermer les yeux devant des procédés de nature totalitaire, que nous restions taisant.

Aussi, très respectueusement, permettez-moi de souhaiter que notre Ordre exprime publiquement sa réprobation et ses alarmes.
Veuillez agréer, Monsieur le Bâtonnier, Madame la Vice-Bâtonnière, Mes Chers Confrères, les assurances de ma grande considération.

Jean-Pierre Versini-Campinchi

ps : afin d’éviter tout faux sens à ma démarche, permettez-moi de préciser que je ne suis l’avocat d’aucune des personnes mises en cause dans les informations pénales dont il s’agit. »