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Caractérisation de la tromperie et engagement de la responsabilité pénale des personnes morales

Dans la mesure où l’infraction de tromperie peut être commise par quelque moyen ou procédé que se soit, même par l’intermédiaire d’un tiers, comme un préposé, la responsabilité pénale de la personne morale peut être engagée en raison du comportement abstentionniste de son dirigeant social. 

par Julie Galloisle 22 avril 2016

Fin 2009, des agents de la direction des services vétérinaires du Gard ainsi que la direction départementale de la concurrence, la consommation et de la répression des fraudes effectuent un contrôle au sein d’une grande enseigne d’hypermarché. Ce contrôle fait apparaître que plusieurs emballages de viande fraîche ont été reconditionnés par un des salariés avec des dates de consommation prorogées et que d’autres mentionnent une race d’origine non conforme à la réalité. En conséquence, la société qui exploite le magasin est poursuivie du chef de tromperie.

Afin d’engager la responsabilité pénale d’une personne morale de droit privé, il résulte des dispositions de l’article 121-2 du code pénal, la nécessité qu’une infraction ou, à tout le moins, une faute pénale ait été commise, pour son compte, par l’un de ses organes ou représentants. Si chacune de ces conditions fait généralement l’objet d’une étude séparée des autres, il n’en reste pas moins que des implications importantes existent entre elles, ce qui donne souvent lieu à stratégie de la part de la personne poursuivie. La présente espèce ne fait pas exception à la règle. Car, pour espérer échapper à l’engagement de sa responsabilité pénale, la prévenue avait fait le choix de jouer sur deux tableaux. Le premier consistait à dénier l’engagement de sa responsabilité pénale au motif que le préposé au rayon boucherie, bien qu’ayant commis le délit de tromperie, n’était pas un représentant de la société. Le second reposait, quant à lui, sur l’argument inverse, à savoir que le président-directeur général avait certes la qualité d’organe de la société mais n’avait pas commis le délit de tromperie. Ainsi, à suivre la prévenue, quelle que soit la personne physique dans le viseur du juge, sa responsabilité pénale à elle ne pouvait être engagée.

Le premier argument ne manquait pas, il est vrai, de pertinence. Il avait été constaté par les juges du fond que le salarié ne s’était pas vu consentir une délégation de pouvoir effective, c’est-à-dire comprenant à la fois la compétence, l’autorité et les moyens nécessaires (Crim. 11 mars 1993, nos 90-84.931, 91-80.598, 91-80.958, 91-83.655 et 92-80.773, 5 esp., Bull. crim. n° 112 ; D. 1993. 132 ; ibid. 1994. 156 , obs. G. Roujou de Boubée ; RSC 1994. 101, obs. B. Bouloc ; RTD com. 1994. 92, obs. B. Bouloc ; ibid. 149, obs. P. Bouzat  ; conf. 6 févr. 2001, n° 00-84.104, inédit) pour assurer la mission ainsi déléguée. Or, si la jurisprudence se montre très compréhensive dans son acception de la notion de « représentant », elle suppose à tout le moins que la personne physique dispose d’un certain pouvoir pour représenter la société, ce qui n’est pas le cas du simple salarié (V. not. Crim. 22 juin 1994, n° 93-82.387, inédit ; 13 oct. 2015, n° 14-84.760, inédit : Dr. pén. 2016. Comm. n° 5, obs. P. Conte ; V. plus largement, E. Daoud et F. Stricot, Des effets de la délégation de pouvoirs sur la responsabilité pénale de la personne morale, RLDA 2015/107, p. 62). Ainsi, seuls les salariés titulaires d’une délégation de pouvoir (V. not. Crim. 30 mai 2000, n° 99-84.212 : Bull. crim. n° 206 ; D. 2001. 2350, et les obs. , obs. G. Roujou de Boubée ; Dr. soc. 2000. 1148, obs. P. Morvan ; RSC 2000. 816, obs. B. Bouloc ; ibid. 851, obs. G. Giudicelli-Delage ; RTD com. 2000. 1023, obs. B. Bouloc ; 7 févr. 2006, n° 05-80.083, inédit ; 25 mars 2014, n° 13-80.376, Dalloz actualité, 29 avr. 2014, obs. F. Winckelmuller ; RDI 2014. 410, obs. G. Roujou de Boubée ; Dr. soc. 2014. 948, chron. R. Salomon ) voire d’une subdélégation (Crim. 26 juin 2001, n° 00-83.466, Bull. crim. n° 161 ; D. 2002. 1802 , obs. G. Roujou de Boubée ;...

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