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Confirmation de l’effacement d’une inscription au fichier des infractions terroristes

L’inscription de l’intéressé n’apparaît plus justifiée au regard de la finalité du fichier qui est de prévenir le renouvellement des infractions visées à l’article 706-25-4 du code de procédure pénale et de faciliter l’identification de leurs auteurs et leur localisation.

par Sébastien Fucinile 21 juin 2019

À la suite des attentats commis en janvier 2015, le législateur avait créé, par la loi n° 2015-912 du 24 juillet 2015 relative au renseignement, un fichier judiciaire national automatisé des auteurs d’infractions terroristes (FIJAIT) (v. D. Thomas-Taillandier, Le nouveau fichier national des auteurs d’infractions terroristes, AJ pénal 2015. 523 ). Si ce fichier a essentiellement été conçu pour prévenir les attentats liés au terrorisme islamiste, il a également permis l’inscription de personnes condamnées pour des actes de terrorisme commis par des nationalistes corses. Cela a été le cas de Marc C…, condamné pour des actes de terrorisme en 2012 à six années d’emprisonnement. Il a bénéficié d’une libération conditionnelle en 2014 et a été inscrit au fichier en 2016. À la suite de poursuites pour non-respect des obligations qui lui étaient imposées, il a demandé l’effacement de l’inscription au fichier qui a été ordonné par le juge des libertés et de la détention et confirmé par une ordonnance du président de la chambre de l’instruction de la cour d’appel de Paris le 22 mai 2019. Pour ce faire, le président a repris les motifs du premier juge, qui a considéré que « l’inscription n’apparaît plus justifiée au regard de la finalité du fichier qui est de prévenir le renouvellement des infractions visées à l’article 706-25-4 du code de procédure pénale et de faciliter l’identification de leurs auteurs et leur localisation ». Le juge s’était fondé ensuite sur une expertise psychiatrique réalisée lors de la demande de libération conditionnelle et sur le fait qu’il avait parfaitement respecté toutes les obligations résultant de sa libération conditionnelle. Il a ajouté que l’intéressé justifie de « la stabilité de sa situation personnelle, de sa réinsertion sociale et professionnelle, l’intéressé ayant une activité professionnelle stable, payant ses impôts, ayant un domicile fixe et un enfant ». Par conséquent, l’inscription n’apparaissait plus nécessaire et justifiée. Le président de la chambre de l’instruction avait par la même occasion rejeté une question prioritaire de constitutionnalité portant sur l’article 706-25-12 du code de procédure pénale, relatif à la procédure d’effacement d’une inscription au fichier. Cette décision est l’occasion de revenir sur les conditions et la procédure d’effacement d’une inscription au FIJAIT.

En vertu de l’article 706-25-4 du code de procédure pénale, le FIJAIT concerne les infractions mentionnées aux articles 421-1 à 421-6 du code pénal, à l’exclusion de la provocation au terrorisme et de l’apologie des actes terroristes. Il concerne également les infractions mentionnées aux articles L. 224-1 à L. 225-7 du code de la sécurité intérieure, relatifs à l’interdiction administrative de sortie du territoire et au contrôle des retours sur le territoire français. Bien que le texte ait été conçu en réaction au terrorisme islamiste, il ne distingue évidemment pas selon les motivations des auteurs des faits, ce qui a permis l’inscription de personnes condamnées pour terrorisme en lien avec le nationalisme corse. Rien n’empêche par ailleurs d’inscrire dans ce fichier des personnes ayant commis des faits de terrorisme antérieurement à son entrée en vigueur : l’article 19-II-A de la loi du 24 juillet 2015 le permet si la personne a fait l’objet, après l’entrée en vigueur de la loi, d’une des décisions prévues à l’article 706-25-4 ou qu’elle exécute, à la date d’entrée en vigueur de la loi, une peine privative de liberté. Si l’intéressé avait en l’espèce été définitivement condamné bien avant l’entrée en vigueur de la loi, il exécutait toujours en revanche, sous la forme d’une libération conditionnelle, une peine privative de liberté à son entrée en vigueur. Rien n’empêchait donc son inscription au fichier, d’autant que la Cour européenne des droits de l’homme a eu l’occasion d’affirmer que le principe de non-rétroactivité ne s’appliquait pas à l’inscription dans un fichier, en l’occurrence celui des auteurs d’infractions sexuelles et violentes (CEDH 17 déc. 2009, Gardel c. France, req. n° 16428/05, Dalloz actualité, 7 janv. 2010, obs. K. Gachi ; 17 déc. 2009, B… c. France, req. n° 5335/06, Dalloz actualité, 7 janv. 2010, obs. K. Gachi, préc. ; D. 2010. 93, obs. K. Gachi ; ibid. 2732, obs. G. Roujou de Boubée, T. Garé et S. Mirabail ; RSC 2010. 239, obs. D. Roets ; ibid. 240, obs. D. Roets ). La chambre criminelle a par ailleurs refusé de renvoyer une question prioritaire de constitutionnalité soulevée précédemment par l’intéressé et portant sur les dispositions transitoires relatives à ce fichier, en ce que l’inscription ne constitue qu’une mesure de sûreté et que l’inscription peut être contestée.

Une fois l’inscription effectuée, l’intéressé est soumis à toute une série d’obligations, dont celle de déclarer le cas échéant sa nouvelle adresse. Le non-respect de ces obligations est constitutif d’un délit puni de deux ans d’emprisonnement et de 30 000 € d’amende (C. pr. pén., art. 706-25-7). L’intéressé avait été poursuivi dans le cadre d’une précédente procédure pour ne pas avoir déclaré sa nouvelle adresse à l’occasion de laquelle il avait soulevé la question prioritaire de constitutionnalité portant sur l’article 19-II de la loi du 24 juillet 2015. Afin de ne plus être soumise à ces obligations, la personne inscrite peut, conformément à l’article 706-25-12 du code de procédure pénale, demander l’effacement de son inscription au fichier. La personne qui y a été inscrite en vertu des dispositions transitoires dispose d’un délai de dix jours pour saisir le juge des libertés et de la détention aux fins d’effacement des informations la concernant. Dans la présente affaire, le procureur de la République avait considéré qu’il n’était pas compétent sur le fondement de cette disposition. Mais, en toute hypothèse, l’intéressé bénéficie également, comme toutes les autres personnes inscrites dans ce fichier, de la possibilité de demander à tout moment l’effacement au procureur de la République, conformément à l’article 706-25-12. C’est ce à quoi avait fait droit le juge des libertés et de la détention, qui peut être saisi après un refus du procureur de la République (C. pr. pén., art. 706-25-12, al. 4) et c’est ce qu’a confirmé le président de la chambre de l’instruction. L’article 706-25-12 prévoit que l’effacement peut être demandé non seulement « si les informations ne sont pas exactes » mais aussi si « leur conservation n’apparaît plus nécessaire compte tenu de la finalité du fichier, au regard de la nature de l’infraction, de l’âge de la personne lors de sa commission, du temps écoulé depuis lors et de la personnalité actuelle de l’intéressé ». C’est par des considérations relatives à la personnalité de l’intéressé et à la finalité du fichier, qui est de prévenir le renouvellement d’actes terroristes, que l’effacement a été ordonné.

L’intéressé avait par ailleurs soulevé une question prioritaire de constitutionnalité portant sur l’article 706-25-12. Il considérait que celui-ci était contraire à la Constitution en ce qu’il n’assurait pas le respect du contradictoire : cet article ne prévoit pas l’accès au dossier par la personne concernée ou son avocat ni la communication des réquisitions écrites du procureur de la République et du procureur général. Le président de la chambre de l’instruction a rejeté la demande de transmission de la question prioritaire de constitutionnalité, en considérant que la question « est dépourvue de caractère sérieux dès lors que le principe du contradictoire est respecté par la communication des réquisitions du ministère public conformément à la jurisprudence de la chambre criminelle ». En effet, s’agissant d’une demande d’effacement d’une mention sur le fichier de traitement des antécédents judiciaires, la Cour de cassation a affirmé que « le juge ne peut fonder sa décision sur un document non soumis à la libre discussion des parties » et a cassé et annulé l’ordonnance du président de la chambre de l’instruction en ce que rien ne permettait de s’assurer « que les réquisitions du procureur général avaient été communiquées au requérant ou que ce dernier avait pu y avoir accès » (Crim. 19 juin 2018, n° 16-87.749, Dalloz jurisprudence). Il devrait dès lors en être de même s’agissant de la demande d’effacement du FIJAIT.