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Élus de la Faute-sur-Mer : une condamnation ferme empreinte de relativisme

Par sa sévérité, le jugement ayant condamné, de manière inédite, l’ancien maire de la commune de La Faute-sur-Mer et son ex-adjointe à de lourdes peines d’emprisonnement fermes s’inscrit au cœur d’un combat mené, depuis près d’une vingtaine d’années, par les décideurs publics, qui revendiquent la diminution du risque pénal, omniprésent dans le domaine des infractions d’imprudence.

par Julie Galloisle 6 janvier 2015

Au détour d’une décision de 316 pages fortement motivée, le tribunal de grande instance des Sables-d’Olonne a condamné des élus locaux à des peines d’emprisonnement ferme – l’ancien maire est condamné à quatre ans d’emprisonnement et son ex-adjointe à deux ans d’emprisonnement – pour infractions involontaires, intervenues en l’espèce lors du passage, quatre ans plus tôt, de la tempête Xynthia, qui avait rompu les digues de leur municipalité. On peut y voir une nouvelle preuve de ce que les élus locaux continuent de se heurter à une jurisprudence toujours aussi répressive, bien que le législateur, dans la lignée de la réforme mise en œuvre par le nouveau code pénal ayant supprimé les « délits matériels », soit intervenu à travers deux lois successives censées diminuer leur responsabilité pénale.

Adoptée sous leur impulsion, la loi n° 96-393 du 13 mai 1996 avait pour ambition d’éliminer le reliquat des fautes purement abstraites en imposant aux tribunaux criminels une appréciation concrète de la situation de l’auteur – ses fonctions ou missions, ses compétences essentiellement juridiques, ses pouvoirs ainsi que les moyens matériels et humains mis à sa disposition pour accomplir sa mission. N’hésitant cependant pas à s’inscrire en porte-à-faux avec la loi nouvelle, les tribunaux criminels ont refusé de modifier leur raisonnement par rapport à l’appréciation de la faute.

Cette défiance à l’égard de l’article 121-3 du code pénal a conduit le législateur à réformer de nouveau les délits non intentionnels par la loi n° 2000-647 du 10 juillet 2000, dite loi Fauchon. Bien que cette seconde loi intervienne cette fois-ci non plus sur le terrain de la faute mais sur celui du lien de causalité, sa portée reste contestée. En effet, la jurisprudence, à l’appui de l’exigence légale d’appréciation par défaut de la faute simple, a pris l’habitude d’arrêter son examen à la faute caractérisée. Conduisant une conception extensive de la faute caractérisée (V. not., en ce sens, Y. Mayaud, La loi Fauchon du 10 juillet 2000 après plus de cinq ans d’application…, AJ pénal 2006. 146 ; plus généralement, P. Morvan, « L’irrésistible ascension de la faute caractérisée », in Mélanges J. Pradel, Cujas, 2006, p. 443) ayant pour effet de réduire d’autant les cas potentiels de relaxe, la loi de 2000 (V. not. Crim. 5 sept. 2000, n° 99-82.301, Bull. crim. n° 262 ; D. 2000. 256, et les obs. ; RSC 2001. 154, obs. B. Bouloc ; ibid. 156, obs. Y. Mayaud ; Dr. pénal 2000. Comm. n° 135, obs. M. Véron ; 12 déc. 2000, n° 98-83.969, Bull. crim. n° 371 ; D. 2001. 433, et les obs. ; ibid. 556, chron. H. Moutouh ; AJFP 2001. 30 ; ibid. 31, note S. Petit ; RSC 2001. 156, obs. Y. Mayaud ; ibid. 372, obs. B. Bouloc ; Dr. pénal 2001. Comm. n° 41, obs. M. Véron ; 10 janv. 2001, n° 00-83.354, Bull. crim. n° 3 ; D. 2001. 983 ; RSC 2001. 571, obs. B. Bouloc ; ibid. 577, obs. Y. Mayaud ; 20 mars 2001, n° 98-87.544, Bull. crim. n° 71 ; RSC 2001. 577, obs. Y. Mayaud ; ibid. 801, obs. B....

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