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Interview

Comment améliorer le dispositif européen de lutte contre la délinquance financière et la criminalité organisée ?

Quelles sont les principales failles du dispositif européen de lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement de la criminalité organisée et comment remédier à ces faiblesses ? Les réponses de Chantal Cutajar, maître de conférences à l’Université de Strasbourg et directrice du Groupe de recherches-actions sur la criminalité organisée (GRASCO).

le 7 mars 2025

La rédaction : Quelles sont, selon vous, les principales failles du dispositif européen de lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement de la criminalité organisée ?

Chantal Cutajar : La lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement de la criminalité organisée demeure entravée par plusieurs failles structurelles qui limitent son efficacité. L’infiltration du monde des affaires par des acteurs criminels, l’insuffisance de la coopération transfrontalière, les lacunes persistantes dans la traçabilité des flux financiers et l’usage systématique de la corruption constituent les principaux obstacles à l’efficacité du dispositif européen.

L’un des défis majeurs réside dans la difficulté de prévenir l’infiltration des organisations criminelles dans le monde des affaires. L’opacité de certaines structures juridiques, la facilité avec laquelle des sociétés-écrans peuvent être créées et le manque d’interconnexion des registres des bénéficiaires effectifs favorisent cette infiltration. Les secteurs les plus vulnérables, tels que la construction, l’hôtellerie-restauration et la logistique, offrent des opportunités de blanchiment importantes en raison de la forte circulation des paiements en espèces et de la complexité des chaînes de sous-traitance.

L’efficacité du dispositif est également entravée par l’insuffisance de la coopération transfrontalière. L’absence d’harmonisation entre les systèmes judiciaires des États membres, la diversité des définitions des infractions financières et les différences dans les niveaux de sanctions compliquent la reconnaissance mutuelle des décisions judiciaires. De plus, les mécanismes de coopération – tels que les mandats d’arrêt européens et les commissions rogatoires internationales – souffrent de lourdeurs administratives qui retardent l’action des autorités et permettent aux criminels d’organiser leur fuite ou de transférer leurs actifs vers des juridictions plus permissives.

Les lacunes dans la traçabilité des flux financiers constituent une autre faiblesse du dispositif. L’efficacité des registres des bénéficiaires effectifs est limitée par le manque de contrôle sur les informations déclarées et par l’autodéclaration, qui permettent aux criminels...

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Chantal Cutajar

Chantal Cutajar est Maître de conférences HDR HC, Directrice du Master juriste conformité/compliance officer, Directrice du Master Investigations financières à l’échelle européenne en formation initiale en alternance et en EAD dans le cadre de la formation continue, et Directrice générale du CEIFAC (Collège européen des investigations financières et de l’analyse financière criminelle)