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Interview

Devoir de vigilance : les impacts directs et indirects sur les cabinets d’avocats

Entretien avec Jean-Marc Gollier, avocat au Barreau de Bruxelles et président de la Commission environnement et changement climatique du Conseil des barreaux européens.

le 13 décembre 2024

La rédaction : Un cabinet d’avocats établi au sein de l’Union européenne ou réalisant des activités au sein de l’Union européenne peut-il être assujetti aux obligations prévues par la directive sur le devoir de vigilance ?

Jean-Marc Gollier : Entre 2027, première année d’application de la directive, et 2029-2030, date à laquelle elle entrera pleinement en vigueur, le nombre des entités établies au sein de l’Union européenne concernées va progressivement augmenter. Seront assujetties aux obligations fixées par la directive les entreprises qui ont un chiffre d’affaires supérieur à 450 millions d’euros et qui comptent plus de 5 000, puis 3 000, et enfin 1 000 « travailleurs ». Cette directive ne pourrait dès lors viser directement que les très grands cabinets d’avocats établis dans l’Union européenne. Encore faudrait-il que le nombre de travailleurs soit à la hauteur. Certes, la notion de « travailleur » – qui se réfère à la jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne (arrêt de principe, CJUE 23 mars 1982, Levin, aff. C-53/81) – est très large, mais il faudrait démontrer que les avocats travaillent sous la direction du cabinet ou d’un associé, ce qui est en contradiction avec notre principe d’indépendance. De plus, la directive vise également les entités non établies au sein de l’Union européenne mais qui y réalisent un chiffre d’affaires supérieur à 450 millions d’euros, sans prendre en compte le nombre de travailleurs. Les très grands cabinets d’avocats anglo-saxons sont donc susceptibles d’être assujettis à cette directive dès lors que leur chiffre d’affaires dans l’Union européenne serait supérieur à ce seuil.

La rédaction : Dans quelle mesure la directive sur le devoir de vigilance peut-elle avoir un impact indirect sur les cabinets d’avocats qui fournissent des services à des entreprises qui y sont assujetties ?

Jean-Marc Gollier : Le devoir de vigilance des entreprises porte sur leur activité, celle de leurs filiales et celle des entreprises qui contribuent à leur activité – la directive crée pour l’occasion la notion d’entreprises entrant dans la « chaîne d’activités ». Cela les oblige donc à remonter dans toute leur chaîne d’activités pour vérifier s’il n’y a pas un fournisseur qui ne respecterait pas les normes sociales, environnementales et en matière de droits de l’homme. En tant que fournisseur de services qui...

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Jean-Marc Gollier

Avocat au barreau de Bruxelles, Jean-Marc Gollier est Senior Counsel du cabinet Eubelius et spécialiste du droit financier et du droit des sociétés. Maître de conférences invité et membre du Centre de recherche en droit des entreprises de la Louvain School of Management, il est auteur de nombreuses publications en droit des sociétés et en droit financier belge et international. Depuis avril 2022, il préside le Comité environnement et changement climatique du Conseil des barreaux européens.