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Le droit en débats

L’incertitude sur le statut juridique du collaborateur diplômé du CAPA

Chaque année, la fin de la formation des élèves avocats pose à nouveau la délicate question du statut de ces futurs avocats qui travaillent au sein de cabinet d’avocats dans l’attente de l’obtention du certificat d’aptitude à la profession d’avocat (CAPA) puis de leur prestation de serment. En l’absence de directives des instances ordinales, les rares décisions rendues consacrent des solutions diamétralement opposées.

Par Nejma Labidi et Aude Tondriaux-Gautier le 13 Juillet 2018

Par un nouvel arrêt remarqué, venant remettre en cause la solution qu’elle avait adoptée deux ans auparavant, la cour d’appel de Versailles jette de nouveau l’incertitude sur le statut juridique du collaborateur diplômé du CAPA n’ayant pas encore prêté serment et travaillant pour un cabinet d’avocats. Loin de combler le vide juridique, ces divergences de jurisprudence soulignent l’insécurité juridique de ce statut incertain. Seule la cour d’appel de Versailles s’est prononcée sur le sujet, les avocats parisiens usant de l’article 47 du code de procédure civile pour solliciter le dépaysement au profit d’une juridiction limitrophe.

Dans un arrêt plusieurs fois commenté1, cette cour d’appel avait ainsi été amenée à se prononcer, pour la première fois, sur un litige entre une titulaire du CAPA qui avait signé un contrat de collaboration prenant effet à compter de la date de prestation de serment et un cabinet d’avocat. La cour, infirmant le jugement du conseil des prud’hommes ayant qualifié la relation de collaboration libérale, estimait ainsi que la période litigieuse ne pouvait être qualifiée de collaboration libérale puisque la collaboratrice n’avait pas encore prêté le serment d’avocat.

Dans un attendu, qui apparaissait de principe, la cour avait considéré que la collaboratrice « n’avait donc d’autre statut que celui de salarié ».

La messe semblait dite.

Pourtant, par un nouvel arrêt du 27 février 2018, la cour d’appel de Versailles, appelée à statuer sur une affaire similaire, adopte une solution diamétralement opposée à sa propre jurisprudence2. Elle estime en l’espèce que la relation contractuelle liant le cabinet à la collaboratrice n’ayant pas prêté serment s’analyse en un « contrat de prestation de services, relevant de la compétence du tribunal de grande instance du siège de la société ». C’est donc désormais un nouveau statut, moins protecteur, qui est appliqué au collaborateur n’ayant pas prêté serment.

Si le critère essentiel pour qualifier un contrat de travail repose sur l’existence d’un lien de subordination, la jurisprudence retient traditionnellement une définition plus souple pour les collaborateurs de cabinet d’avocats en jugeant que le lien de subordination est caractérisé notamment par l’impossibilité, pour l’avocat collaborateur, d’avoir et de développer une clientèle personnelle3.

Dans la première espèce, pour estimer que le lien de subordination était caractérisé, la cour d’appel retenait que la réalité du travail accompli n’était pas contestable, et ressortait d’attestation de l’assistante, des messages téléphoniques écrits et des instructions écrites du cabinet. Les juges du fond ont ainsi relevé que ces éléments convergeaient pour établir que la collaboratrice travaillait avec les clients, sur les instructions et les dossiers du cabinet auquel elle rendait compte de ses différentes démarches. La cour retenait donc une définition souple du contrat de travail.

Dans l’arrêt rendu le 27 février 2018, la cour a estimé a contrario que la collaboratrice « n’établissait pas avoir reçu de directives et un libre accès aux dossiers des clients du cabinet » retenant ici une définition stricte du lien de subordination. Cette preuve sera en pratique difficile à rapporter par les futurs collaborateurs, la plupart des instructions étant communiquées à l’oral. C’est précisément la raison pour laquelle la Cour de cassation a adopté, de longue date, une définition plus souple du lien de subordination pour les collaborateurs libéraux des cabinets d’avocats.

Ce nouveau statut de prestataire ne va pas sans poser de nombreuses difficultés, notamment au regard de la déontologie et du secret professionnel. Si les salariés ainsi que les élèves avocats collaborant au sein d’un cabinet d’avocat sont soumis au secret professionnel, tel n’est pas le cas du prestataire de services, sauf clause contractuelle expresse.

Le statut de prestataire de services imposerait désormais au titulaire du CAPA de s’inscrire auprès de tous les organismes en tant que professionnel indépendant, une telle inscription emportant alors une présomption de non-salariat, comme l’a déjà rappelé la cour d’appel de Paris4. Pire encore, le collaborateur-prestataire de services pourrait entrer sous le coup de la loi pénale réprimant l’exercice illégal de la profession d’avocat. En cas de litige, il sera enfin contraint de saisir le tribunal de grande instance devant lequel le ministère d’avocat est obligatoire contrairement au conseil de prud’hommes. Dans tous les cas, le futur avocat, faute d’avoir prêté serment, ne pourra pas saisir le bâtonnier de l’ordre des avocats du litige l’opposant au cabinet.

Il est désormais indispensable que les ordres qui exigent la signature d’un contrat de collaboration ou d’un bail de bureaux pour pouvoir prêter serment se saisissent de cette difficulté en organisant ce statut, qu’ils ont contribué à créer en ajoutant une nouvelle condition d’accès à la profession que la loi de 1971 ne prévoyait pas.

De manière générale, il serait utile que la profession s’interroge sur cette période allant de la fin de la scolarité des élèves avocats jusqu’à la prestation de serment en passant par le CAPA, et notamment sur l’opportunité de faire coïncider la fin de la scolarité des élèves avocats avec l’obtention du CAPA.

 

 

 

1. V. Dalloz actualité, 18 févr. 2016, art. A. Portmann isset(node/177411) ? node/177411 : NULL, 'fragment' => isset() ? : NULL, 'absolute' => )) .'"'>177411.
2. Versailles, 6e ch., 27 févr. 2018, n° 16/02987.
3. Cass., ch. mixte, 12 févr. 1999, n° 96-17.468, D. 2000. 146 , obs. B. Blanchard ; Dr. soc. 1999. 404, obs. C. Radé .
4. Paris, pôle 6-ch. 4, 4 oct. 2016, n° 13/07971.