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Le droit en débats

La loi d’orientation des mobilités, une réponse à la propagation du covid-19 ?

La loi n° 2019-1428 d’orientation des mobilités (LOM) du 24 décembre 2019 connaît aujourd’hui une actualité particulière du fait des enjeux majeurs de la mobilité dans le cadre de la politique de déconfinement du gouvernement.

Par Agathe Roussel le 03 Juin 2020

Selon le premier ministre, Édouard Philippe, la contradiction entre le besoin de transport et en parallèle la nécessité de le réduire implique la mise en place de nouvelles formes de mobilités alternatives aux transports publics, afin de garantir la nécessaire distanciation sociale1.

Si la LOM ne relève pas de la crise sanitaire née de l’épidémie du covid-19, plusieurs de ses apports pourraient permettre de répondre aux exigences sanitaires et aux nouvelles attentes des usagers en matière de « mobilité verte ».

La LOM permet de répondre à trois principaux objectifs, tenant à l’amélioration de l’efficacité du système de mobilité en proposant des offres de mobilité plus étendues aux usagers, à l’urgence écologique et climatique et, enfin, à la définition d’une nouvelle politique d’infrastructure, moins centrée sur les métropoles et favorisant le désenclavement des territoires les plus éloignés2.

Autant d’enjeux dont la survenance de la crise sanitaire va sans nul doute permettre d’accélérer les mesures de réalisation.

En effet, à l’heure où les transports publics sont évités, il est nécessaire d’inciter les usagers à utiliser d’autres formes de mobilité, afin d’éviter un recours excessif aux véhicules personnels et remettre ainsi en cause plusieurs années d’une politique de déplacements alternatifs à l’autosolisme.

La LOM met en place une pluralité d’outils juridiques, dont l’utilisation doit être accélérée dans la période actuelle de déconfinement.

Les apports de la LOM en matière de mobilités partagées

L’amélioration de l’efficacité du système de mobilités passe par l’encadrement de nouvelles mobilités dites actives, ou freefloting – largement décrites par la doctrine et non abordées par le présent article – mais également par des systèmes de mobilités dits « partagés ».

L’article L. 1231-1-1 du code des transports confie dorénavant aux autorités organisatrices de mobilité la compétence pour organiser des services relatifs aux usages partagés de véhicules terrestres à moteur ou de contribuer à leur développement, aussi bien en matière de covoiturage que d’autopartage3.

Pour mémoire, l’autopartage est défini par l’article L. 1231-14 du code des transports comme étant la mise en commun d’un véhicule au profit d’utilisateurs abonnés ou habilités par la personne gestionnaire des véhicules. La notion de covoiturage résulte de l’article L. 3132-1 du code des transports. Il s’agit de « l’utilisation en commun d’un véhicule terrestre à moteur par un conducteur et un ou plusieurs passagers, effectuée à titre non onéreux, excepté le partage des frais, dans le cadre d’un déplacement que le conducteur effectue pour son propre compte ».

À la lecture des dispositions de l’article L. 1231-1-1 du code des transports précitées, il appartiendrait donc à l’autorité organisatrice de mobilité (AOM) de choisir entre l’organisation ou la contribution au développement de ces services. Plus précisément, la LOM ajoute que cette intervention serait conditionnée par l’inexistence, l’insuffisance ou l’inadaptation de l’offre privée.

Il appartient donc aux AOM d’établir la carence de l’initiative privée. En pratique, le juge a classiquement une appréciation souple de cette notion (CE 30 mai 1930, Chambre syndicale du commerce en détail de Nevers). Au demeurant, l’étude du secteur se fait indirectement lors de l’établissement du plan de déplacement urbain par les AOM dont le ressort territorial comprend plus de 100 000 habitants. Aux termes de l’article L. 1241-1 du code des transports, ce plan détermine les principes régissant l’organisation du transport des personnes et de circulation notamment.

Par ailleurs, la LOM promeut les mobilités partagées en permettant la réservation d’emplacements sur la voie publique pour les véhicules utilisés pour ces modes de transport, ainsi que des voies de circulation sur les autoroutes et les routes express, toujours dans le but de faciliter et d’encourager le covoiturage et l’autopartage.

Dans cette hypothèse, le Conseil d’État a alerté sur la nécessité d’établir dans chaque cas le lien effectif entre l’exercice du covoiturage et les nécessités de réservation permanente des emplacements et voies de circulation4.

Dans le cadre du déconfinement, cette difficulté était relevée par le contexte de crise sanitaire. Ainsi, la ministre de la transition écologique et solidaire a annoncé l’ouverture de voies réservées temporairement au covoiturage sur l’A1 et l’A6A en Île-de-France. En pratique, il s’agit des voies réservées aux transports en commun et aux taxis qui seront étendues aux véhicules de covoiturage comportant au moins deux personnes5.

Afin que la mise en œuvre de ce covoiturage respecte les règles de distanciation sociale, le port d’un masque est obligatoire et seul un passager pourra être transporté assis à l’arrière du véhicule6.

Ensuite, afin de promouvoir le covoiturage, la LOM a mis en place un forfait mobilité durable permettant aux entreprises et administrations d’indemniser une partie des frais de déplacement domicile-travail engagé par leurs salariés et agents, lorsque ceux-ci ont recours au covoiturage ou à des déplacements dits de mobilités actives au moyen par exemple d’un vélo à assistance électrique7.

Dans la perspective de la sortie progressive du confinement, Élisabeth Borne a accéléré la mise en place de ce forfait mobilité durable. Ainsi, le décret d’application pour le secteur privé n° 2020-541 du 9 mai 2020 encourage les entrepreneurs privés à mettre en place dès à présent cette aide pouvant aller jusqu’à 400 € par an et par salarié, exonérés d’impôt et de cotisations sociales.

De même, un forfait d’un montant de 200 € pourra être versé aux agents de la fonction publique d’État8.

Enfin, la LOM a également prévu que les AOM seront autorisées à verser une allocation aux passagers ou aux conducteurs qui effectuent un déplacement en covoiturage9.

Le montant de cette allocation doit faire l’objet d’un décret d’application dont l’entrée en vigueur est pour le moment retardée. Il présente deux difficultés tenant, d’une part, au risque lié à l’absence de mécanisme de contrôle de nature à prévenir les abus, ce qui à terme risquerait d’entraîner des difficultés de gestion pour les AOM, et, d’autre part, à une requalification de l’activité du conducteur en activité professionnelle10.

Son montant ne pourra cependant pas conduire à une rémunération des passagers comme des conducteurs recourant au covoiturage.

Si cette allocation n’est à ce jour pas opérationnelle, des dispositions ont été prises en Île-de-France afin d’encourager financièrement le covoiturage, en promouvant des partenariats avec cinq plateformes de covoiturage – BlaBlaLines (BlaBlaCar), Covoit’ici, Karos, Klaxit et Ouihop – proposant la gratuité aux passagers franciliens pendant les jours de grève et offre aux conducteurs « 2, 3, voire 4 € par trajet » en fonction de la distance parcourue.

Les véhicules électriques à travers le déploiement des infrastructures de recharge électrique

La LOM favorise également le déploiement des véhicules électriques sous de nombreux aspects, notamment par la promotion de l’autopartage ou des véhicules autonomes ou connectés11, mais principalement par le développement des infrastructures de recharge électrique (IRVE).

La promotion de l’utilisation de ces véhicules permettrait de limiter les émissions des usagers ayant recours à leur véhicule personnel, qui serait double si ces véhicules étaient utilisés en covoiturage ou autopartage.

L’activité de recharge d’un véhicule électrique a reçu une qualification juridique à travers l’article 64 de la LOM. L’article L. 334-3 du code des transports dispose désormais que les opérateurs de recharge de véhicule électrique exercent une activité de prestation de service et non d’achat d’électricité.

Cette précision favorise la fourniture d’un service global à l’utilisateur incluant la fourniture d’électricité, le stationnement et d’éventuelles options comme la rapidité de la recharge ou la possibilité d’optimiser la gestion de l’énergie par l’opérateur des bornes de recharge avec la possibilité de s’approvisionner auprès de plusieurs fournisseurs d’électricité.

En outre, la LOM réencadre le coût de raccordement des IRVE aux réseaux publics de distribution d’électricité. Pour mémoire, ces coûts sont pris en charge à hauteur de 40 % par le tarif d’utilisation des réseaux publics d’électricité (TURPE), et les 60 % dernier restant à la charge du demandeur de raccordement12.

Or l’article 64, III, de la LOM prévoit que le taux de prise de charge par le TURPE pourra être augmenté, de manière temporaire, jusqu’à 75 % du montant du coût du raccordement.

La LOM impose également, à compter de mars 2021 des obligations de pré-équipement d’IRVE dans les parkings d’un bâtiment neuf ou rénové de manière conséquente. En contraignant les immeubles collectifs à se doter de points de recharge, elle incite à l’acquisition de véhicules propres.

Enfin, l’article 68 de la loi crée un schéma directeur de développement des infrastructures de recharges ouvertes au public pour les véhicules électriques et les véhicules hybrides rechargeables prévoyant une hausse progressive de la part des véhicules à faibles émissions parmi les ventes de voitures.

À ces différents apports de la LOM s’ajoute le rôle des collectivités locales qui ont commencé à se saisir du sujet. Dans cette optique, plusieurs métropoles, telles que Toulouse Métropole et la Métropole du Grand Paris ont d’ores et déjà organisé des appels à initiatives privées – se matérialisant par la publication d’un avis par lequel les opérateurs sont sollicités afin de présenter leur savoir-faire dans le secteur des IRVE – dans le but de consentir des titres d’occupation de leur domaine public. Par ailleurs, d’autres autorités publiques telles que le SYANE ou la Ville de Paris ont opté pour l’organisation de procédures de publicité et de mise en concurrence pour l’attribution de contrats de concession de service public des réseaux d’infrastructures de recharges pour véhicules électriques.

À ces nombreux égards, les décrets d’applications qui devaient être pris pour préciser le régime des IRVE ont été retardés par la crise sanitaire, et sont annoncés en partie pour le 15 juin 2020. Pour autant, selon l’Association nationale pour le développement de la mobilité électrique, les ventes de véhicules électriques et le nombre de bornes électriques sont d’ores et déjà en hausse depuis l’entrée en vigueur de la LOM, et seraient par conséquent présentement une solution pour limiter la propagation du covid-19.

Affaires à suivre prochainement donc…

 

 

Notes

1. Intervention du premier ministre, 29 avr. 2020.

2. LOM, n° 2019-1428, 24 déc. 2019, art. 1er.

3. LOM, art. 35.

4. CE, avis, 15 nov. 2018, n° 395539, pt 43.

5. Communiqué de presse, 10 mai 2020.

6. Ibid.

7. LOM, art. 82.

8. Arr. du 9 mai 2020 pris pour l’application du décr. n° 2020-543, 9 mai 2020, relatif au versement du « forfait mobilités durables » dans la fonction publique de l’État.

9. LOM, art. 35.

10. CE, avis, 15 nov. 2018, n° 395539, pt 42.

11. LOM, art. 31 s.

12. C. transp., art. L. 341-2.