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Portrait

Grotius, un prodige au service du droit

par Thibault de Ravel d'Esclaponle 6 février 2013

Pour la musique, il y eut Mozart. Pour le droit, la philosophie, la théologie, la poésie, et pour finalement un peu tout ce qui touche aux humanités, il y eut Grotius. Le premier nous composait un joli petit opéra à douze ans et se révélait capable, à quatorze, de restituer de mémoire, après l’avoir écouté guère plus de deux fois à la chapelle Sixtine, le célèbre Miserere de Gregorio Allegri dont le Vatican préservait à tout prix le secret. Et voilà que le second nous donnait des vers latins à huit ans et entrait tout guilleret, quatre ans plus tard, à l’université de Leyde, une prouesse qui, n’en doutons pas, ne manquerait pas aujourd’hui de faire la Une du 20h, aux alentours du mois de juin, après les résultats du baccalauréat. Alors, Hugo de Groot, encore dit Grotius, est peut-être un peu moins connu que Mozart, mais l’on a quand même affaire à un véritable petit prodige. Et si « le cerveau de Mozart » étonne encore les psychiatres, celui de Grotius, devrait tout autant.

C’est Delft qui eut les honneurs de sa naissance. La date exacte a été l’objet de controverses, mais depuis Burigny, l’un de ses premiers biographes, celle du 10 avril 1583 ne semble plus vraiment discutée. La ville est alors en ébullition, car elle est – et c’est une mode à l’époque – en pointe dans la lutte contre l’Espagne, laquelle aboutira à l’indépendance des Provinces-Unies. Et Delft, Anvers, début de siècle, c’est un peu comme Vienne fin de siècle, trois cents ans plus tard : une période formidable, d’une rare émulation intellectuelle, propice à l’éclosion de beaux esprits. Grotius est certainement de ceux-ci, un des ornements de ce Siècle d’or qui commence à peine à s’ouvrir.

Il faut dire qu’une fois n’est pas coutume, la famille s’y prêtait bien. En général, dans la Hollande de cette époque quand on s’appelle de Groot, c’est qu’on a accompli quelque chose de plutôt louable. Docteur en droit, le père est bourgmestre de Delft, curateur de l’université de Leyde, un poste bien en vue. Son oncle, Cornelis de Groot, a fréquenté les bancs de la faculté de droit d’Orléans et sa mère vient d’une famille connue : les van Overschie. Aussi, le petit Grotius arrive rapidement à Leyde, en 1594. Et Leyde, on l’aura compris, c’est loin d’être terra incognita, pour les Grotius. On est en famille, il fréquente les cours de droit de son oncle. Et surtout, il suit les enseignements du célèbre Saliger, fraîchement nommé. La précocité de Grotius continue. En 1597, il soutint deux thèses. Une durée de trois années, exactement celle d’un contrat doctoral ; 14 ans au jour de la soutenance : le record est à faire pâlir d’envie l’AERES.

C’est là que commence la vie pour...

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Hugo de Groot, dit Grotius

Né à Delft en 1583, Hugo de Groot, dit Grotius, s’est affirmé comme l’un des plus grands juristes des temps modernes, donnant au droit international ses bases essentielles. Sa vie rocambolesque s’achève en 1645, après un malheureux naufrage à Rostock.