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Le droit en débats

Le meurtre d’un nouveau-né n’est pas une infraction clandestine

Par Solène Sidoine le 06 Janvier 2014

L’arrêt rendu par la chambre criminelle le 16 octobre 2013 ne relève pas uniquement de la prescription criminelle. Si elle rappelle avec sagesse que les crimes se prescrivent par dix années révolues à compter du jour de leur commission, elle met en lumière la difficulté pour le droit de reconnaître la singularité du meurtre du nouveau-né.

Le 24 juillet 2010, les corps de huit nouveau-nés étaient découverts dans un village français du nord de la France. Une information judiciaire était ouverte du chef d’homicide volontaire et d’assassinats sur mineur de quinze ans à l’encontre de Madame X, mère présumée des victimes. Fin janvier 2011, le juge d’instruction rendait une ordonnance de mise en accusation sous la qualification d’assassinats sur mineur de quinze ans, étant précisé que la prévention s’étendait aux huit nouveau-nés. Ce détail avait toute son importance puisqu’il constituait le point d’achoppement des parties à l’espèce. Les crimes ont été commis entre le mois de décembre 1989 et au plus tard à la mi-octobre 2000. Il ressortait des expertises médico-légales que sept des faits la commission de sept des faits avaient été commis avant le 24 juillet 2000 et l’une incertitude quant à la naissance de la dernière victime qui serait située entre le 9 juin 2000, date à laquelle la prescription est acquise et la mi-octobre, date à laquelle la prescription n’est plus acquise.

L’allongement du délai de la prescription ou le report de son point de départ résultent de deux principales hypothèses. La première est celle dans laquelle le législateur inclutprévoit expressément l’infraction au sein de l’alinéa 3 de l’article 7 du code de procédure pénale qui permet d’étendre la prescription à vingt années résolues à compter de la majorité lorsque le mineur est victime des infractions visées par l’article 706-47 du même code et celle prévue à l’article 222-10 du code pénal. à la fois un allongement du délai de la prescription à vingt ans et un déplacement de son point de départ à la majorité du mineur victime à l’article 7, alinéa 3, du code de procédure pénale. Les infractions permettant cet allongement du délai de la prescription de l’action publique sont listées dans cet article : il s’agit des infractions visées à l’article 706-47 du même code (infractions de nature sexuelle, les meurtres ou assassinats avec tortures et actes de barbarie sur des mineurs) et de celles visées à l’article 222-10 du code pénal (violences ayant entraîné une mutilation ou une infirmité permanente sur un mineur de quinze ans). Dans la seconde hypothèse, le législateur indique au sein de sa définition qu’il s’agit d’une infraction clandestine en incluant des actes de dissimulation, propres à reporter le point de départ du délai de la prescription au jour de la découverte des faits. Aussi, pour que soit juridiquement acceptable la constante hostilité de la Cour de cassation face à la prescription d’actes moralement répréhensibles, la clandestinité de l’infraction doit-elle constituer un élément matériel de l’infraction. Telle est l’hypothèse de l’abus de biens sociaux, que la jurisprudence a qualifié d’infraction clandestine par nature aux motifs que ses éléments constitutifs visent la dissimulation par les gérants d’une société de la véritable situation financière de cette dernière.

Il paraît indéniable que le meurtre sur un mineur de quinze ans doit être entendu comme une infraction instantanée devant se prescrire par dix années révolues à compter du jour de sa commission. Néanmoins, le meurtre d’un nouveau-né ne constitue-t-il pas une infraction clandestine par nature ?
Ayant fait l’objet de nombreuses études, le néonaticide est unanimement décrit comme un crime singulier dont le passage à l’acte est éminemment secret puisque la naissance et le décès sont concomitants, à l’ombre de toute existence civile. Malgré ces spécificités, le meurtre d’un nouveau-né est malheureusement et classiquement régi par le droit commun des homicides volontaires (avec cette circonstance que les faits ont été commis sur un mineur de quinze ans). Conscient des insuffisances de la qualification pénale, le procureur de la République avait, en l’espèce, ajouté à ses réquisitions le délit connexe de dissimulation d’enfant, infraction clandestine par nature dont le délai de prescription court à compter de la découverte des faits. Cette tentative déguisée de reporter le point de départ du délai de prescription en matière de crime n’avait pas trouvé écho auprès du juge d’instruction et laissait déjà présager l’acquisition de la prescription, du moins pour les sept premiers crimes.

S’il recevait une incrimination autonome et indépendante de l’homicide volontaire, le meurtre du nouveau-né pourrait légitimement représenter l’infraction clandestine par nature et par excellence. Ainsi, reporterait-il le point de départ du délai de prescription au jour de la découverte des faits. Reconnaître la spécificité du meurtre du nouveau-né par l’élaboration d’une incrimination autonome permettrait au législateur et à la Cour de cassation de fixer le point de départ de la prescription au moment de la connaissance du crime par les autorités. Afin de compenser la quasi-imprescriptibilité à laquelle conduirait l’infraction autonome de meurtre d’un nouveau-né, la peine encourue devrait être significativement réduite.

Pour l’instant, le meurtre du nouveau-né reste une infraction instantanée qui se prescrit par dix années révolues à compter du jour de sa commission.