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Le premier ministre turc fait arrêter 755 magistrats : l’USM atterrée et inquiète

À la suite du coup d’État raté d’une partie des militaires turcs dans la nuit du 15 au 16 juillet 2016, le Premier ministre Recep Tayyip Erdogan a fait arrêter plus de 7 500 personnes à travers le pays. 2 475 juges et procureurs ont été démis de leurs fonctions.

« Nous sommes atterrés et extrêmement inquiets. C’est un exemple type d’une atteinte à la démocratie ». Virginie Duval, présidente de l’Union syndicale des magistrats (USM), a la voix presque tremblante. Dans la nuit du 15 au 16 juillet 2016, des centaines de militaires tentent de prendre le pouvoir en Turquie, mais échouent. Les arrestations, sous l’égide du Premier ministre turc, s’enchaînent : plus de 7 500 personnes ont été arrêtés, dont plus de 700 magistrats et une centaine de policiers. En tout, 3 000 mandats d’arrêts ont été délivrés contre des juges et des procureurs.

« Nous avons quelques nouvelles de nos collègues, poursuit Virginie Duval. L’un d’entre eux nous envoyait des SMS juste avant son arrestation. Depuis, plus de nouvelles. Il s’attendait à être interpellé ». En tout, 2 745 juges et procureurs ont été démis de leurs fonctions par le Haut conseil des juges et procureurs (CSJP), l’équivalent turc du Conseil supérieur de la magistrature.

Mais ces vagues d’arrestations ne surprennent qu’à moitié : « On le voyait venir depuis 2014. Les collègues turcs tirent les sonnettes d’alarme depuis des années. Lors des élections au CSJP, le pouvoir a fait pression ». Un sentiment partagé par Nicolas Krameyer est responsable du programme liberté d’expression et défenseurs des droits humains à Amnesty international France : « Ça s’inscrit dans une certaine continuité. Le coup d’État sert de prétexte pour éradiquer l’opposition ».

Alors, que faire ? À Amnesty, « on demande que la communauté internationale appelle chaque fois qu’il est possible l’attachement à l’État de droit ». Si la diplomatie française reste pour l’instant muette, John Kerry, secrétaire d’État des États-Unis, a été le premier à réagir en ce sens, menaçant la Turquie d’être exclue de l’Otan. Et si la plupart des dirigeants condamnent la tentative de putsch, ils appellent au respect de l’État de droit.

De son côté, l’USM a écrit au président de la République « pour intervenir » afin de « remettre la démocratie en marche » en Turquie. Avec une forme de résignation : « Ils laissent Erdogan faire n’importe quoi, parce qu’il y a le problème des migrants… Les seuls juges qui resteront seront ceux qui soutiennent le gouvernement ».

L’USM appelle à la signature de la pétition ouverte par l’Union internationale des magistrats.

 

170 avocats turcs refusent de défendre des gradés arrêtés par le pouvoir
À l’issue de l’interrogatoire diligenté en raison de la tentative de coup d’État, plusieurs soldats gradés ont été placés en garde à vue. 170 avocats commis d’office par le barreau d’Istanbul ont refusé de les défendre1. Peur de représailles ou véritable manifestation de soutien au pouvoir
 ? Pour Nicolas Krameyer, responsable du programme liberté d’expression et défenseurs des droits humains à Amnesty international France, la réponse à cette question ne fait guère de doute : « Les avocats ont été le corps de métier le plus ciblé ces dernières années, notamment lors des dossiers sensibles pour le pouvoir. Ils ont tout simplement peur ». Le Conseil des barreaux européens n’a pour le moment pas souhaité communiquer sur ce sujet.
1 Source : Hürriyet, site d’informations (en turc), consulté le 18 juillet 2016.

 

par Olivier Hielle