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Saisie d’une somme d’argent par l’OPJ : délai d’intervention du juge

La date de la notification de saisie d’une somme d’argent à l’établissement tenant le compte, qui entraîne l’indisponibilité immédiate de la somme versée, constitue le point de départ du délai de dix jours dans lequel le juge doit se prononcer sur son maintien ou sa mainlevée.

par Sébastien Fucinile 22 mai 2020

Par un arrêt du 1er avril 2020, la chambre criminelle a apporté une précision importante concernant le délai d’intervention du juge des libertés et de la détention ou du juge d’instruction lors d’une saisie pénale portant sur une somme d’argent. L’article 706-154 du code de procédure pénale permet à l’officier de police judiciaire (OPJ), ayant reçu par tout moyen une autorisation du procureur de la République ou du juge d’instruction, de procéder à la saisie d’une somme d’argent versée sur un compte bancaire. Mais il est alors prévu que « le juge des libertés et de la détention saisi par le procureur de la République, ou le juge d’instruction se prononce par ordonnance motivée sur le maintien ou la mainlevée de la saisie dans le délai de dix jours à compter de sa réalisation ». L’article 706-145 prévoyant que « nul ne peut valablement disposer des biens saisis dans le cadre d’une procédure pénale », la chambre criminelle en déduit que « la date de la notification de la décision de saisie par l’officier de police judiciaire à l’établissement tenant le compte objet de la mesure, qui entraîne l’indisponibilité immédiate de la somme d’argent versée sur le compte, constitue le point de départ du délai de dix jours prévu par l’article 706-154 du code de procédure pénale, peu important la date à laquelle la somme a été consignée » auprès de l’Agence de gestion et de recouvrement des avoirs saisis et confisqués (AGRASC). Cet arrêt apporte ainsi une précision importante sur le point de départ du délai de dix jours prévu par l’article 706-154 du code de procédure pénale.

Les saisies pénales spéciales, prévues par les articles 706-141 et suivants du code de procédure pénale, ont pour objectif de garantir l’exécution de la peine complémentaire de confiscation (C. pr. pén., art. 706-141). Elles n’ont ainsi pas un objectif probatoire et, en raison de l’atteinte au droit de propriété causé par de telles saisies, elles doivent en principe être autorisées par le juge des libertés et de la détention ou le juge d’instruction. Les saisies de droits mobiliers incorporels n’y échappent pas : en vertu de l’article 706-153, de telles saisies doivent être préalablement autorisées par une ordonnance motivée du juge. Il y a cependant une exception, qui est celle des saisies de sommes d’argent. Dans la mesure où les sommes d’argent peuvent, en quelques secondes, être transférées à l’étranger, le législateur a estimé nécessaire de pouvoir opérer une saisie sans attendre. C’est la raison pour laquelle l’article 706-154 permet à l’officier de police judiciaire, sur une simple autorisation donnée par tout moyen par le procureur de la République ou le juge d’instruction, de saisir une somme d’argent versée sur un compte ouvert auprès d’un établissement habilité à tenir des comptes de dépôts. Mais parce qu’un tel acte constitue une atteinte importante au droit de propriété, l’intéressé perdant la libre disposition de ces sommes par l’effet de la saisie, le juge des libertés et de la détention ou le juge d’instruction doit se prononcer sur son maintien ou sa mainlevée dans les dix jours.

La chambre criminelle a alors précisé, dans l’arrêt commenté, le point de départ. En l’espèce, la saisie a été opérée par l’officier de police judiciaire le 8 février 2019. Les sommes ont été transférées sur le compte de l’AGRASC le 11 février 2019 et le juge d’instruction a maintenu la saisie par une ordonnance du 21 février 2019. La chambre de l’instruction avait estimé que le délai de dix jours avait été respecté, parce qu’elle a estimé que le point de départ était la date de transfert des sommes saisies à l’Agence. La chambre criminelle s’est opposée à une telle interprétation de l’article 706-154, en affirmant que le point de départ était le jour de la décision de saisie par l’officier de police judiciaire.

Cette position doit être approuvée : en effet, comme l’a affirmé la chambre criminelle dans l’arrêt commenté, l’article 706-145 du code de procédure pénale prévoit que « nul ne peut valablement disposer des biens saisis dans le cadre d’une procédure pénale ». Ainsi, le détenteur de ces sommes en perd la libre disposition dès lors que la décision de saisie est prise par l’officier de police judiciaire. C’est à partir de ce moment-là que l’intéressé subit une atteinte à son droit de propriété et c’est donc à partir de ce moment-là que court le délai dans lequel le juge doit se prononcer sur le maintien ou la mainlevée de la saisie. La chambre criminelle précise alors la conséquence de l’expiration de ce délai : l’autorisation donnée par le procureur de la République ou le juge d’instruction cesse de produire ses effets. La Cour de cassation avait déjà eu l’occasion d’affirmer cette conséquence tenant à l’expiration du délai (Crim. 7 juin 2017, n° 16-86.898, Dalloz actualité, 4 juill. 2017, obs. S. Fucini) : dans cette espèce, une chambre de l’instruction avait estimé que le dépassement du délai, qui n’était pas contesté, n’était pas prévu à peine de nullité et ne causait aucun préjudice à l’intéressé. La Cour de cassation avait alors affirmé, comme dans le présent arrêt, que l’autorisation donnée cessait de produire effet à l’expiration du délai. Et, désormais, elle a précisé que ce délai commençait à courir au jour de la saisie.