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Le droit en débats

Avant-projet de réforme du droit des contrats spéciaux : vente - vices cachés

Alors que le ministère de la Justice rend public un avant-projet de réforme du droit des contrats spéciaux qui sera officiellement soumis à consultation publique en juillet 2022, Dalloz actualité vous propose, sous la direction des professeurs Gaël Chantepie et Mathias Latina, de participer pleinement à cette réflexion au travers d’une série de commentaires critiques de cet important projet de réforme qui complète la réforme majeure du droit des obligations de 2016. Focus sur la garantie des vices de la chose vendue.

Par Olivia Robin-Sabard le 11 Juillet 2022

La garantie des vices de la chose vendue, qui vient se substituer à l’actuelle garantie des défauts de la chose, revêt un contenu plus large que celle-ci. Alors que seule la garantie contre les vices cachés est visée aux articles 1641 à 1649 du code civil, la garantie contre les vices telle qu’imaginée dans l’avant-projet de réforme du droit des contrats spéciaux s’étend aux défauts de conformité. Plus généralement, le texte proposé vient renforcer les droits de l’acquéreur tout en améliorant la situation du vendeur, en particulier du vendeur professionnel. Il s’écarte aussi de certaines solutions jurisprudentielles (date d’appréciation de l’antériorité du défaut, délai butoir, force de la présomption de connaissance du vice du vendeur professionnel, concours d’actions).

Textes de l’avant-projet

Art. 1641 : Le vendeur est tenu de garantir l’acheteur des vices du bien qui existent lors de la délivrance.

Le bien vendu est vicié lorsqu’il est impropre à l’usage habituellement attendu d’un bien semblable ou n’est pas conforme aux spécifications du contrat.

En cas de vente d’un bien d’occasion, le bien doit être délivré dans l’état où il se trouvait au moment de la conclusion de la vente.

Art. 1642 : Le vendeur est tenu des vices du bien vendu quand même il ne les aurait pas connus, à moins que, dans ce cas, il n’ait stipulé qu’il ne sera obligé à aucune garantie.

Le vendeur professionnel est présumé, jusqu’à preuve du contraire, connaître ces vices.

Art. 1643 : L’acceptation sans réserve du bien vendu, lors de sa remise à l’acheteur, interdit à celui-ci de se prévaloir des vices apparents.

Les réserves doivent être écrites, motivées et contradictoires. Si elles n’ont pas pu être établies contradictoirement, l’acheteur doit les notifier au vendeur dans un délai de cinq jours ouvrés à compter de la remise du bien.

Art. 1643-1 : N’est pas apparent un vice qu’un acheteur normalement diligent ne peut pas déceler au premier examen. À cet égard, il est tenu compte de la qualité de profane ou de professionnel de l’acheteur.

L’acheteur professionnel est présumé, jusqu’à preuve contraire, avoir pu déceler le vice.

Le vice peut être apparent dans son principe et demeurer caché à raison de son ampleur ou de ses conséquences.

Art. 1643-2 : Est professionnel tout vendeur ou tout acheteur qui se livre de manière habituelle à des ventes ou à des achats de biens semblables à celui qui est vendu.

Est assimilé à un vendeur ou un acheteur professionnel toute personne possédant les compétences techniques nécessaires à la connaissance du vice invoqué.

Art. 1644 : Conformément aux articles 1217 et suivants du présent code, quand le vendeur est tenu à garantie, l’acheteur a le choix de rendre le bien et de se faire restituer le prix ou de garder le bien et de se faire rendre une partie du prix ou de demander la mise en conformité du bien.

Ce choix n’a pas à être justifié auprès du vendeur.

Le vendeur ne peut pas imposer à l’acheteur de procéder à la mise en conformité.

Art. 1645 : Si le vendeur connaissait les vices affectant le bien, il est tenu en outre d’indemniser l’acheteur pour le dommage subi, conformément aux articles 1231 et suivants.

Arts. 1646 et 1647 : Réservés.

Art. 1648 : L’action résultant des vices se prescrit par deux ans.

Ce délai commence à courir à compter du moment où l’acheteur a découvert ou aurait dû découvrir le vice, sans que l’action puisse être exercée au-delà du délai fixé à l’article 2232.

Toute clause contraire est réputée non écrite.

Option 1648 : L’action résultant des vices se prescrit par deux ans.

Ce délai commence à courir à compter du moment où l’acheteur a découvert ou aurait dû découvrir le vice, sans que l’action puisse être exercée plus de dix ans après la délivrance.

Toute clause contraire est réputée non écrite.

Art. 1649 : La garantie des vices du bien vendu n’a pas lieu dans les ventes faites par autorité de justice.

Art. 1650 : Le cas échéant, l’existence d’un vice ne fait pas obstacle au droit de l’acheteur d’agir en nullité du contrat pour vice du consentement.

Analyse

Les articles 1641 à 1650 apportent des précisions quant au domaine d’application de la garantie des vices, à ses conditions de fond, à ses conditions de mise en œuvre, à ses effets et enfin, à ses possibles aménagements contractuels.

Domaine d’application de la garantie des vices quant aux ventes (art. 1649)

L’avant-projet de réforme reconduit l’exclusion déjà prévue à l’article 1649 du code civil à propos des ventes faites par autorité de justice. Le propriétaire se voyant imposer la vente de son bien ne saurait être au surplus tenu de la garantie des vices.

L’absence de garantie des vices dans les ventes aléatoires n’est, en revanche, pas mentionnée. Il n’est pas non plus précisé que certaines ventes sont soumises à un régime spécial de garantie des vices, telles que les ventes d’animaux. Les ventes d’immeubles à construire qui sont elles aussi assujetties à un régime particulier ne font plus l’objet de dispositions spécifiques dans le nouveau texte. Cela signifie-t-il qu’elles seraient soumises au régime de droit commun ou leurs règles seront-elles énoncées aux articles 1646 et 1647 qui ont été réservés ?

Conditions de fond de la garantie des vices (arts. 1641 et 1643 à 1643-2)

L’avant-projet de réforme subordonne la garantie des vices à plusieurs conditions tenant à la nature du vice, à son caractère non apparent, ainsi qu’à sa date.

D’une part, la garantie des vices jouerait, que le bien vendu soit impropre à l’usage habituellement attendu d’un bien semblable ou qu’il ne soit pas conforme aux spécifications du contrat. Ainsi, l’avant-projet se détache sur ce point très notablement du droit positif, marqué par la distinction qui est faite entre défaut de conformité et vice caché (Civ. 1re, 8 déc. 1993, n° 91-19.627, D. 1994. 212 ; ibid. 115, chron. A. Bénabent ; ibid. 239, obs. O. Tournafond  ; Com. 31 mai 1994, n° 91-18.546, RTD com. 1994. 770, obs. B. Bouloc ). Si l’avant-projet de réforme était adopté, la conception fonctionnelle du défaut jusqu’alors retenue pour l’application de la garantie des vices cachés serait abandonnée et les mêmes règles juridiques auraient dès lors vocation à s’appliquer à toutes sortes de défauts. La fusion entre défaut de conformité et vice caché aurait pour grand avantage de mettre fin aux difficultés pratiques qui peuvent parfois exister à séparer les deux. La garantie des vices cachés a parfois été écartée au profit de la non-conformité dans des cas de mauvais état ou de mauvais fonctionnement de la chose (tel que l’absence de raccordement d’une maison d’habitation au réseau public d’assainissement). Cet élargissement permettrait, en outre, d’effacer la différence qui existe à cet égard entre le droit commun de la vente et le droit de la consommation et d’adopter identiquement une conception moniste du défaut. Elle aurait, enfin, pour conséquence d’abandonner la règle selon laquelle le juge saisi d’une demande reposant sur l’existence d’un vice caché n’a pas à rechercher d’office si cette action peut être fondée sur un manquement du vendeur à son obligation de délivrance, et inversement (Cass., ass. plén., 21 déc. 2007, n° 06-11.343, Dalloz actualité, 14 janv. 2008, obs. L. Dargent ; D. 2008. 228, obs. L. Dargent ; ibid. 1102, chron. O. Deshayes ; RDI 2008. 102, obs. P. Malinvaud ; RTD civ. 2008. 317, obs. P.-Y. Gautier ). Les conséquences procédurales d’une telle solution sont, en effet, sévères pour l’acheteur.

À noter que l’avant-projet de réforme évoque seulement le vice qui rend impropre la chose à son usage et ne fait plus état du vice qui diminue tellement cet usage, que l’acheteur ne l’aurait pas acquise, ou n’en aurait donné qu’un moindre prix, s’il l’avait connu. Doit-on en déduire que seul le vice rédhibitoire ouvrirait l’action en garantie ? La solution serait préjudiciable à l’acheteur qui a toujours été autorisé à se prévaloir d’un défaut, qui même sans empêcher l’usage de la chose, est de nature à l’affecter gravement.

D’autre part, le vice ne doit pas être apparent ; il doit être traditionnellement caché. La garantie des vices se trouve exclue pour les vices apparents, car il appartient à l’acheteur qui les découvre au moment de la remise du bien soit de les accepter purement et simplement, soit d’émettre des réserves. L’avant-projet de réforme pose d’ailleurs quelques exigences à propos de ces réserves, celles-ci doivent être écrites, motivées et contradictoires. Le texte ne précise pas la sanction du non-respect de ces conditions mais l’on peut penser que de telles réserves ne seraient pas opposables au vendeur. Il apporte, en revanche, des précisions utiles quant à la caractérisation d’un vice apparent, les solutions étant jusqu’alors jurisprudentielles. Le caractère apparent ou caché du vice est apprécié par rapport au comportement d’un acheteur normalement diligent. La qualité de profane ou de professionnel est nécessairement prise en compte comme aujourd’hui. L’avant-projet consacre ainsi la présomption simple de connaissance du vice qui pèse actuellement sur l’acheteur professionnel. Dès lors, si celui-ci arrive à démontrer que le vice était indécelable, le vendeur devra sa garantie. Se trouve aussi consacrée la règle jurisprudentielle selon laquelle le caractère non apparent peut résulter de l’ampleur ou des conséquences du vice. Ainsi, lorsque l’acheteur ne pouvait pas mesurer la gravité d’un vice apparent, l’avant-projet semble dire qu’un tel vice est malgré tout couvert par la garantie. Le texte a, en revanche, omis d’évoquer l’hypothèse dans laquelle l’acheteur aurait été informé de l’existence du défaut, auquel cas la garantie ne doit pas lui être due.

Enfin, les vices ne sont pas couverts par la garantie lorsqu’ils ne sont pas antérieurs à la délivrance. Même si le texte ne le précise pas, il est indifférent que ces vices se soient révélés ultérieurement. Ainsi, le moment retenu pour apprécier la condition d’antériorité est différent du droit positif. Actuellement, le vice doit être antérieur au transfert des risques, c’est-à-dire, dans la plupart des cas, au transfert de propriété. Cette solution est plus opportune que celle proposée, car elle est une conséquence logique de la théorie des risques et de la règle res perit domino. Une fois le transfert des risques intervenu, le vendeur ne saurait être tenu de répondre des vices de la chose, puisqu’il n’a plus la maîtrise de celle-ci.

Pour terminer, l’absence de connaissance du vice par le vendeur est indifférente. Celui-ci doit sa garantie même s’il est de bonne foi. Il ne peut pas invoquer l’ignorance dans laquelle lui-même était, lors de la vente, du défaut affectant la chose pour échapper à son obligation de garantie. La solution n’est pas nouvelle sur ce point.

L’avant-projet apporte, enfin, des éclaircissements utiles quant à la qualification de professionnel. Est un professionnel tout vendeur ou tout acheteur qui se livre de manière habituelle à des ventes ou à des achats de biens semblables à celui qui est vendu mais aussi celui possédant les compétences techniques nécessaires à la connaissance du vice invoqué. La définition large qui est retenue est satisfaisante, car elle permet de s’assurer que le contractant avait bien la capacité, soit par sa profession, soit par ses compétences, de déceler le vice de la chose.

Conditions de mise en œuvre de l’action en garantie (art. 1648 et 1650)

Ces conditions sont doubles : elles tiennent à la fois aux délais (délai pour agir et délai de la garantie) et au concours d’actions.

Délais d’action et de garantie (art. 1648). L’avant-projet confirme le délai biennal de l’action en garantie et son point de départ résidant dans la découverte du vice. Aucune qualification ne lui est donnée explicitement – délai de prescription ou délai de forclusion – alors qu’une controverse jurisprudentielle règne à ce sujet.

Par ailleurs, les rédacteurs ont manifestement hésité sur le délai butoir de garantie en prévoyant deux options : vingt ans à compter du jour de la naissance du droit ou dix ans après la délivrance. Il est certain en tout cas qu’ils ne veulent pas utiliser comme des délais butoirs les délais de prescription de l’article 2224 du code civil pour les ventes civiles et de l’article L. 110-4 du code de commerce pour les ventes commerciales. Ils s’écartent ainsi de la solution retenue par la jurisprudence lorsque le vendeur est commerçant aux termes de laquelle l’action est enfermée dans le délai de prescription de l’article L. 110-4 du code de commerce (notamment Com. 9 sept. 2020, n° 19-12.728, RTD com. 2020. 938, obs. B. Bouloc  ; Civ. 1re, 9 déc. 2020, n° 19-14.772), et ce à raison puisqu’un délai de prescription n’est pas un délai butoir. La première option choisie par l’avant-projet coïncide avec la solution retenue en matière civile en faveur d’un délai butoir de vingt ans à compter de la vente (Civ. 3e, 1er oct. 2020, n° 19-16.986, Dalloz actualité, 20 nov. 2020, obs. A. Renaux ; D. 2020. 2157 , note P.-Y. Gautier ; ibid. 2154, avis P. Brun ; ibid. 2021. 186, point de vue L. Andreu ; ibid. 310, obs. R. Boffa et M. Mekki ; 8 déc. 2021, n° 20-21.439, D. 2022. 257 , avis P. Brun ; ibid. 260, note J.-S. Borghetti ; AJDI 2022. 469 , obs. F. Cohet ; RDI 2022. 115, obs. C. Charbonneau et J.-P. Tricoire ; RTD com. 2022. 138, obs. B. Bouloc  ; 25 mai 2022, n° 21-18.218, D. 2022. 1039 ) tandis que la seconde option reprend la proposition faite dans l’offre de réforme des contrats spéciaux présentée par l’Association Henri Capitant (art. 32). La première option reçoit notre préférence dans la mesure où la réforme de la prescription a instauré un délai butoir de droit commun de vingt ans à l’article 2232 du code civil, applicable dès lors à la garantie des vices cachés. Il n’est, par conséquent, pas justifié d’appliquer le délai butoir de dix ans qui joue notamment en matière de responsabilité du fait des produits défectueux (délai qui court en la matière à compter non pas de la délivrance mais de la mise en circulation du produit), l’action en garantie des vices cachés ne s’assimilant pas à une action en responsabilité du fait des produits défectueux. À l’argument juridique, s’ajoutent plusieurs arguments d’opportunité. D’une part, l’application du délai butoir de vingt ans aurait l’avantage de soumettre à la même règle de délai les ventes civiles et commerciales, aucune raison ne justifiant que le vendeur non-commerçant soit moins bien protégé que le vendeur commerçant. D’autre part, il est très fréquent qu’un vice se révèle plus de cinq ans, voire plus de dix ans après l’achat de la chose. Mieux vaut alors privilégier le délai butoir le plus long. Cette solution aurait également pour avantage de donner toute sa portée à l’admission de l’action directe en garantie des vices cachés dans les chaînes de vente. L’existence de ventes successives induit inévitablement l’écoulement d’un certain temps entre la première vente et le moment où l’acquéreur final de la chose l’utilise et découvre le défaut, sans compter le temps nécessaire à l’acquéreur final pour identifier le fabricant, le constructeur ou le vendeur initial de la chose, et donc agir contre lui. Le choix d’un délai butoir plus long accroît les chances de succès d’une telle action directe.

On peut regretter que l’avant-projet n’apporte pas de précisions sur le point de départ du délai de vingt ans. La Cour de cassation estime, quant à elle, que le jour de la naissance du droit visé à l’article 2232 du code civil correspond à la date de conclusion du contrat (Civ. 3e, 1er oct. 2020, préc.). Une telle solution est satisfaisante puisque le droit à garantie de l’acheteur naît dès la conclusion du contrat. En outre, il est plus opportun que le délai butoir ait un point de départ qui soit fixe, et non pas glissant, contrairement à un délai de prescription afin qu’aucune incertitude n’existe quant à la date d’extinction de la garantie des vices cachés.

Concours d’actions (art. 1650). L’avant-projet admet que l’acheteur puisse choisir entre l’action en garantie des vices et l’action en nullité du contrat pour vice du consentement, ce qui constituerait une modification des règles en vigueur. Si la Cour de cassation estime que l’action en garantie des vices cachés n’est pas exclusive de l’action en nullité pour dol (Civ. 1re, 6 nov. 2002, n° 00-10.192, D. 2002. 3190, et les obs. ; RTD com. 2003. 358, obs. B. Bouloc ), elle n’autorise pas l’acheteur à agir en nullité sur le fondement de l’erreur (Civ. 1re, 14 mai 1996, n° 94-13.921, D. 1998. 305 , note F. Jault-Seseke ; ibid. 1997. 345, obs. O. Tournafond ; RTD com. 1997. 134, obs. B. Bouloc  ; Civ. 3e, 17 nov. 2004, n° 03-14.958). La différence ainsi faite entre l’erreur et le dol se justifiant difficilement, son abandon est bienvenu.

Effets de la garantie des vices (arts. 1644 et 1645)

Les sanctions encourues par le vendeur démontrent que les rédacteurs de l’avant-projet ont voulu rapprocher du droit commun les règles régissant la garantie des vices.

L’article 1644 ouvre de manière classique une option à l’acheteur entre l’action rédhibitoire (résolution de la vente) et l’action estimatoire (réduction du prix). Il lui offre également une troisième possibilité : demander la mise en conformité du bien, en d’autres termes réclamer l’exécution forcée du contrat. Cette action n’était envisageable jusqu’alors que lorsque la vente a été conclue avec un vendeur professionnel ou avec un vendeur qui connaissait le vice de la chose lors du contrat. Elle serait ainsi généralisée et permettrait à l’acheteur de solliciter la remise en état ou le remplacement de la chose défectueuse. Il est précisé que cette mise en conformité ne pourrait pas être imposée au vendeur. Une telle restriction ne s’imposait pourtant pas au regard de l’article 1221 du code civil, elle n’est pas non plus inspirée du droit de la consommation. La solution retenue par l’article L. 217-12 du code de la consommation est à cet égard préférable, celui-ci prévoit que « Le vendeur peut ne pas procéder selon le choix opéré par le consommateur si la mise en conformité sollicitée est impossible ou entraîne des coûts disproportionnés ». Elle est en adéquation avec l’article 1221 du code civil.

En outre, lorsque le vendeur est de mauvaise foi, l’acheteur est en droit de demander des dommages-intérêts. Cette action en réparation est subordonnée aux conditions de la responsabilité contractuelle de droit commun alors qu’en droit positif, la jurisprudence a souhaité la rendre autonome (Com. 19 mars 2013, n° 11-26.566, Dalloz actualité, 2 avr. 2013, obs. X. Delpech ; D. 2013. 1947, obs. X. Delpech , note A. Hontebeyrie ; RDI 2014. 112, obs. P. Malinvaud ; RTD com. 2013. 323, obs. B. Bouloc  : « Mais attendu que le vice caché, lequel se définit comme un défaut rendant la chose impropre à sa destination, ne donne pas ouverture à une action en responsabilité contractuelle mais à une garantie dont les modalités sont fixées par les articles 1641 et suivants du code civil »).

Aménagements contractuels de la garantie des vices (art. 1642)

L’article 1642 de l’avant-projet reprend la formulation actuelle de l’article 1643 du code civil. Ainsi, le vendeur pourrait exclure sa garantie lorsqu’il n’avait pas connaissance du vice, en d’autres termes lorsqu’il est de bonne foi. À cet égard, alors que la jurisprudence pose une présomption irréfragable de connaissance du vice à l’égard du vendeur professionnel (Com. 15 nov. 1971, n° 70-11.036), le texte vient alléger la force de celle-ci en la transformant en présomption simple. En conséquence, le vendeur professionnel pourrait désormais limiter ou exclure sa garantie à l’égard d’un acheteur professionnel d’une spécialité différente, ce qui ne lui est pas autorisé à l’heure actuelle. Seule la clause limitative ou exclusive de garantie consentie entre un vendeur professionnel et un acquéreur professionnel de même spécialité est valable. La solution proposée, moins sévère pour le vendeur professionnel, serait opportune.

Proposition alternative

Art. 1641 : Le vendeur est tenu de garantir l’acheteur des vices du bien qui existent au moment du transfert des risques.

Le bien vendu est vicié lorsqu’il est impropre à l’usage habituellement attendu d’un bien semblable ou lorsque le défaut diminue tellement cet usage que l’acquéreur ne l’aurait pas acquise ou n’en aurait donné qu’un moindre prix, s’il l’avait connu.

Le bien vendu est également vicié lorsqu’il n’est pas conforme aux spécifications du contrat.

Cet article énonce les conditions de fond de la garantie des vices. Il confirme la proposition de l’avant-projet de mettre fin à la distinction entre défaut de conformité et vice caché et de retenir une conception moniste du défaut. Il ajoute, en revanche, le vice qui diminue fortement l’usage de la chose qui doit continuer à donner lieu à la garantie du vendeur. En outre, il restaure la condition d’antériorité du défaut au transfert des risques, qui est le moment le plus pertinent juridiquement. Enfin, il supprime le dernier alinéa (« En cas de vente d’un bien d’occasion, le bien doit être délivré dans l’état où il se trouvait au moment de la conclusion de la vente »), car une telle règle a pour objet de préciser les modalités de l’obligation de délivrance et aurait, en conséquence, davantage sa place aux articles 1619 à 1622.

Art. 1642 : Le vendeur est tenu des vices du bien vendu même s’il n’en avait pas connaissance, à moins que, dans ce cas, il soit stipulé, dans le contrat, qu’il ne sera obligé à aucune garantie.

Le vendeur professionnel est présumé, jusqu’à preuve du contraire, connaître ces vices.

L’article 1642 est maintenu en l’état, sous réserve d’une modernisation de sa formulation. L’affaiblissement de la portée de la présomption de connaissance du vice pesant sur le vendeur professionnel est digne d’approbation.

Art. 1643 : Le vendeur ne répond pas des vices apparents ou de ceux dont l’acheteur a eu connaissance.

Est apparent un vice qu’un acheteur normalement diligent peut déceler au premier examen. À cet égard, il est tenu compte de la qualité de profane ou de professionnel de l’acheteur. L’acheteur professionnel est présumé, jusqu’à preuve contraire, avoir pu déceler le vice.

Toutefois, lorsque le vice est apparent dans son principe mais demeure caché à raison de son ampleur ou de ses conséquences, le vendeur en répond.

Sur le fond, l’exclusion des vices apparents de la garantie due par le vendeur est maintenue. Toutefois, la formulation est quelque peu modifiée pour réparer un oubli. La garantie des vices doit être également écartée lorsque l’acheteur a découvert lui-même le vice ou qu’il en a été informé.

Les exigences afférentes aux réserves que l’acheteur est susceptible de formuler en présence d’un vice apparent sont supprimées, car elles encadrent trop strictement la possibilité qu’a l’acheteur de mentionner des réserves.

Dans la rédaction proposée de l’article 1643, sont intégrées les précisions relatives à l’appréciation du caractère apparent énoncées à l’article 1643-1 de l’avant-projet. Il est de notre point de vue plus cohérent de regrouper dans une même disposition les règles qui régissent les vices apparents (caractérisation et conséquences). Sur le fond, aucune modification n’est proposée. S’agissant de la prise en compte de l’ampleur et des conséquences du vice, la formulation est quelque peu modifiée.

Art. 1643-1 : Est professionnel tout vendeur ou tout acheteur qui se livre de manière habituelle à des ventes ou à des achats de biens semblables à celui qui est vendu.

Est assimilé à un vendeur ou un acheteur professionnel toute personne possédant les compétences techniques nécessaires à la connaissance du vice invoqué.

Si ce n’est que les précisions apportées sur la qualité de professionnel sont avancées à l’article 1643-1, elles sont conservées telles quelles.

Art. 1644 : Quand le vendeur est tenu à garantie, l’acheteur peut provoquer la résolution du contrat, obtenir la réduction du prix ou exiger du vendeur la mise en conformité du bien, dans les conditions prévues par les articles 1217 et suivants.

L’exercice de ce choix n’a pas à être justifié auprès du vendeur.

L’acheteur peut également demander réparation du dommage subi si le vendeur connaissait le vice affectant le bien.

La possibilité pour l’acheteur de demander au vendeur la mise en conformité du bien plutôt que la résolution de la vente ou la réduction du prix est reprise. En revanche, contrairement à ce que prévoit l’avant-projet, l’acheteur pourrait également imposer la mise en conformité du bien dans les conditions et limites prévues par le droit commun des contrats.

Le principe d’une action indemnitaire ouverte à l’acheteur lorsque le vendeur est de mauvaise foi est, par ailleurs, confirmé.

Arts. 1645 et 1646 : Réservés.

Art. 1647 : L’action résultant des vices se prescrit par deux ans. Ce délai commence à courir à compter du moment où l’acheteur a découvert ou aurait dû découvrir le vice, sans que l’action puisse être exercée au-delà du délai fixé à l’article 2232 qui court à compter de la conclusion de la vente. Toute clause contraire est réputée non écrite.

Le délai biennal dans lequel l’acheteur doit agir en garantie contre le vendeur est repris, ainsi que son point de départ. Le délai butoir dans lequel est également enfermée l’action doit être celui de l’article 2232 du code civil qui prévoit un délai de vingt ans à compter de la naissance du droit. Le point de départ de ce délai doit être également énoncé, il réside dans la conclusion du contrat de vente.

Art. 1648 : La garantie des vices du bien vendu n’a pas lieu dans les ventes faites par autorité de justice et dans les ventes aléatoires.

Les ventes d’animaux font l’objet de dispositions spéciales énoncées dans le code rural aux articles L. 213-1 et suivants.

L’exclusion de la garantie des vices cachés dans les ventes aléatoires est ajoutée, de même que le renvoi au régime spécial de garantie auquel sont soumises les ventes d’animaux.

Art. 1649 : Le cas échéant, l’existence d’un vice ne fait pas obstacle au droit de l’acheteur d’agir en nullité du contrat pour vice du consentement.

L’admission d’une option entre action en garantie des vices cachés et action en nullité pour erreur est confortée.