En effet, il soutenait d’une part, que sa cellule était insalubre et régulièrement infestée par des nuisibles (cafard, puces et punaises de lit) et d’autre part, que les espaces publics (parloirs, cours de promenade, salles d’attente) étaient contraires à la dignité humaine. Il précisait aussi qu’il n’y avait pas d’activités suffisantes en détention.
Le juge de l’application des peines jugea la requête recevable et sollicita des explications de l’administration pénitentiaire. Malgré les dénégations de cette dernières et les réquisitions de rejet de la requête par le parquet, le juge de l’application des peines, après avoir entendu le prisonnier et s’être rendu lui-même à l’établissement pénitentiaire, jugea la requête bien fondée et fixa à l’administration pénitentiaire un délai de quinze jours pour faire cesser l’indignité des conditions de détention. À noter que le prisonnier se plaignait de faire l’objet de pression et de mesures de rétorsion par l’administration pénitentiaire depuis qu’il avait introduit la requête. Le magistrat éluda de répondre à ce grief et de faite toute investigation possible.
Toutefois, quelques jours après la notification de cette décision, une ordonnance de la cour d’appel de Paris vint réformer cette première décision, un appel suspensif ayant été formé par le parquet. La cour d’appel estima que le prisonnier ne démontrait pas en quoi il souffrait personnellement des « prétendues conditions de détention indignes » mais surtout « il n’apparait pas que les lacunes relevées ou la fréquentation ponctuelle de secteurs carcéraux perfectibles ou en cours de réhabilitation atteignent un seuil de gravité tel qu’il puisse être considéré que les conditions de détention actuelles soient contraires à la dignité de la personne humaine. »
Ces deux décisions à quelques jours d’intervalles montrent bien toute l’ineffectivité de cette nouvelle procédure de l’article 800-3 du code de procédure pénale créée suite à l’arrêt J.M.B. c/ France du 30 janvier 2020 (CEDH 30 janv. 2020, n° 9671/15, Dalloz actualité, 6 févr. 2020, obs. É. Senna ;Â AJDA 2020. 263 ; ibid. 1064 , note H. Avvenire ; D. 2020. 753, et les obs. , note J.-F. Renucci ; ibid. 1195, obs. J.-P. Céré, J. Falxa et M. Herzog-Evans ; ibid. 1643, obs. J. Pradel ; ibid. 2021. 432, chron. M. Afroukh et J.-P. Marguénaud ; JA 2020, n° 614, p. 11, obs. T. Giraud ; AJ pénal 2020. 122, étude J.-P. Céré ).
En effet, d’une part, la procédure en tant que telle (recevabilité, observations des parties, ordonnance de bien-fondé) mais aussi la place laissée à l’administration pénitentiaire pour apporter des explications quant aux violations alléguées, font que cette nouvelle procédure est proprement ineffective. Toute allégation de violation de l’article 3 de la Convention européenne des droits de l’homme impose une réponse rapide. C’est d’ailleurs en ce sens que le référé liberté, prévu par le code de justice administrative, prévoit une audience dans le 48 heures de sa saisine. Dans le cadre de la procédure de l’article 800-3 du code de procédure pénale, entre l’introduction de la requête et les mesures ordonnées pour assurer des conditions de détention digne, il peut s’écouler plus d’un mois, ce qui laisse – et ce fut le cas en l’espèce – à l’administration pénitentiaire de corriger des atteintes flagrantes. En effet, dans cette procédure, l’administration pénitentiaire a fait repeindre la cellule du requérant dans les deux jours suivant la saisine du juge de l’application des peines.
D’autre part, cette procédure est attentatoire au respect du contradictoire : en effet, en première instance, le prisonnier n’était pas assisté de son conseil lors de son audition devant le juge de l’application des peines, alors que le parquet et l’administration étaient présents, (ce qui a eu pour conséquence, qu’impressionné, il s’est désisté de plusieurs de ses griefs) et aussi, l’absence d’avis donné au prisonnier de que le parquet a formé un appel suspensif l’a empêché de pouvoir se défendre devant la cour d’appel.
Si on peut se satisfaire de ce que le juge de l’application des peines se soit rendu en détention pour constater de lui-même les violations alléguées, en revanche, le fait qu’il ne soit pas le juge naturel des conditions de détention fait qu’il méconnaît les critères de l’article 3 de la Convention européenne et des jurisprudences administratives en la matière.
Il ne saurait être argué d’une possibilité de former un pourvoi en cassation contre cette décision, car il est fort à parier qu’avant l’examen du pourvoi, le prisonnier ne soit transféré ou libéré, ce qui rendait son pourvoi sans objet.
Ainsi, ces deux décisions sont l’illustration de cette nouvelle procédure une mascarade. Il est souhaitable que la Cour européenne des droits de l’homme mette fin par une nouvelle condamnation de la France quant aux conditions de détention dans ses prisons, ce recours étant totalement ineffectif.