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Le droit en débats

Indispensable avocat

En ces temps troublés où l’État de droit est remis en question parce qu’il serait attentatoire à la souveraineté nationale, où les exclus sont de plus en plus nombreux, on se dit qu’il est temps d’appeler un avocat.

Par Julie Couturier et Vincent Nioré le 20 Novembre 2020

Rien ne justifie que l’état d’urgence, fut-il qualifié de « sanitaire », engendre un état de sidération et de passivité de l’opinion publique par la remise en cause des droits acquis que sont la liberté d’expression et la liberté de manifestation.

Les avocats seront toujours audibles comme défenseurs et vigies des libertés.

Rien n’est plus urgent que de remettre l’avocat au cœur de la cité.

Il y a des professionnels qu’on vient voir quand il fait beau temps (les agences de voyages, les décorateurs, les concessionnaires automobiles, les bijoutiers, les modistes, etc.) et d’autres qui sont là pour les heures d’intempéries (les médecins, les urgentistes, les premières lignes, etc.). L’avocat est de ceux-là. C’est même celui qu’on appelle quand tout va mal, quand on ne s’en sort plus tout seul et qu’on veut pouvoir se confier à quelqu’un qui sait, qui saura écouter, conseiller, rassurer, protéger, défendre.

Il est temps que la République, après les médecins, vienne consulter ses avocats. Ils l’aideront à retrouver la boussole de l’État de droit et le lien avec les exclus, les oubliés et les incompris.

1. L’État de droit tout d’abord. Il n’a pas été conçu et posé pour garantir les droits de chacun quand tout va bien, alors que règnent la prospérité et la paix, mais pour les temps de tempêtes, lorsque la tentation est grande de prendre des mesures exceptionnelles. C’est à ce moment-là qu’on éprouve la solidité d’une Constitution ou d’un traité international de « sauvegarde des droits de l’homme ». C’est alors qu’on se convainc que ce n’est pas qu’un gadget pour faire beau, mais une vraie garantie, sans laquelle il n’y a pas de démocratie.

Le citoyen concède à ses élus, dans une démocratie indirecte, comme le sont tous les systèmes depuis Athènes, et à l’exception de certains cantons suisses, le pouvoir de dire la loi. Mais ce pouvoir ne leur est donné qu’un temps et dans les limites qu’impose le respect de la règle du jeu suprême qu’est la Constitution et des principes supérieurs que sont les droits de l’homme. On n‘a jamais trouvé mieux pour éviter qu’un pouvoir régulièrement élu ne s’installe à vie et que l’on ne sombre dans la dictature et l’arbitraire.

Et pour faire garantir l’application de cette règle fondamentale, il n’y a pas d’autre système que de pouvoir saisir un juge (une « cour suprême », nécessairement) lorsqu’on estime qu’elle n’est pas respectée. C’est ça l’État de droit. Une garantie pour les citoyens que leurs élus ne vont pas outrepasser ce pour quoi on leur a délégué le pouvoir de faire la loi.

Churchill fit, un jour de l’automne 1940, visiter la Chambre des communes à un hôte étranger qui l’encourageait à faire la paix avec Hitler. Il lui dit : « C’est cette petite pièce qui fait toute la différence entre nous et l’Allemagne. C’est grâce à elle que nous finirons, même péniblement, par l’emporter et c’est parce qu’elle n’en a pas que l’Allemagne, avec toute sa brillante efficacité, s’achemine vers le désastre final. Cette petite pièce, c’est le sanctuaire des libertés du monde ! » Et de fait, il dut régulièrement aller faire voter la confiance de ceux qui se réunissaient dans « cette petite pièce » dans sa politique de résistance à l’ogre nazi. Lui n’a jamais perdu la boussole de l’État de droit, alors que la tempête était une des plus fortes qu’on ait connues. Il serait heureux qu’il continue d’inspirer les chefs des démocraties d’aujourd’hui.

Et pour faire respecter l’État de droit, il n’y a pas mieux que les avocats. Eux n’ignorent rien de la hiérarchie des normes. Ils savent raison garder dans le conflit. Ils connaissent la défaite, mais aussi les voies de recours lorsqu’on perd au début, mais pas forcément à la fin. Ils mesurent l’équilibre des droits et intérêts en présence. L’avocat est lucide et clairvoyant lorsqu’il est question de droit. C’est son métier.

2. L’avocat est surtout celui qui permet au citoyen d’accéder au droit, et cet accès au droit pour tous est la seule garantie de la paix civile. C’est la deuxième raison qui devrait inviter les pouvoirs publics à le consulter. Oui, l’avocat est l’intermédiaire entre la justice et celui qui y a recours. C’est lui qui explique, qui tempère, qui organise. C’est un rouage indispensable de la citoyenneté si chère à nos gouvernants.

« Je veux voir un avocat ! » réclame celui qu’on accuse, celui qui s’estime injustement traité, comme celui à qui on a causé préjudice.

Henri Leclerc dit de l’acception judiciaire de notre maxime républicaine que, si le procureur assure l’égalité entre les citoyens et le juge leur garantit la liberté, c’est l’avocat qui est dépositaire de la fraternité. Et c’est de fraternité dont nos temps bouleversés ont le plus besoin. Celle que réclament les exclus, les réfugiés, les laissés pour compte, les miséreux.

Ce sont d’ailleurs les avocats qui, dans notre histoire républicaine, ont su se faire les interprètes des aspirations du peuple, qui ont conduit les révolutions, puis ont posé les règles et installé la démocratie. Il ne faut pas l’oublier, comme il ne faut pas oublier comment, en 1948, au sortir des horreurs de la Deuxième Guerre mondiale, on a estimé indispensable de rappeler, dans le préambule de la Déclaration universelle des droits de l’homme « que la méconnaissance et le mépris des droits de l’homme ont conduit à des actes de barbarie qui révoltent la conscience de l’humanité ; que l’avènement d’un monde où les êtres humains seront libres de parler et de croire, libérés de la terreur et de la misère, a été proclamé comme la plus haute aspiration de l’homme ; qu’il est essentiel que les droits de l’homme soient protégés par un régime de droit pour que l’homme ne soit pas contraint, en suprême recours, à la révolte contre la tyrannie et l’oppression ».

Indispensable avocat !

Force à l’avocat !