Solution de principe ou d’opportunité ? - Interrogée sur la prescription applicable à l’action d’un salarié fondée sur le manquement d’un employeur à son obligation d’affilier son personnel à un régime de prévoyance complémentaire et de régler les cotisations afférentes, la Cour de cassation, juge, au visa de l’article 2224 du code civil, que doit s’appliquer la prescription de droit commun de cinq ans (Soc. 26 juin 2024, n° 22-17.240). En l’espèce, elle infirme la cour d’appel qui avait fait application de la prescription de deux ans portant sur l’exécution du contrat de travail telle que prévue à l’article L. 1471-1 du code du travail.
Une telle solution n’allait pas de soi, surtout quand on la met en parallèle avec d’autres jurisprudences rendues par la Haute juridiction notamment en matière d’épargne salariale, d’AGS et en matière de compétence prud’hommale. Le peu de motivations de l’arrêt entraîne de nombreux questionnements, dont celui de sa portée : solution de principe ou d’opportunité ?
La prescription extinctive, mode d’extinction d’un droit résultant de l’inaction de son titulaire pendant un certain laps de temps repose sur un souci légitime de droit à l’oubli et de sécurité juridique. Mais la brièveté du délai est susceptible de porter atteinte au droit d’agir en justice. C’est en brandissant de tels impératifs que le législateur a modifié les règles de prescription en droit du travail en raccourcissant les délais aux articles L. 1471-1 et L. 3245-1 du code du travail (Loi n° 2013-504 du 14 juin 2013, art. 21 ; B. Gauriau, La diminution des délais de prescriptions, Dr. soc. 2013. 833 ). La sécurité juridique recherchée, ayant été principalement offerte aux employeurs, des résistances ont pu apparaître en jurisprudence, notamment en étendant la prescription triennale des salaires ou en jouant sur le point de départ de la prescription. C’est dire si le domaine visé par l’alinéa 1 de l’article L. 1471-1 du code du travail est le théâtre de multiples interprétations (Y. Pagnerre, Le secours de l’exégèse : le domaine de l’article L. 1471-1 du code du travail, Cah. soc. févr. 2016, n° 117w3, p. 99).
Données de l’espèce - En l’espèce, un salarié a été placé en invalidité 1re catégorie, à partir du 1er janvier 2014, et a perçu une pension d’invalidité versée par la sécurité sociale. En arrêt de travail pour maladie à compter du 2 février 2017, il a sollicité, le 30 juin 2017, le versement d’une rente invalidité auprès d’un organisme de prévoyance complémentaire, qui lui a opposé un refus de garantie au motif que la souscription au contrat d’assurance prévoyance et invalidité par l’employeur, intervenue le 5 mai 2014, était postérieure à la date du placement en invalidité. Le 1er janvier 2018, le salarié a été placé en invalidité catégorie 2. C’est alors qu’il a saisi, le 15 janvier, la juridiction prud’homale afin de solliciter notamment l’indemnisation de son préjudice résultant de l’absence de perception de l’indemnité de prévoyance.
Un débat s’est alors ouvert concernant la prescription de l’action du salarié pour obtenir le versement de sa rente conventionnelle d’invalidité. Premièrement, faut-il retenir la prescription de deux ans, applicable à l’action portant sur l’exécution du contrat de travail, ou celle de cinq ans, en application du droit commun couvrant toutes les actions personnelles ou mobilières ?
Deuxièmement, quel point de départ de la prescription faut-il retenir ? Condamné en appel à compenser l’absence de versement de rente conventionnelle d’invalidité, subi en raison de sa négligence, l’employeur a formé un pourvoi en cassation en critiquant, non pas l’application retenue de l’article L. 1471-1 du code du travail par la cour d’appel, mais la fixation du point de départ de la prescription.
Alors même que la question ne lui était donc pas posée, la Cour de cassation juge que « le moyen, qui invoque la violation d’un texte inapplicable à l’espèce, n’est donc pas fondé » (1) et affirme, qu’en application de l’article 2224 du code civil, « l’action du salarié fondée sur le manquement de l’employeur à son obligation d’affilier son personnel à un régime de prévoyance complémentaire et de régler les cotisations qui en découle est soumise à la prescription de droit commun» (2). Au sujet de la motivation de la Cour de cassation, deux oublis surprennent. D’abord, le principe selon lequel « la détermination du délai de prescription dépend de la nature de la créance objet de la demande » (Soc. 30 juin 2021, n° 18-23.932, n° 19-10.161, n° 19-14.543, n° 20-12.960 et n° 19-16.655, Dalloz actualité, 20 juill. 2021, obs. C. Couëdel ; D. 2021. 1293 ; ibid. 1490, chron. S. Ala et M.-P. Lanoue
; ibid. 2022. 132, obs. S. Vernac et Y. Ferkane
; Dr. soc. 2021. 853, obs. C. Radé
; RDT 2021. 721, obs. G. Pignarre
; Cass., ch. mixte, 26 mai 2006, n° 03-16.800, Dalloz actualité, 5 juin 2006, obs. X. Delpech ; D. 2006. 1793, note R. Wintgen
; RTD civ. 2006. 558, obs. J. Mestre et B. Fages
; ibid. 829, obs. R. Perrot
). Ensuite, la Cour de cassation fait fi de la procédure de substitution de motif de pur droit à un motif erroné pour rejeter le pourvoi, sans inviter au préalable les parties à présenter leurs observations, comme l’exige le principe du contradictoire (C. pr. civ., art. 16 et 1015 ; CEDH, art. 6, § 1).
Exclusion de la prescription liée à l’exécution du contrat de travail
Parallèle avec la compétence juridictionnelle - Aux termes de l’article L. 1471-1 du code du travail, « toute action portant sur l’exécution […] se prescrit par deux ans à compter du jour où celui qui l’exerce a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant d’exercer son droit ». Pour la Cour d’appel de Versailles (Versailles, 16 févr. 2022, n° 19/03480), « la prescription applicable à la date de la saisine du conseil de prud’hommes par M. Y. le 15 janvier 2018 était la prescription biennale à compter du jour où le titulaire du droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer ».
Même si les développements de l’arrêt d’appel sont peu fournis, il est intéressant de relever qu’en cours de procédure, s’était posée la question du tribunal compétent (C. trav., art. L. 1411-1). Pour retenir la compétence du conseil de prud’hommes, la cour d’appel juge que le litige s’est élevé à l’occasion du contrat de travail entre un employeur et un salarié : le « non-versement d’une rente d’invalidité prévue par la convention collective résultant du comportement fautif de son employeur et le présent litige a trait à la reconnaissance des manquements fautifs de l’employeur résultant du non-respect des dispositions de la convention collective applicable ». Ce même argument justifie l’application de la prescription relative à l’exécution du contrat de travail : « En retenant une interprétation a rubrica, la place de l’article L. 1471-1 du code du travail au sein du livre IV relatif au conseil de prud’hommes semble lier la prescription biennale à la compétence du conseil de prud’hommes » (Y. Pagnerre, art. préc.). Ainsi, il a été proposé, en doctrine, de « défendre l’idée que la compétence du juge prud’homal pour toute action individuelle ayant même un fondement collectif doit inclure l’action en justice dans le champ de l’article L. 1471-1 du code du travail » (ibid.). Or le conseil de prud’hommes est compétent pour toute action portant sur un manquement relatif à un régime de protection sociale d’entreprise, nonobstant la souscription d’un contrat d’assurance (Soc. 19 janv. 1999, n° 96-44.688 P ; Civ. 2e, 2 févr. 2017, n° 16-10.970). Ce n’est que lorsque l’employeur a rempli toutes ses obligations, que le contentieux relatif à l’inexécution du contrat d’assurance ne relève pas de la juridiction prud’homale mais de celle du tribunal judiciaire (Lyon, 31 janv. 2013, n° 11/08712 ; X. Aumeran, Contrat de prévoyance et compétence du juge prud’homal en cas de conflit entre le salarié et l’assureur, Bulletin des arrêts de la Cour d’appel de Lyon).
Au demeurant, il importe peu que la source de l’obligation soit un accord collectif. C’est la raison pour laquelle, la Cour d’appel de Paris, en matière de non-respect par l’employeur des dispositions d’une convention collective, a retenu la prescription biennale (Paris, 16 juin 2021, n° 20/01373).
Retenir la prescription de deux ans se justifie car l’obligation de l’employeur découle de l’application de la convention collective de branche ce qui est directement en lien avec l’exécution du contrat de travail. En matière de protection sociale complémentaire, par la souscription d’un contrat de prévoyance conforme aux stipulations de la convention collective, l’employeur remplit ses obligations au regard du droit du travail. Ce n’est que l’opération de garantie des risques qui est assumée par l’assureur et non par l’entreprise. En tout état de cause, cette situation impose une identité des garanties prévues par la norme collective et par le contrat d’assurance (J. Barthélémy, Protection sociale complémentaire : de la conception institutionnelle à la conception assurantielle, JCP S 2006. 1810). En cas de discordance, il appartient à l’employeur de couvrir les prestations non assurées par le contrat de prévoyance (Soc. 19 juin 1990, n° 87-43.560 P).
Parallèle avec le domaine de l’AGS - Au demeurant, rattacher à l’exécution du contrat de travail, l’action en responsabilité pour manquement de l’employeur à son obligation d’affilier à un régime PSC serait parfaitement légitime si l’on fait le parallèle avec les solutions admises concernant l’AGS. Le principe est que « la garantie de paiement des créances dues en exécution du contrat de travail s’applique à toutes les sommes dues aux salariés à la date d’ouverture de la procédure de redressement ou de liquidation judiciaire, dès lors qu’elles se rattachent à un contrat de travail » (Soc. 12 juin 2002, n° 00-41.153 ; 30 oct. 2002, n° 00-46.779). Ainsi, l’AGS est tenue de garantir les dommages-intérêts alloués à un salarié du fait de sa non-affiliation, par l’employeur, au régime de protection complémentaire obligatoire des cadres mis en place en application des articles L. 911-1 et suivants du code de la sécurité sociale. Ces dommages-intérêts sont en effet dus au salarié en exécution de son contrat de travail avant l’ouverture de la procédure collective (Soc. 8 janv. 2002, n° 99-44.220, Dr. soc. 2002. 371, obs. C. Radé ). Est également garantie par l’AGS l’indemnité due en réparation du préjudice subi par le salarié du fait du non-paiement par l’employeur des cotisations à une caisse de retraite complémentaire prévue par la convention collective, peu important le taux de cotisation choisi par l’employeur, qui n’est qu’une modalité de l’exécution de son obligation conventionnelle (en l’espèce, l’employeur s’était engagé à augmenter le taux de cotisation sur la tranche B, mais n’avait pas respecté cet engagement, Soc. 25 janv. 2005, n° 03-40.195, D. 2005. 597
; Dr. soc. 2005. 477, obs. C. Radé
; v. pour un employeur qui avait indûment retenu les indemnités journalières versées par l’institution de prévoyance au titre de la garantie de ressources privant ainsi le salarié de moyens de faire face aux dépenses de la vie courante, Soc. 21 févr. 2007, n° 05-40.364).
Nature de la créance - Il est un dernier argument conclusif : la nature de la créance, objet de la demande. L’action a pour objet « l’indemnisation de son préjudice résultant de l’absence de perception de l’indemnité de prévoyance ». Il s’agit donc d’une action en responsabilité et la créance de dommages-intérêts peut être soit de nature contractuelle ou de nature délictuelle.
En matière de protection sociale complémentaire et de manquement en matière d’affiliation, la Cour de cassation a déjà jugé que « l’employeur s’était soustrait aux obligations concernant les conditions d’exécution du contrat de travail » (Soc. 4 mars 2003, n° 01-41.187). De même, il a toujours été appliqué, pour la détermination du point de départ, la solution retenue en matière de responsabilité contractuelle selon laquelle : « la prescription d’une action en responsabilité résultant d’un manquement aux obligations nées du contrat de travail ne court qu’à compter de la réalisation du dommage ou de la date à laquelle il est révélé à la victime si celle-ci établit qu’elle n’en avait pas eu précédemment connaissance ». Il a ainsi été jugé que doit être cassé l’arrêt déclarant prescrite l’action d’un salarié alors que la cour d’appel était « saisie d’une action en responsabilité contractuelle fondée sur la faute de l’employeur qui avait omis de cotiser pour une période donnée et alors que cette faute n’avait été connue du salarié qu’au moment où il avait voulu valider ses droits » (Soc. 1er avr. 1997, n° 94-43.381 P, D. 1997. 116 ; Dr. soc. 1997. 755, obs. J. Savatier
; RTD civ. 1997. 957, obs. P. Jourdain
; 26 avr. 2006, n° 03-47.525 P, Dalloz actualité, 5 mai 2006, obs. E. Chevrier ; D. 2006. 1250
; 11 juill. 2018, nos 16-20.029 et 17-12.605, Dalloz actualité, 11 sept. 2018, obs. W. Fraisse ; D. 2018. 1556
).
Application de la prescription de droit commun sur les actions personnelles
Quel fondement ? - Malgré l’ensemble des arguments permettant de trancher pour l’application de la prescription relative à l’exécution du contrat de travail, la Cour de cassation de manière très succincte juge qu’: « aux termes de l’article 2224 du code civil, les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d’un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer. En application de ce texte, l’action du salarié fondée sur le manquement de l’employeur à son obligation d’affilier son personnel à un régime de prévoyance complémentaire et de régler les cotisations qui en découle est soumise à la prescription de droit commun. »
Au regard des éléments développés ci-avant, comment prendre cette position ? On peut se demander si le choix de la Haute juridiction n’a pas pour fondement les caractères général et collectif de l’obligation. En limitant l’exercice d’un droit fondamental, l’article L. 1471-1 du code du travail ne mériterait qu’une interprétation restrictive collée à sa lettre : l’exécution du contrat de travail. Ne sont donc pas concernées les actions relatives aux relations collectives de travail.
Dissonance avec le régime de la participation - En matière de participation, un tel argument avait pu être retenu par des jurisprudences d’appel : « Dès lors que la créance de participation ne résulte pas de l’exécution du contrat de travail mais est inhérente à la mise en œuvre d’un système obligatoire légal qui a pour objet de garantir collectivement aux salariés le droit de participer aux résultats de l’entreprise, elle est soumise à la prescription quinquennale fixée par l’article 2224 du code civil et non à la prescription biennale de l’article L. 1471-1 du code du travail » (Paris, 7 avr. 2016, n° 15/03431, Cah. soc. juill. 2016, n° 118v8, p. 343, note Y. Pagnerre ; Rouen, 22 mars 2018, n° 16/02798). Mais, la Cour de cassation, dans un arrêt de principe du 13 avril 2023, a tranché pour l’application de la prescription de deux ans (Soc. 13 avr. 2023, n° 21-22.455, D. 2023. 790 ; RDT 2023. 564, chron. S. Riancho
) : « la durée de la prescription est déterminée par la nature de la créance invoquée. La demande en paiement d’une somme au titre de la participation aux résultats de l’entreprise, laquelle n’a pas une nature salariale, relève de l’exécution du contrat de travail et est soumise à la prescription biennale de l’article L. 1471-1 du code du travail ». Certes, dans des arrêts anciens, la Haute juridiction avait jugé que la prescription de droit commun – trente ans à l’époque – s’appliquait aux litiges relatifs à la participation (Soc. 14 avr. 1988, n° 85-46.027 ; 26 janv. 1989, n° 86-43.081, RJS 3/89 n° 256). Toutefois, elle n’avait pas eu l’occasion de réitérer cette position depuis la création en 2013, par la loi de sécurisation de l’emploi, du délai de prescription de deux ans portant sur l’exécution du contrat de travail inscrit à l’article L. 1471-1 du code du travail. C’est finalement ce dernier délai qui s’applique, et non le délai de droit commun fixé à cinq ans par l’article 2224 du code civil depuis le 19 juin 2008.
Responsabilité délictuelle ? - L’arrêt pourrait dissimuler un « revirement » sur la nature de la responsabilité de l’employeur. Dans le sommaire publié sur le site de la Cour de cassation, il est indiqué : « L’action du salarié fondée sur le manquement de l’employeur à son obligation d’affilier son personnel à un régime de prévoyance complémentaire et de régler les cotisations qui en découle est une action en responsabilité civile et non une action relative à l’exécution du contrat de travail, soumise à la prescription quinquennale de droit commun prévue par l’article 2224 du code civil ». La surprise est encore plus grande. La responsabilité de l’employeur serait donc de nature délictuelle. Est-ce que la Cour de cassation, de manière anachronique, a voulu continuer à appliquer son ancienne jurisprudence, fondée sur l’ancien article 2262 du code civil, déclarant que : « l’obligation pour l’employeur d’affilier son personnel cadre à un régime de retraite complémentaire et de régler les cotisations qui en découlent est soumise à la prescription de droit commun » (Soc. 11 juill. 2018, n° 17-12.605 et n° 16-20.029, préc.) ; « la cour d’appel, qui a constaté que la demande d’un salarié ne concernait pas des cotisations afférentes à des salaires non versés mais portait sur la contestation de l’assiette des cotisations retenue par l’employeur sur les salaires versés, en a exactement déduit que cette demande était, pour la période antérieure à l’entrée en vigueur de la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008, soumise à la prescription trentenaire » (Soc. 11 juill. 2018, n° 17-12.605, préc.).
La position de la Cour de cassation dans l’arrêt commenté apparaît isolée et suppose d’être davantage justifiée : pourquoi le manquement d’un employeur à son obligation d’affilier son personnel à un régime de prévoyance complémentaire et de régler les cotisations afférentes ne relève pas de l’exécution du contrat de travail ?
Hérésie - Hérétique est, à notre avis, la solution de la Cour de cassation : 1) la procédure de substitution de motif de pur droit à un motif erroné n’a pas été respectée, ce qui pourrait questionner l’opportunité d’un recours devant la Cour européenne des droits de l’homme ; 2) le principe selon lequel « la détermination du délai de prescription dépend de la nature de la créance objet de la demande » n’est pas mentionné ; 3) le manquement par l’employeur à une obligation découlant d’un accord collectif ne relèverait plus de l’exécution du contrat de travail mais de la responsabilité délictuelle ; 4) aucune motivation n’est offerte pour expliquer la position retenue. Cette série d’approximations ou d’oublis, de procédure et de fond, est une gageure pour le syllogisme juridique alors que les implications pratiques sont immenses. On peut dans ce cadre se demander si cette jurisprudence n’a pas été rendue en opportunité.
Au demeurant, au-delà de la question de la prescription applicable se pose celle du point de départ de la prescription, qui en pratique, est souvent l’un des points centraux de discussion. Ce dernier court à compter du jour où le titulaire du droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant d’exercer son droit. Or l’on sait que le jour où le titulaire à connu ou aurait dû connaître ne va pas toujours de soi. C’est sur ce seul terrain que la Cour de cassation devait statuer… Fallait-il retenir, comme point de départ, le fait que le salarié avait été placé en état d’invalidité le 1er janvier 2014, ce dont il résultait qu’il était, dès cette date, en situation de recueillir toutes les informations utiles sur ses droits à indemnisation au regard de son état d’invalidité ? Ou fallait-il retenir la date du 30 juin 2017 lorsque le salarié a été informé de son refus de prise en charge par l’organisme assureur au motif que l’adhésion de son employeur au contrat de prévoyance, le 5 mai 2014, était postérieure à son invalidité du 1er janvier 2014 ? En matière de régime de retraite, la Cour de cassation a pu faire œuvre créatrice en affirmant, en se fondant sur l’article 6, § 1, de la Convention européenne des droits de l’homme, que le point de départ n’était fixé « qu’à compter de la liquidation par le salarié de ses droits à la retraite », « sans que puissent y faire obstacle les dispositions de l’article 2232 du code civil » sur le délai butoir (Soc. 2 févr. 2022, n° 20-16.054 ; 3 avr. 2019, n° 17-15568). Que l’on conteste ou non cette solution en droit, sa motivation était claire. Une telle motivation aurait été heureuse en l’espèce.