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Le droit en débats

Projet de loi sur la fin de vie : une fois les bornes franchies…

Par Aline Cheynet de Beaupré le 11 Juin 2024

Où il n’est plus question de fin de vie…

Alors que le projet de loi n° 2634 relatif à l’accompagnement des malades et de la fin de vie est débattu devant l’Assemblée nationale depuis le 27 mai, la confusion se propage, sans surprise juridiquement.

La cessation des souffrances insupportables et réfractaires d’une personne en fin de vie relève déjà de l’histoire ancienne. La SLA (maladie de Charcot) présentée comme illustrant la nécessité de la loi est dépassée. La question de la fin de vie relève dorénavant d’un « choix », l’autonomie de la volonté a cédé la place à l’autodétermination.

Au-delà de la querelle irréductible entre partisans des soins palliatifs et partisans de l’euthanasie, le texte ne concerne déjà plus la fin de vie : les critères de court ou moyen terme sont abandonnés1, demander à mourir relève d’un choix personnel. Le « modèle français » annoncé recopie et rattrape les modèles étrangers pour proposer le projet le plus progressiste ou permissif (selon les lectures) au monde. Le président de la République, en mai dernier, voulant voir la mort en face, rassurait sur le discernement, des cadres stricts et verrous pour une aide à mourir de fraternité. Le texte ambitieux, muet sur les termes clefs, est emporté quelques semaines plus tard dans un effet boule de neige mal maîtrisé.

Le projet copie essentiellement la Belgique (qui ne connaît que l’euthanasie), organisant une demande faite par un patient à un médecin devant solliciter l’avis d’au moins un autre. La collégialité chère au code de la santé publique disparaît.

Conscient de la réticence de la majorité du corps médical et du manque de soignants, le texte prévoyait que la mort pourra être « donnée » par un médecin ou un soignant (infirmier…) ou même un simple proche du patient, sans compétence médicale particulière (un amendement tardif supprima le recours au proche).

De nombreux points du texte soulèvent des interrogations juridiques majeures.

Speed dying

Quinze jours…

Bien loin des prêts de la loi Scrivener laquelle ne considère que les biens immobiliers, la vie humaine serait régie par des délais plutôt expéditifs. Ainsi, le médecin sollicité par un patient devra-t-il se prononcer dans un délai de quinze jours à compter de la demande (CSP, art. L. 1111-12-2).

La clause de conscience n’existera que pour les soignants, non pour les pharmaciens. Elle ne pourra être collective (pour un service ou un établissement de santé) mais deviendra discutable face à l’obligation pour un soignant d’être présent dans les murs lors d’une administration létale. De même les listes préétablies de soignants acceptant de pratiquer les injections létales est-elle difficile à concilier avec la clause.

Quarante-huit heures chrono

Le délai pour confirmer au médecin qu’une personne demande bien l’administration de la substance létale est de quarante-huit heures. Toutefois, « ce délai peut être abrégé à la demande de la personne si le médecin estime que cela est de nature à préserver la dignité de ce dernier telle que celui-ci la conçoit » (CSP, art. L. 1111-12-4 du projet). Ce délai abrégé est problématique en ce qu’il confond la « dignité » (terme toujours discutable) perçue par le patient ou par le soignant, le médecin disposerait de la possibilité d’abréger le délai de réflexion de quarante-huit heures s’il estimait que la dignité du patient était atteinte.

Court terme, moyen terme… sans terme

Si la détermination du court terme par les soignants peut être parfois délicate, le « moyen terme » était a fortiori dénoncé par les praticiens comme impossible à poser. Le projet de loi a gommé ces difficultés en élargissant fortement le champ des possibles. Être en fin de vie n’est dorénavant plus une condition pour accéder à l’aide à mourir (CSP, art. L. 1111-12-2).

Aider, accompagner, soigner, faire mourir, suicider ?

Mal nommer les choses…

Pour Camus, c’est ajouter au malheur du monde, pour le juriste et notamment le pénaliste, c’est inquiétant. Le choix a été fait de ne pas nommer l’euthanasie et le suicide assisté. Les termes n’apparaissent pas une seule fois dans le projet de loi (contrairement aux recommandations du Conseil d’État).

Se suicider relève déjà du pléonasme puisque sui-cedere signifier « tuer soi », plus encore un suicide effectué par un tiers interroge : tuer soi pas soi-même…

Quand un proche aide à mourir

Le Canada connaît l’aide médicale à mourir regroupant euthanasie et suicide assisté. L’aide à mourir française se dispense quant à elle du corps médical : un proche (sans aucune compétence particulière) devait pouvoir réaliser l’administration de substance létale. Procureurs et magistrats s’inquiétaient dès lors légitimement de dossiers futurs où une jeune femme aurait soulagé son vieux mari, un jeune aiderait sa grand-mère à héritage… Meurtres et assassinats étaient aussi bien proches. Le proche « aidant » fut retiré par un amendement.

Accompagnement confus

On regrettera un jeu sémantique probablement non fortuit semant la confusion. Historiquement, le terme d’accompagnement est associé aux soins palliatifs qui « accompagnent la vie jusqu’à la mort ». Or le rapport Chauvin de novembre 2023, s’intitule : « Vers un modèle français des soins d’accompagnement ». Explication de texte, vers : vise un objectif n’existant pas aujourd’hui ; un modèle français : c’est l’expression utilisée depuis un an pour réfléchir à l’accueil de l’euthanasie et du suicide assisté en France ; soins : les partisans des soins palliatifs claironnent depuis toujours « donner la mort n’est pas un soin » ; accompagnement : le terme soins palliatifs n’apparaît pas. Pourtant, le rapport est présenté comme posant une stratégie décennale pour les soins palliatifs.

Une telle confusion organisée ne peut qu’inquiéter en matière de fin de vie. Sans surprise, le projet de loi reprend l’ambivalence quelques mois plus tard : « Projet de loi relatif à l’accompagnement des malades et de la fin de vie ». Le titre 1er vise à « Renforcer les soins d’accompagnement, les soins palliatifs et les droits des malades ». Un pas est franchi : les « soins » d’accompagnement sont distingués des soins palliatifs, il s’agissait bien de deux notions distinctes dans l’esprit des rédacteurs et l’accompagnement mystérieux est présenté comme un soin.

Le titre II est, quant à lui, consacré à « l’aide à mourir ». Celle-ci est donc déjà présente en titre I, via « l’accompagnement » alors même que le titre I devait n’être consacré qu’aux seuls soins palliatifs à développer (enfin), vingt-cinq ans après la loi de 1999.

Cette confusion se retrouve également dans le financement des soins palliatifs (projet de loi, art. 1er ter nouveau) décrivant le périmètre budgétaire concerné. Sont intégrés (et mélangés) : 1° L’hôpital de jour et les courts séjours ; 2° Les séjours en service de médecine générale ou de chirurgie ; 3° Les séjours en lits identifiés de soins palliatifs ; 4° Les séjours en unité de soins palliatifs ; 5° Les journées d’hospitalisation à domicile ; 6° Les séjours en soins médicaux et de réadaptation ; 7° Les missions d’intérêt général et d’aides à la contractualisation ; 8° Le fonds d’intervention régional, dont les équipes mobiles de soins palliatifs et les équipes ressources régionales de soins palliatifs pédiatriques ; 9° Les actes des professionnels de santé libéraux ; 10° Les médicaments délivrés en ville et relevant d’un parcours palliatif. De cette liste, seuls les 7° et 8° sont exclusivement consacrés aux soins palliatifs, une confusion étant opérée avec la T2A (tarification à l’activité).

Enfin, un amendement vient de décider que les sédations profondes et continues jusqu’au décès (SPCJD) instituées par la loi Claeys-Leonetti de 2016 (CSP, art. L. 1110-5-2) seraient transmises à la commission d’aide à mourir. Or, les SPCJD sont étrangères à l’aide à mourir, elles ont lieu pour des personnes condamnées à très court terme (1 à 2 jours) et qui sont confrontées à des souffrances réfractaires. Or, on l’a vu, le projet d’aide à mourir a quitté ces rives cadrées.

Se faire suicider

« Chaque suicide est une catastrophe »affirme la Direction générale de la santé. Le ministère de la Santé et de la prévention tente de poursuivre ses efforts en matière de prévention du suicide, mais cet « état d’urgence mondial »3 est annihilé par une promotion antinomique du suicide assisté dans un contexte de secteur psychiatrique en crise4. À tout le moins aurait-on pu attendre une protection contre les médiatisations ou promotions sur les réseaux sociaux tant l’effet Werther5 est à craindre.

Certes les termes de suicide et suicide assisté n’apparaissent pas plus que celui d’euthanasie dans le projet de loi. Mais le futur article L. 1111-12-1. – I. du code de la santé publique prévoit que « L’aide à mourir consiste à autoriser et à accompagner une personne qui en a exprimé la demande à recourir à une substance létale, dans les conditions et selon les modalités prévues aux articles L. 1111-12-2 à L. 1111-12-7, afin qu’elle se l’administre ou, lorsqu’elle n’est pas en mesure physiquement d’y procéder, se la fasse administrer par un médecin, un infirmier ou une personne majeure qu’elle désigne et qui se manifeste pour le faire (…) ». Faute d’être nommé, une nouvelle fois, le juriste s’interrogera sur la distinction entre suicide et suicide assisté, entre vouloir, pouvoir, ne pas pouvoir, se suicider…

Le suicide (assisté ou non) s’invite au cœur de la réflexion. S’il est assisté, un soignant est impliqué dans le processus, pour y réfléchir, mettre en place et surveiller le déroulement. Or les soignants sont, dans leur majorité, opposés au projet de loi. Les clauses de conscience qui pourront être invoquées rendront l’aide à mourir parfois difficile à mettre œuvre sur fond de manque de personnel de santé. L’hypothèse française qu’un proche puisse procéder à l’aide à mourir allégeait cette problématique.

Soins palliatifs en souffrance

Effectivité inaccessible ?

L’article L. 1110-9-1 du code de la santé publique du projet prévoyait déjà que « La personne dont l’état de santé le requiert, qui a demandé́ à bénéficier de soins palliatifs et qui n’a pas reçu, dans un délai déterminé par décret, une offre de prise en charge palliative, peut introduire un recours devant la juridiction administrative afin que soit ordonnée sa prise en charge. » L’effectivité de ce recours pouvait déjà susciter quelques interrogations, notamment en se rappelant que le patient l’introduisant se trouve en fin de vie… Le cynisme augmente si l’on songe au retard acté de la France en matière de soins palliatifs qui a conduit le gouvernement à envisager une stratégie décennale pour tenter de combler ce retard.

Lors de l’examen devant l’Assemblée nationale, a été voté un amendement introduisant un « droit opposable aux soins palliatifs ».

Droit opposable impossible ?

Ce droit opposable aux soins palliatifs serait notamment copié sur le DALO (droit au logement opposable, loi du 5 mars 2007). Outre que le logement est un bien, quand le patient est une personne physique, l’amendement (non soutenu par le gouvernement) ne définit pas clairement l’accès aux soins palliatifs. Quand l’objectif pourrait-il être considéré comme non atteint ? Faut-il se voir proposer a minima un rendez-vous avec un médecin ? Par ailleurs, les regrets d’ineffectivité du DALO exprimés par la Cour des comptes en 2022 rendent peu optimistes pour les soins palliatifs. Enfin, l’euthanasie pourra être opérationnelle en 2025, alors que la stratégie décennale envisagée pour les soins palliatifs démontre un retard qui sera long à combler.

Les soins palliatifs portés aux nues par tous (même les partisans de l’euthanasie) sont en souffrance depuis vingt-cinq ans au moins (loi n° 99-477 du 9 juin 1999 visant à garantir l’accès aux soins palliatifs). La Cour des comptes en 20236 regrette que seule la moitié des personnes en fin de vie qui en auraient besoin puisse accéder à cette prise en charge. Ce sont ainsi près de 180 000 personnes par an en France ne peuvent accéder aux soins palliatifs, chiffre d’autant plus inquiétant que les patients demandant l’euthanasie abandonnent leur demande dès qu’il y a prise en charge par les soins palliatifs dans la quasi-totalité des cas.

Leur développement devait constituer le préalable à toute réflexion sur une éventuelle évolution de la fin de vie en France, aux dires tant du Comité consultatif national d’éthique (CCNE, 13 sept. 2022, avis 139), du Conseil d’État (mai 2024) que de la Convention citoyenne sur la fin de vie (avr. 2023). Les bonnes résolutions semblent envolées.

Exception euthanasique ?

Il n’y a pas d’exception d’euthanasie.

Des verrous illusoires

Parler de cadres restrictifs, de verrous est déplacé car les démonstrations sont faites de leur impossibilité. Outre les précédents étrangers (Belgique, Pays-Bas, Canada…) qui témoignent de la levée progressive et inéluctable des conditions, le simple exemple français le trahit également. Le texte a été élargi après le passage en commission spéciale et enfle de nouvelles exceptions avec les amendements devant l’Assemblée.

Inexorablement. La limite de l’interdit de tuer étant franchie, les revendications, un pas plus loin, un cas plus loin, sont inévitables. Tout refus opposé à une catégorie de personne sera susceptible de constituer une discrimination ou une injustice. Comment répondrait-on « Revenez dans six mois » à un mineur de dix-sept ans et demi demandant à être euthanasié ? Les Pays-Bas sont (logiquement) passés de dix-huit à seize ans (avec une autorisation parentale consultative) puis douze ans (avec une autorisation parentale obligatoire avant 2023) puis « sans limite d’âge » en 2023, rejoignant ainsi la Belgique (qui avait fait disparaître la condition d’âge dès 2014). Le Canada qui n’a légalisé qu’en 2016, projette un élargissement de l’accès à l’aide médicale à mourir aux mineurs matures (14-17 ans). Rappelons également que la Convention citoyenne sur la fin de vie avait, annoncé accueillir l’euthanasie pour les mineurs avant de retirer cette mention de son rapport écrit.

Critères d’éligibilité croissants

L’article L. 1111-12-2 du code de la santé publique du projet posait comme conditions d’éligibilité à l’aide à mourir : d’être atteint d’une affection grave et incurable en phase avancée ou terminale, de présenter une souffrance physique (accompagnée éventuellement d’une souffrance psychologique liée à cette affection, qui est soit réfractaire aux traitements, soit insupportable lorsque la personne ne reçoit pas de traitement ou a choisi d’arrêter d’en recevoir) et enfin d’être apte à manifester sa volonté de façon libre et éclairée. Cette délimitation était déjà vaste et imprécise autorisant très largement l’éligibilité de pathologies physiques ou psychiques et le stade terminal n’était plus imposé. Outre l’élargissement, médicalement « polypathologie » est devenu synonyme de « vieillesse ». De fait en Belgique les polypathologies requises pour accéder à une euthanasie sont assez faciles à réunir pour une personne âgée sans atteindre un cancer métastasé, l’arthrose constitue une première pathologie souffrante très répandue.

Les amendements ont fait évoluer l’aide à mourir qui relève dorénavant d’un « choix ». La subjectivité de ce critère change profondément le visage d’ensemble du projet.

Vulnérabilités et consentement

Le consentement disparaît dans le projet à l’article L. 1111-11 du code de santé publique : « (…) Dans le cadre des directives anticipées, la personne peut indiquer son choix individuel du type d’accompagnement pour une aide à mourir lorsque la personne perd conscience de manière irréversible ». Cette « perte de conscience irréversible » se concilie mal avec le recueil du consentement libre et éclairé au moment de l’administration létale prévue à l’article 11 du projet de loi.

C’est retrouver simplement le modèle québécois où depuis 2021, « la loi concernant les soins de fin de vie permet à une personne en fin de vie qui satisfait à toutes les conditions pour obtenir l’aide médicale à mourir de la recevoir même si elle est devenue inapte à consentir aux soins au moment de son administration »7.

Les personnes vulnérables sont celles qui demain seront concernées par l’aide à mourir, de façon plus ou moins éclairée, plus ou moins libre : personnes âgées, personnes avec un handicap mental ou physique, personnes en précarité financière.

Peut-on envisager un consentement « libre et éclairé » pour une personne âgée en EHPAD, une personne atteinte d’un handicap mental, une personne en situation de précarité financière ou encore (demain) un nourrisson lourdement handicapé (quand les mineurs seront éligibles) ?

Pour les Pays-Bas, l’Université de Cambridge8 fait état en 2023 d’une inquiétante augmentation des euthanasies pratiquées sur des personnes présentant des défaillances intellectuelles ou autistes. Au Canada, l’admissibilité à l’aide médicale à mourir pour les personnes souffrant « uniquement d’une maladie mentale » est reportée au 17 mars 20279. Le chemin est tracé.

Euthanasie sans entrave ?

Le délit d’entrave à l’aide à mourir (puni d’un an d’emprisonnement et de 15 000 € d’amende) heurte frontalement la prévention du suicide et la non-assistance à personne en danger (C. pén., art. 223-6, al. 2). Au premier plan, psychiatres et soignants de soins palliatifs pourraient se voir reprocher… d’exercer leur activité de soignant. Leurs soins étant prodigués notamment sur des personnes (dépressives) pathologiquement en lassitude de la vie ou la réanimation de personne en détresse ou en fin de vie. Les psychiatres regrettent par ailleurs de n’avoir pas été auditionnés par la commission spéciale.

L’amendement (soutenu par la ministre de la Santé) copie le délit d’entrave à l’interruption volontaire de grossesse (CSP, art. L. 2223-2). Mais en cas d’IVG, la mère est protégée dans sa vie, dans l’aide à mourir le patient sera au contraire « accompagné » vers la mort.

Questions d’argent

Assurance-vie et mort provoquée

L’aléa assurantiel a fait l’objet de développements spécifiques dans le projet. L’objectif étant de considérer la mort provoquée comme… une mort naturelle. L’article L. 132-7 du code des assurances est complété par un alinéa ainsi rédigé : « L’assurance en cas de décès doit couvrir le décès en cas de mise en œuvre de l’aide à mourir prévue à l’article L. 1111-12-1 du code de la santé publique. » Les enjeux financiers sont importants l’aléa risquant de disparaître avec le suicide assisté. Il sera pourtant parfois délicat de distinguer un suicide d’un suicide assisté : si je me suicide seule quand je suis atteinte d’une pathologie dans l’année de souscription de mon contrat, l’assurance sera de nul effet contrairement à un schéma comparable où un tiers m’aurait aidée ? De même, certains proches « aidant » le souscripteur pouvaient se trouver « proches » d’un meurtre ou d’un assassinat, or le contrat cesse d’avoir effet à l’égard du bénéficiaire condamné (C. assur., art. L. 132-24).

Le coût de la mort

80 $ l’euthanasie (one shot) au Canada contre 985 € la journée pour des soins palliatifs inscrits sur la durée en France (coût moyen d’un séjour, 10 840 €), les calculs sont vite faits. L’Université de Calgary (CMAJ, 23 janv. 2017) a calculé jusqu’à 139 millions $ d’économie annuelle pour le budget des soins de santé, à la suite de la dépénalisation de « l’aide médicale à mourir » au Canada.

Le milliard promis par le plan de stratégie décennale, ne constitue en réalité qu’une augmentation de 6 % du budget actuel des soins palliatifs. La question financière fait réfléchir avec inquiétude dans un contexte de crise du système de santé, de dégradation de la note de la France… L’inquiétude croît quand des mutuelles s’affichent dans un « pacte progressiste » soutenant l’euthanasie.

Un modèle français ?

Pourtant, le modèle français existe. C’est la loi Clayes/Leonetti de 2016, évaluée par la commission fin de vie, encensée par les praticiens, les patients et les juristes mais méconnue. Arrêt des traitements demandé par le patient, rédaction de directives anticipées, non obstination déraisonnable, sédation profonde et continue maintenue jusqu’au décès : les lois de 1999 (accès aux soins palliatifs), 2002 (loi Kouchner), 2005 (loi Leonetti) et 2016 (loi Clayes/Leonetti) aboutit à un corpus cohérent, respectueux de l’autonomie du patient et des missions du soignant.

Méconnus également les soins palliatifs, portés aux nues jusque par les partisans de l’euthanasie. Depuis la loi du 9 juin 1999, votée à l’unanimité, la France dit vouloir « garantir l’accès aux soins palliatifs » pour tous. Las. En 2024, 500 personnes meurent chaque jour sans avoir pu bénéficier de soins palliatifs.

Rendre effective la loi de 1999 par des moyens idoines, appliquer la loi de 2016 plutôt que de créer une loi dangereuse pour les plus vulnérables et la société.

On le voit, les patients atteints de la maladie de Charcot justifiant fraternité et solidarité sont bien loin. Sans surprise s’applique la logique du brocard : une fois les bornes franchies, il n’y a plus de limites. Or la borne de l’interdit de tuer structure toute société.

 

1. Les médecins soulignaient notamment l’impossibilité de déterminer ce que serait un moyen terme en matière de fin de vie, le court terme s’avérant déjà parfois délicat.
2. « Chaque suicide est une catastrophe, à l’origine de beaucoup de douleurs ou de traumatismes chez les proches, et il peut être l’un des évènements les plus difficiles auxquels sont confrontés les professionnels de santé. Il est considéré qu’un suicide impacte ainsi 6 à 14 personnes dans l’entourage (famille, camarades de classe, collègues de travail, etc.) et expose 135 personnes », Direction générale de la Santé, Stratégie nationale de prévention du suicide, févr. 2024.
3. OMS 2014 : Prévention du suicide, l’état d’urgence mondial.
4. Sur la crise du secteur psychiatrique, v. not. : https://www.francebleu.fr/infos/sante-sciences/crise-de-la-psychiatrie-a... ; https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/le-telephone-sonne/le-te... ; https://www.francebleu.fr/infos/sante-sciences/crise-de-la-psychiatrie-a-toulouse-le-secteur-prive-choque-par-les-propos-du-ministre-frederic-valletoux-3920582
5. Suicide mimétique manifesté par une hausse du nombre de suicides après la médiatisation d’un cas de suicide.
6. Cour des comptes, Soins palliatifs, Rapport 5 juill. 2023.
7. Québec, Exigences requises pour recevoir l’aide médicale à mourir
8. R. Coelho, J. Maher, K. Sonu Gaind et T. Lemmens, The realities of medical assistance in dying in Canada, Cambridge University Press, 18 juill. 2023.
9. Projet de loi C-62.