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Le quotidien du droit en ligne

« Maintenant, même les avocats ne suivent plus les réformes »

Certains précisent à ce sujet que, « de la documentation, sur le site de la chancellerie, il y en a des brouettes, mais il faut avoir le temps de les lire. Et puis les logiciels ne sont pas prêts, on n’a pas les trames… ». Dans le même genre, une autre magistrate pointe que, « au-delà des moyens, peut-être que si vous aviez une petite voix à faire remonter auprès de nos gouvernants, c’est que cette inflation législative, on ne la supporte plus. Parfois, on ne sait même plus quel texte appliquer, on erre sur Legifrance et on est complètement perdu ».

« On compte sur vous pour sortir de ce marasme »

Toujours est-il que toutes les auditions commencent par l’évocation de cette macabre soirée d’automne. Un magistrat revient sur « le choc du cadavre d’une collègue en robe » gisant sur le sol de la salle d’audience. « Quand je suis arrivé, les pompiers étaient encore en train de tenter la réanimation », poursuit un autre. Rapidement, le président du tribunal judiciaire a remplacé la défunte au pied levé, pour écluser les derniers dossiers du rôle, avec notamment un juge anti-terroriste qui passait par-là.

Introduction

Une douzaine de jours avant le renouvellement (intégral) du CSM, une délégation de neuf de ses membres arrive à Nanterre (Hauts-de-Seine). Une juridiction à laquelle le conseil a déjà rendu visite au cours de son mandat de quatre ans, comme d’ailleurs à toutes celles de France et de Navarre, ce qui éclaire ses choix en termes de nominations, et accessoirement de discipline. Ce dernier tour de piste fait évidemment écho au décès, en pleine audience correctionnelle, de la magistrate Marie Truchet, le 18 octobre dernier.

Le manque de diversité en droit

« Les études de droit sont parmi les moins diverses d’un point de vue social, et sans doute ethnique, confirme Laurent Willemez, sociologue du droit et de la justice. De fait, 45 % sont des enfants de cadre selon une étude éditée par Le Seuil en 2015. Le professeur à l’Université de Versailles Saint-Quentin en Yvelines pointe également la culture générale comme facteur d’inégalité dans l’accès aux concours. « Tous ceux qui tentent de se démocratiser, comme l’INSP (ex-ENA) et l’ENM, passent par une remise en cause de la culture générale, examen extrêmement excluant », souligne-t-il.

« Tu as reçu de l’aide, donnes-en à ton tour »

« Pour moi, ce parrainage a été une réussite », estime Yassine, 24 ans, fraîchement reçu au concours d’entrée du CRFPA. Comme la plupart des parrainés, il a découvert Youssef Badr et l’association sur les réseaux sociaux. « Je me suis dit pourquoi ne pas tenter pour avoir des conseils objectifs, le regard de quelqu’un d’extérieur à mon entourage et à mes professeurs », explicite l’apprenti avocat, alors étudiant en Master 2 de droit du travail à Nancy, qui justifiait d’un niveau « normal ».

De Villetaneuse à Bobigny, un cas d’école

Melek, 20 ans, étudie le droit à l’Université Sorbonne Paris Nord de Villetaneuse. C’est là, en DUT carrière juridique, qu’elle a rencontré Youssef Badr, qui venait présenter son association. Elle avait déjà découvert son parcours dans le documentaire « Permis de juger », de de Sarah Lebas. « Ça a forgé ma conviction de devenir magistrate », résume-t-elle. Ce jour-là, elle sera l’une des rares à oser solliciter le parrainage. « Je voulais déjà me préparer à l’ENM mais je manquais d’informations, de conseils. C’était un milieu nouveau, presque inaccessible.

« Structurer » l’accompagnement des étudiants

En créant son association, le natif de Levallois a souhaité faire se rencontrer ses deux réseaux, les étudiants et les professionnels de la justice. « L’idée germait depuis très longtemps. Accompagner des étudiants, je le faisais avant déjà, tout seul », précise-t-il. Mesurant sa popularité, un journaliste lui suggère de « structurer » son initiative. Youssef Badr se tourne alors vers son ami Ronan Le Goff, cofondateur de l’agence de communication Netscouade. Ensemble, ils travaillent sur le projet. « Le plus dur a été de trouver le nom », relève le magistrat.

Un parcours, une ambition

« Je vous écris pour vous annoncer la nouvelle : je suis prise a l’ENM (École nationale de la magistrature, ndlr) ! » Voici le genre de messages que reçoit Youssef Badr, magistrat à Bobigny, dans sa boîte mail. En l’occurrence, l’étudiante avait connu un premier échec au concours puis réussi à se remobiliser grâce aux encouragements et à l’« exemple » de l’ancien porte-parole du ministère de la justice (2017 à 2019) qui « avait cru en [elle] ». « Quand vous grandissez dans un milieu modeste, vous manquez d’horizon.

« Ni amalgame ni confusion »

Au-delà des faits, l’audience est l’occasion de s’interroger sur le prix déjà payé, avant même son procès, par Maya. Après les attentats, les vacations de l’animatrice en centre de loisirs s’arrêtent. « On m’a expliqué après que c’était parce que j’étais la sœur de », dit-elle. La jeune femme s’engage dans une formation de conductrice de bus à la RATP, avant là aussi d’être licenciée, la faute semble-t-il à une enquête administrative défavorable. Elle réussit finalement à décrocher un job de conductrice, mais en intérim.