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Atteinte à la conservation des habitats naturels ou espèces animales non domestiques : nouvelles précisions de la chambre criminelle

Dans l’arrêt du 18 octobre 2022, la chambre criminelle s’est prononcée sur la réalisation de l’infraction d’atteinte à la conservation des habitats naturels ou espèces animales non domestiques ainsi que sur la motivation de la peine d’amende et les mesures de remise en état.

Le contentieux environnemental spécial n’a de cesse d’être porté devant la chambre criminelle, et on ne peut que s’en féliciter. En effet, celle-ci peut se prononcer sur des infractions techniques et apporter ainsi les éclairages nécessaires en faveur d’une répression la plus adaptée possible à la protection de l’environnement, et respectueuse des grands principes du droit pénal. L’arrêt de la chambre criminelle du 18 octobre 2022 en constitue une illustration.

Faits et procédure

En l’espèce, une société a construit et mis en service un gazoduc d’une longueur de plus de 300 kilomètres. De nombreux travaux se sont poursuivis postérieurement pour la réparation de divers défauts. La réalisation de l’ouvrage a rendu nécessaires le défrichement de zones boisées et la création d’une piste de travail d’une largeur de 30 à 40 mètres selon les secteurs, afin de permettre le passage des engins de travaux publics et la pose de la conduite de gaz. Une bande dite hors sylvandi de 10 mètres de large est restée déboisée afin de permettre l’accès au gazoduc en cas de nécessité. Le projet a fait l’objet des autorisations administratives nécessaires, en particulier deux arrêtés préfectoraux, qui ont dérogé à l’article L. 411-1 du code de l’environnement et autorisé, sur le fondement de l’article L. 411-2 du même code, la destruction, l’altération ou la dégradation d’aires de repos ou sites de reproduction d’espèces animales protégées sous réserve de la mise en œuvre de mesures définies dans le dossier prévu à cet effet. Un procès-verbal a relevé que, plus de deux ans après le délai imparti par les arrêtés préfectoraux, les zones déboisées n’avaient pas été remises en état sur une superficie de 40,6 hectares. Un contrôle réalisé notamment le 11 mars 2020 a confirmé ces constatations.

La société et la personne physique, qu’elle emploie comme directeur de projet, ont été citées devant le tribunal correctionnel pour avoir dans diverses communes porté atteinte à la conservation d’habitats naturels, en l’espèce en détruisant 40,6 hectares d’arbres hors bande non sylvandi et en ne les reboisant pas à l’issue des travaux, en violation des prescriptions prévues par les arrêtés préfectoraux de dérogation.

Les juges du premier degré les ont déclarées coupables et ont prononcé sur les intérêts civils. Les prévenues et le ministère public ont interjeté appel.

En cause d’appel, les juges ont énoncé que l’article L. 411-1, 3°, du code de l’environnement pose le principe d’une protection stricte des habitats naturels et des habitats naturels des espèces protégées en interdisant leur destruction, leur altération ou leur dégradation, mais que l’article L. 411-2 du même code prévoit la possibilité de dérogations afin de permettre la construction de projets nécessaires à l’activé humaine pour des raisons d’intérêt public majeur qu’il définit. La cour d’appel a rappelé que la société prévenue a notamment obtenu des dérogations préfectorales aux interdictions, d’une part, d’enlèvement et destruction de spécimens d’espèces animales protégées, d’autre part, d’altération ou dégradation de sites de reproduction ou d’aires de repos d’espèces animales protégées, d’enlèvement et de réimplantation de spécimens d’espèces végétales protégées. Elle a ajouté que cette société s’était, à ce titre, expressément engagée, pour les petits mammifères, à replanter des haies arborées, arbustives et buissonnantes et, pour les oiseaux, à créer un stock de nouveaux arbres favorables à un habitat d’accueil. Elle a enfin relevé que le terme employé dans le dossier établi pour obtenir les dérogations est celui de « plantation » et non celui de « régénération naturelle des végétaux ». Ils ont retenu que les possibles échanges avec l’administration sur une régénération naturelle ne pouvaient justifier l’absence de début d’exécution des obligations mises à la charge de la société, notamment depuis la fin des travaux, et qu’il résultait des contrôles réalisés par les agents de l’Office français de la biodiversité (OFB) que les travaux de remise en état concernant les reboisements hors bande non sylvandi n’avaient pas été réalisés.

Les prévenues ont formé des pourvois contre l’arrêt de la cour d’appel qui, pour infraction au code de l’environnement, a condamné la personne physique à 15 000 € d’amende dont 5 000 € avec sursis, la personne morale à 650 000 € d’amende, a ordonné la remise en état des lieux sous astreinte et une mesure de publication, et a prononcé sur les intérêts civils.

La Cour de cassation a cassé la décision d’appel, non pas sur la réalisation de l’infraction, qu’elle a estimée constituée en tous ses éléments,mais sur la peine d’amende prononcée contre la société et la mesure de remise en état ordonnée à son encontre.

L’abstention permettant la caractérisation de l’élément matériel

L’élément matériel...

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