Accueil
Le quotidien du droit en ligne
-A+A
Article

De témoin à victime directe d’un attentat terroriste : les critères de distinction posés par la chambre criminelle

La Cour de cassation se prononce sur le statut à accorder aux « victimes invisibles », qui se trouvaient sur les lieux ou à proximité d’un attentat terroriste mais sans avoir été blessées elles-mêmes.

Par définition, les actes terroristes impliquent un objectif de trouble à l’ordre public par l’intimidation ou la terreur, ce qui se traduit malheureusement souvent par un nombre élevé de victimes en cas de passage à l’acte. Au-delà des personnes ayant perdu la vie ou ayant souffert dans leur chair, nombreuses sont celles qui sans avoir subi de blessures physiques, souffrent de blessures psychologiques indéniables, comme l’illustre le procès des attentats du 13 novembre 2015 qui a donné lieu à plus de 2 000 constitutions de partie civile (C. Ribeyre, Procès des attentats du 13 novembre, JCP 5 sept. 2022).

Face à la multiplication des attentats terroristes, la Cour de cassation a dû se prononcer sur le statut à accorder à ceux qui sont parfois appelés les « victimes invisibles », personnes qui se trouvaient sur les lieux ou à proximité et ont assisté aux faits ou à leur conséquence, et qui, sans être blessées physiquement, n’en sont pas moins profondément atteintes sur le plan psychologique.

C’est en faveur d’une conception restrictive que la haute juridiction s’est prononcée par deux arrêts du 24 janvier 2023 relatifs à l’attentat de Barcelone d’août 2017.

Cette affaire concernait une attaque terroriste à la voiture bélier dans un quartier très touristique de la capitale catalane. La présence de victimes de nationalité française avait conduit à l’ouverture d’une information judiciaire en France. Plusieurs personnes qui avaient été emportées par le mouvement de foule généré par le passage de la camionnette meurtrière se sont constituées parties civiles dans le cadre de l’instruction du fait non seulement du traumatisme provoqué par cette scène de panique, mais aussi des blessures que certaines d’entre elles s’étaient faites en tentant de fuir les lieux.

Leur constitution de partie civile a toutefois été jugée irrecevable par le juge d’instruction puis par la chambre de l’instruction, solution qu’a fini par confirmer la Cour de cassation tout en s’éloignant des critères retenus par les juges du fond.

La distinction opérée par les juges du fond entre les témoins d’un attentat terroriste et les victimes directes du terrorisme

Dans une des deux affaires, une mère et sa fille avaient été emportées par le mouvement de la foule paniquée, sans comprendre ce qui était en train de se passer et sans voir la camionnette meurtrière. La mère s’était blessée en tombant dans sa course puis elle avait vu le corps d’une femme étendue sur la route. Dans la deuxième affaire, la plaignante avait bien vu la camionnette arriver à vive allure, mais sans réaliser immédiatement qu’il s’agissait d’un attentat. Pétrifiée, elle avait ensuite été entraînée par un tiers dans un restaurant, d’où elle avait pu voir des personnes inconscientes sur le sol, des ambulances et des policiers.

La chambre de l’instruction avait considéré dans les deux cas que les faits, tels qu’ils étaient relatés par les plaignantes, n’étaient pas de nature à leur donner le statut de victime directe des actes terroristes au sens de l’article 2 du code de procédure pénale.

Selon ce texte, est en effet une « victime » recevable à se constituer partie civile la personne qui a personnellement souffert du dommage directement causé par l’infraction. Trois critères sont donc prévus par le texte :

  • un préjudice
     
  • dont la personne doit avoir souffert personnellement,
     
  • et qui doit être en relation directe avec l’infraction...

Il vous reste 75% à lire.

Vous êtes abonné(e) ou disposez de codes d'accès :