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La nécessité et l’étendue de la motivation de la confiscation en valeur du produit de l’infraction

Au sujet de la condamnation d’un dirigeant pour abus de biens sociaux, la chambre criminelle a considéré que le prononcé de la confiscation en valeur du produit de l’infraction doit être motivé aussi bien en opportunité (au regard de la gravité des faits, de la personnalité de leur auteur et de sa situation personnelle) qu’à l’aune de la proportionnalité de l’atteinte portée au respect de la vie privée et familiale du propriétaire du bien confisqué (au vu de la situation personnelle de l’intéressé et de la gravité concrète des faits).

En l’espèce, un individu poursuivi du chef d’abus de biens sociaux a été condamné en appel aux peines suivantes : vingt-quatre mois d’emprisonnement, dont dix-huit mois avec sursis ; 50 000 € d’amende ; cinq ans d’inéligibilité ; dix ans d’interdiction de diriger, administrer, gérer ou contrôler une entreprise ou une société ; dix ans d’interdiction d’exercer une fonction publique ; la confiscation d’un bien immobilier dont il est le propriétaire.

Le deuxième moyen de cassation était relatif à l’interdiction de gérer et le troisième à l’interdiction d’exercer une fonction publique. Bien que ce fussent ces moyens qui ont conduit la chambre criminelle à casser l’arrêt attaqué, leur analyse présente peu d’intérêt. Il sera juste rappelé qu’en matière d’abus de biens sociaux, les articles L. 249-1 du code de commerce et 131-27 du code pénal prévoient la possibilité de prononcer une interdiction de gérer limitée aux entreprises commerciales ou industrielles et aux sociétés commerciales ; les mêmes articles prévoient la possibilité de prononcer une interdiction d’exercer une fonction publique limitée, lorsqu’elle est temporaire, à une durée de cinq ans.

Partant, le prononcé d’« une interdiction de gérer toute entreprise ou toute société » et d’une « interdiction d’exercer une fonction publique pour une durée de 10 ans » comme l’avait fait la cour d’appel, méconnaît le principe de la légalité criminelle énoncé à l’article 111-3 du code pénal.

Le premier moyen de cassation portait sur la motivation de la confiscation de l’immeuble appartenant au prévenu. Même si la Cour de cassation l’a jugé non fondé, il convient d’étudier plus longuement la réponse apportée.

Ce moyen était au croisement de plusieurs évolutions. Il est désormais fréquent que soit ordonné à l’encontre du mis en cause qui se serait enrichi du fait de l’infraction qu’il a commise la confiscation du produit de celle-ci (C. pén., art. 131-21, al. 3. Pour ce mouvement, v. not., E. Camous, La confiscation du produit de l’infraction, Dr. pénal 2023. Étude 3).

Les textes ont facilité cette possibilité et la volonté politique va dans ce sens. L’idée que les délinquants puissent profiter en toute impunité de richesses indues n’est plus tolérée. En outre, il n’est pas rare que la confiscation du produit de l’infraction soit ordonnée non pas en nature, mais en valeur (C. pén., art. 131-21, al. 9. Pour ce mouvement, v. not., E. Camous, La confiscation en valeur. Une peine en devenir, Dr. pénal 2017. Dossier 5). Il s’agit là d’une réaction aux stratagèmes imaginés par les malfaiteurs afin de dissimuler leurs profits.

Par ailleurs, depuis le revirement opéré par la Cour régulatrice le 1er février 2017 (Crim. 1er févr. 2017, nos 15-84.511, 15-85.199 et 15-83.984 P, AJDA 2017. 256 ; D. 2017. 961 , note C. Saas ; AJ pénal 2017. 175, note E. Dreyer ; AJCT 2017. 288, obs. S. Lavric ; Légipresse 2017. 69 et les obs. ; ibid. 260, Étude N. Verly ), revirement consacré par le législateur (Loi n° 2019-222 du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice, art. 74 ; C. pr. pén., art. 485-1), le juge ne dispose plus, en principe, d’un pouvoir discrétionnaire dans le choix de la peine et doit le motiver.

Au sein de l’arrêt retenant notre attention, la Cour de cassation devait s’interroger sur la nécessité et, le cas échéant, l’étendue de la motivation du prononcé de la confiscation du produit de l’infraction lorsqu’elle est ordonnée en valeur.

La motivation de l’opportunité du prononcé de la confiscation en valeur du produit de l’infraction

La chambre criminelle a, en premier lieu, considéré que le prononcé de la confiscation en valeur du produit de l’infraction doit être motivé en opportunité, et ce au regard de la gravité des faits, de la personnalité de leur auteur et de sa situation personnelle.

Pour arriver à cette solution, la Haute juridiction a relevé qu’il ressort des articles 132-1 du code pénal et 485-1 du code de procédure pénale qu’« en matière correctionnelle, toute...

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