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Questions subsidiaires devant la cour d’assises et motivation des peines criminelles

Les questions subsidiaires peuvent être posées quand bien même les questions principales sont déclarées « sans objet » et l’exigence de motivation de la peine s’entend uniquement des principaux éléments ayant convaincu la cour d’assises, sans avoir à faire référence à tous les critères de l’article 132-1 du code pénal. 

par Florian Engelle 8 juin 2020

En l’espèce, une course poursuite avait démarré entre les forces de l’ordre et les voleurs présumés de plusieurs commerces en novembre 2011. S’en était suivi un échange de coups de feu qui avait mené à la mort d’un policier et de l’un des passagers de la voiture des auteurs. L’accusé a été condamné en première instance pour complicité de meurtre et tentatives, vols en bande organisée et recel de cette infraction, association de malfaiteurs et infraction à la législation sur les armes. Il a alors interjeté appel et devant la cour d’assises d’appel le ministère public avait demandé à la juridiction d’ajouter la question subsidiaire de la culpabilité de l’accusé en tant qu’auteur du meurtre à l’encontre de l’agent de la force publique et des tentatives, et non plus de complice. La cour acceptait d’ajouter la question, et l’accusé fut déclaré coupable par la cour d’appel en qualité d’auteur.

L’auteur soulevait plusieurs moyens au soutien de son pourvoi. Tout d’abord, pour suivre l’ordre de l’arrêt, le second moyen ne pouvait prospérer puisqu’il concernait la question prioritaire de constitutionnalité (QPC) que le requérant avait formulé, et que la Cour de cassation avait refusé de transmettre au Conseil constitutionnel par arrêt du 26 février 2020 (Crim. 22 avr. 2020, n° 19-84.253, D. 2020. 984 ). Il questionnait dans cette QPC la constitutionnalité des articles 656-1, 706-62-1 706-71 du code de procédure pénale relatifs à l’audition d’un témoin anonyme par visioconférence lors de l’audience criminelle, en raison, d’après lui, de l’absence de garanties suffisantes quant à l’authentification de l’identité du témoin. La Cour de cassation avait alors considéré que la question n’était pas nouvelle ni sérieuse, au regard notamment des dispositions de l’article 310 du code de procédure pénale qui donne au président de la cour d’assises les prérogatives nécessaires à cette authentification.

Le second moyen, quant à lui, concernait les modalités dans lesquelles les questions subsidiaires pouvaient être prises en compte par la juridiction. Le requérant soutenait alors trois arguments. D’abord, il avançait que son renvoi devant la Cour d’assises au titre de la complicité ne permettait pas à cette juridiction d’élargir sa compétence en requalifiant l’accusé d’auteur, quand bien même les peines encourues seraient les mêmes. Sur ce premier point, l’analyse de la Cour de cassation ne saurait souffrir de reproches sur le plan strictement procédural : l’article 351 permettant au Président de poser des questions subsidiaires chaque fois qu’une nouvelle qualification apparaît lors des débats, la question ne saurait être différente lorsqu’il s’agit d’envisager la culpabilité de l’accusé pour auteur alors qu’il était initialement renvoyé comme complice. La solution inverse, qui permettrait de poser la question de la complicité alors que l’accusé était poursuivi pour auteur semble d’ailleurs également possible (Crim. 12 mai 1970, n° 70-90.223, D. 1970. 515 ; 5 déc. 1984, n° 84-91.414, Bull. crim. n° 386). Tel que le rappelle ici la Cour, il ne s’agissait pas de faits nouveaux, mais uniquement d’une qualification différente sur laquelle la défense a eu la possibilité de se prononcer, celle-ci étant soumise au débat contradictoire.

Ensuite, il contestait le fait que la juridiction ait traité des questions subsidiaires alors que celles-ci ne devraient être envisagées que dans le cadre d’une réponse négative aux questions principales. Or, la juridiction avait déclaré ces dernières « sans objet », ce qui ne constituait pas d’après lui une réponse négative. Le moyen est intéressant dans la mesure où le caractère subsidiaire d’une question devrait imposer – c’est du moins ce que la sémantique utilisée laisse entendre – que celle-ci ne soit posée que lorsque la réponse à la question principale est négative. Que penser alors d’une question déclarée « sans objet » ? La Cour avait, dans un vieil arrêt qui a probablement encouragé le demandeur à soulever ce moyen, affirmé que le président ne pouvait poser de question subsidiaire si les questions...

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