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Le vivre-ensemble comme but légitime de l’atteinte à certains droits ?

Amenée à statuer sur la conventionnalité de l’infraction de dissimulation du visage dans l’espace public, la Cour de cassation reprend la notion de « vivre-ensemble » pour justifier l’atteinte portée par cette incrimination à l’article 9 de la Convention européenne des droits de l’homme.

par Lucile Priou-Alibertle 13 janvier 2015

En l’espèce, une femme avait été poursuivie et condamnée du chef de port d’une tenue destinée à la dissimulation du visage dans l’espace public (en l’occurrence un centre commercial) à une amende de 150 € et à deux jours de stage de citoyenneté par la juridiction de proximité.

Le premier moyen du pourvoi formé par la prévenue était tiré de l’inconventionnalité du texte fondant la répression au regard des articles 7, 9 et 14 de la Convention européenne des droits de l’homme. Or, la question de la contrariété aux articles 7 et 14 (principe de légalité et interdiction de discrimination) n’ayant pas été préalablement soulevée devant les juges du fond, le moyen est déclaré irrecevable car nouveau. Cela n’empêche toutefois pas la chambre criminelle de se prononcer sur l’éventuelle violation de l’article 9, qui garantit la liberté de pensée, de conscience et de religion.

À cet égard, le juge de proximité avait indiqué que l’activité à l’occasion de laquelle avait été constatée la contravention ne pouvait être assimilée à l’exercice d’un culte, à un enseignement ou à la pratique et à l’accomplissement d’un rite. Sans partager l’analyse effectuée par les juges du fond, la Cour de cassation rejette néanmoins le pourvoi en indiquant dans un long attendu que : « Si c’est à tort que la juridiction de proximité a ignoré la motivation religieuse du comportement considéré, le jugement n’encourt pas la censure dès lors que, si l’article 9 de la convention susvisée garantit l’exercice de la liberté de pensée, de conscience et de religion, l’alinéa 2 de ce texte dispose que cette liberté peut faire l’objet de restrictions prévues par la loi et constituant, dans une société démocratique, des mesures nécessaires à la sécurité publique, à la protection de l’ordre, de la santé ou de la morale publiques ou à la protection des droits et libertés d’autrui ; tel est le cas de la loi interdisant la dissimulation intégrale du visage dans l’espace public en ce qu’elle vise à protéger l’ordre et la sécurité publics et à garantir les conditions du “vivre-ensemble” en imposant à toute personne circulant dans un espace public de montrer son...

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