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Le droit en débats

Avant-projet de réforme du droit des contrats spéciaux : la promesse unilatérale de vente

Alors que le ministère de la Justice rend public un avant-projet de réforme du droit des contrats spéciaux qui sera officiellement soumis à consultation publique en juillet 2022, Dalloz actualité vous propose, sous la direction des professeurs Gaël Chantepie et Mathias Latina, de participer pleinement à cette réflexion au travers d’une série de commentaires critiques de cet important projet de réforme qui complète la réforme majeure du droit des obligations de 2016. Focus sur la promesse unilatérale de vente.

Par Mathias Latina le 08 Juin 2022

Textes de l’avant-projet

Art. 1588 : La promesse unilatérale de vente ou d’achat vaut vente lorsque, au plus tard à l’expiration du délai stipulé par les parties, le bénéficiaire fait connaître au promettant, dans les formes prévues au contrat, sa volonté de lever l’option en se portant acquéreur ou vendeur pour le prix convenu.

Les dispositions de l’article 1124 lui sont applicables.

Les règles de la vente lui sont applicables en tant que de raison.

Art. 1589 : Si la durée de la promesse unilatérale est indéterminée, le promettant ne peut la résilier qu’après avoir mis le bénéficiaire en demeure de lever l’option dans un délai raisonnable, qu’il fixe lui-même.

Art. 1590 : Une somme peut être convenue dans la promesse unilatérale de vente, en contrepartie de l’exclusivité consentie au bénéficiaire.

Elle est acquise au promettant si le bénéficiaire choisit de ne pas se porter acquéreur. En cas de conclusion de la vente, elle s’impute sur le prix, sauf clause contraire.

Quand le montant de la somme convenue porte une atteinte manifestement excessive à la liberté du bénéficiaire de ne pas se porter acquéreur, la promesse unilatérale est requalifiée en une vente assortie d’une clause de dédit.

Art. 1591 : La faculté de substitution stipulée dans une promesse est sans effet sur le caractère unilatéral ou synallagmatique du contrat.

Son exercice emporte cession du contrat de promesse.

Analyse

Promesse unilatérale de vente ou d’achat

La commission a décidé de réglementer, de manière séparée, les promesses unilatérales de vente et d’achat, de prêt1 et de dépôt2, sans que les dispositions afférentes soient réellement harmonisées. Comme on l’a vu (v. le pacte de préférence de vente), il ne serait pas inutile de consacrer une subdivision aux avant-contrats, subdivision qui contiendrait les règles communes à ces derniers. Les avant-contrats sont, en effet, des contrats nommés à part entière, la doctrine s’accordant aujourd’hui pour dire qu’ils constituent de véritables contrats, distincts de ceux dont ils préparent l’éventuelle conclusion. Aussi, l’idée serait de déplacer, sans changement, l’actuel article 1124, alinéa 1re, du code civil, dans un titre consacré aux avant-contrats, et ce d’autant que la définition qu’il donne de la promesse unilatérale de contrat est satisfaisante. Il remplacerait ainsi l’article 1588, alinéa 1er, de l’avant-projet examiné, ce dernier étant, au fond et sur la forme, discutable.

Fond de l’article 1588 de l’avant-projet

Au fond, définir spécifiquement la promesse unilatérale de vente ou d’achat, n’a pas grand intérêt, dès lors que le code comporte déjà une définition des promesses unilatérales, applicables quel que soit leur type. Cette définition doublonne donc, en quelque sorte, avec celle de l’article 1124, auquel il est d’ailleurs expressément renvoyé (sur l’utilité des renvois exprès, v. Avant-projet de réforme du droit des contrats spéciaux : droit commun et règles supplétives).

Forme de l’article 1588 de l’avant-projet

Sur la forme, la définition proposée des promesses unilatérales de vente et d’achat pose question. La commission a, sans doute, souhaité établir un parallèle entre la promesse synallagmatique de vente et la promesse unilatérale de vente. La vénérable formule utilisée en 1804 pour la première3 a, ainsi, été transposée à la promesse unilatérale. Aux termes de l’article 1588, alinéa 1er, proposé, « la promesse unilatérale de vente ou d’achat vaut vente » une fois que le bénéficiaire a levé l’option dans les formes. Si, techniquement, la promesse unilatérale de vente permet la conclusion de la vente, il n’en reste pas moins que la promesse unilatérale de vente et la vente sont deux contrats distincts. Or cette formulation accrédite l’idée que la levée d’option va donner à la promesse unilatérale la valeur d’une vente. Étymologiquement, en effet, valoir signifie « tenir lieu, avoir la valeur, ou la signification de »4. Pourtant, si la levée d’option entraîne la conclusion de la vente, elle n’a pas pour effet de nier l’existence du contrat de promesse qui l’a précédée. Dans la proposition ci-dessous, il sera donc suggéré de reprendre la définition de l’article 1124 du code civil, le renvoi à ce dernier devenant ainsi sans objet, si tant est qu’il ait eu une autre utilité que pédagogique. En revanche, l’idée que les règles du contrat promis s’appliquent, en tant que de raison, à la promesse unilatérale de contrat sera conservée. Elle était suggérée par l’avant-projet Capitant5 et est susceptible de combler, au cas par cas, certains vides.

Durée de la promesse unilatérale

Ensuite, l’article 1589 de l’avant-projet traite de la durée de la promesse unilatérale de vente. Alors que le pacte de préférence à durée indéterminée rend la promesse de priorité illusoire (v. le pacte de préférence de vente), tel n’est pas le cas de la promesse unilatérale de contrat à durée indéterminée. Dans cette hypothèse, en effet, il suffit de subordonner la faculté de résiliation unilatérale, consubstantielle aux contrats à durée indéterminée, à l’obligation pour le promettant de mettre en demeure le bénéficiaire d’opter dans un délai que fixe le promettant. On trouve d’ailleurs trace de cette règle en jurisprudence6. Elle est opportunément consacrée dans l’avant-projet.

Prix de l’exclusivité

En outre, l’article 1590 aborde la question de la contrepartie pécuniaire que le promettant peut réclamer en échange de l’exclusivité qu’il a offerte au bénéficiaire. Le premier alinéa mentionne cette possibilité, afin de poser en règle supplétive, dans le deuxième, le fait que cette somme, souvent appelée indemnité d’immobilisation en matière de vente d’immeuble7, s’impute sur le prix de la vente en cas de levée d’option. En eux-mêmes, ces alinéas n’appellent pas de commentaire. Ils semblent ne devoir leur présence dans l’avant-projet qu’en considération de l’alinéa 3 de l’article 1590 qui traite de la question de la disproportion de la somme réclamée par le promettant en échange de l’exclusivité qu’il a accordée au bénéficiaire.

Atteinte manifestement excessive à la liberté de ne pas contracter

Ce problème est connu en jurisprudence. Lorsque l’indemnité d’immobilisation est d’un montant particulièrement élevé, ne faut-il pas requalifier la promesse unilatérale en promesse synallagmatique, voire en vente ? Le montant de l’indemnité viendrait, en fait, supprimer la liberté du bénéficiaire de ne pas opter. La jurisprudence de la Cour de cassation n’est, sur cette question, pas très lisible. Dans un premier temps, elle avait pu se montrer favorable à ce raisonnement8. Dans un deuxième temps, elle l’avait abandonné dans un arrêt du 1er décembre 20109 dans une espèce au cours de laquelle le montant de l’indemnité était quasiment égal au prix de vente. La première chambre civile, après avis de la troisième, avait pourtant décidé que, dès lors que le bénéficiaire était juridiquement libre de ne pas opter, la promesse restait unilatérale, le montant de l’indemnité étant indifférent. Malheureusement, dans un arrêt inédit ultérieur, la Cour de cassation a, à nouveau, laissé entendre que l’importance de l’indemnité pouvait supprimer la liberté du bénéficiaire de ne pas acheter et entraîner, en conséquence, la requalification en promesse synallagmatique de vente10. La commission a donc décidé de mettre fin à ces incertitudes, ce qui, d’un point de vue de politique juridique, est une bonne chose. L’article 1590, alinéa 3, de l’avant-projet énonce ainsi que lorsque le montant de la somme convenue porte une « atteinte manifestement excessive à la liberté du bénéficiaire de ne pas se porter acquéreur », la promesse unilatérale doit être requalifiée « en une vente assortie d’une clause de dédit ». Malheureusement, faute de disposer, pour l’heure, de l’exposé des motifs de l’avant-projet, il est difficile de comprendre pourquoi ce choix a été fait.

Ratio legis de la solution ?

Cette requalification ne change, en effet, strictement rien à la situation du bénéficiaire. Dans tous les cas, il ne pourra renoncer à l’acquisition qu’en abandonnant la somme qu’il a versée, soit au titre de l’indemnité d’immobilisation (promesse unilatérale) soit au titre du dédit (vente), ce que confirme d’ailleurs l’article 1593 de l’avant-projet11. Aussi, la requalification proposée n’a pas pour objet, et en tout cas pas pour effet, de sanctionner le promettant qui aurait obtenu une indemnité excessive. Pire, le plus souvent, la requalification en promesse synallagmatique était invoquée par le promettant afin d’échapper à la nullité qui frappe la promesse unilatérale qui n’a pas été enregistrée12. Autrement dit, la requalification était destinée à sauver les promesses unilatérales, nulles en tant que telles. Refuser la requalification, c’était donc permettre au bénéficiaire d’obtenir cette nullité et donc de se dégager du contrat sans avoir à verser l’indemnité. C’est dire que l’article 1590 de l’avant-projet ôte au bénéficiaire le moyen de défense qu’il peut invoquer en droit positif, avec quelque espoir qu’il soit retenu. Il est vrai que, de toute façon, la commission envisage la suppression de l’enregistrement des promesses unilatérales13. En tout état de cause, la requalification proposée par la commission laisse dubitatif : elle ne change pas, sauf erreur, la situation du bénéficiaire et ne sanctionne pas l’atteinte « manifestement excessive » à sa liberté.

Faculté de substitution14

Enfin, l’alinéa 1er de l’article 1591 consacre la jurisprudence de la Cour de cassation qui décide que « la possibilité pour le bénéficiaire d’une promesse de vente de se substituer un tiers, n’a pas pour effet de retirer à la promesse elle-même son caractère unilatéral »15 ou encore que « la faculté de substitution stipulée dans une promesse de vente est sans effet sur le caractère unilatéral ou synallagmatique du contrat »16. L’alinéa 2 ajoute, ensuite, que l’exercice de la faculté de substitution emporte cession du contrat de promesse, ce qui revient à nier l’autonomie des clauses de substitution17.

Proposition alternative

Cette proposition doit être lue avec celle relative au pacte de préférence (v. Avant-projet de réforme du droit des contrats spéciaux : le pacte de préférence de vente).

Les articles suivants ont vocation à être placés dans un titre autonome (« Des avant-contrats ») et, plus précisément, dans la section 1 (« De la promesse unilatérale de contrat ») d’un chapitre 2 intitulé « Des promesses de contrat », chapitre contenant en outre une section 2 : « De la promesse synallagmatique de contrat » (v. Avant-projet de réforme du droit des contrats spéciaux : la promesse synallagmatique de vente, à paraître).

L’article 1591 de l’avant-projet, qui concerne aussi bien la promesse unilatérale que synallagmatique, pourrait être placé dans le chapeau du chapitre 2 (v. le commentaire à venir de cet article).

Titre XXX : Des avant-contrats

Chapitre 2 : De la promesse de contrat

Art. 7 : La faculté de substitution stipulée dans une promesse est sans effet sur le caractère unilatéral ou synallagmatique de celle-ci.

Son exercice emporte cession du contrat de promesse.

Section 1 : De la promesse unilatérale de contrat

Art. 8 : La promesse unilatérale est le contrat par lequel une partie, le promettant, accorde à l’autre, le bénéficiaire, le droit d’opter pour la conclusion d’un contrat dont les éléments essentiels sont déterminés, et pour la formation duquel ne manque que le consentement du bénéficiaire.

Si la durée de la promesse unilatérale est indéterminée, le promettant ne peut la résilier qu’après avoir mis le bénéficiaire en demeure de lever l’option dans un délai raisonnable, qu’il fixe lui-même.

La promesse unilatérale de contrat est soumise, en tant que de raison, aux règles applicables au contrat promis.

Cet article réunit, en son sein :

• la définition de l’article 1124, alinéa 1er, du code civil qui serait déplacé. On se souvient que l’on a proposé une définition du pacte de préférence reprenant la structure de l’article 1124, alinéa 1er (v. Avant-projet de réforme du droit des contrats spéciaux : le pacte de préférence de vente). Les deux définitions se répondraient donc l’une à l’autre pour une meilleure accessibilité.

• la proposition de l’avant-projet relative au régime des promesses unilatérales à durée déterminée (art. 1589 de l’avant-projet), cette proposition étant satisfaisante.

• la proposition de l’avant-projet Capitant, reprise par l’avant-projet commenté (art. 1588, al. 3), d’appliquer, en tant que de raison, les règles du contrat promis au contrat de promesse unilatérale. La règle est simplement élargie, au-delà de la seule promesse unilatérale de vente.

Art. 9 : Une somme d’argent peut être convenue dans la promesse unilatérale de contrat, en contrepartie de l’exclusivité consentie au bénéficiaire. Son montant est sans effet sur le caractère unilatéral de la promesse.

Elle est acquise au promettant si le bénéficiaire choisit de ne pas lever l’option. En cas de conclusion du contrat promis, elle s’impute, le cas échéant, sur le prix.

Cet article reprend les deux premiers alinéas de l’article 1590 proposé, en élargissant la formulation à tous les contrats de promesse unilatérale. Ils ne sont pas absolument nécessaires, mais consacrent une pratique contractuelle bien établie. Par ailleurs, la requalification de la promesse unilatérale de contrat, en contrat assorti d’une clause de dédit, lorsque la somme d’argent demandée porte une atteinte manifestement excessive à la liberté de ne pas opter n’est pas reprise. Cette requalification est, en effet, susceptible de brouiller la frontière entre les clauses d’indemnité d’immobilisation et de dédit, voire de laisser entendre qu’un dédit ne peut être accordé qu’à titre onéreux, ce qui briserait la jurisprudence actuelle18. En outre, elle ne « sanctionne » en rien la prétendue « atteinte manifestement excessive à la liberté du bénéficiaire », dont la situation est inchangée après la requalification : il doit toujours payer le prix prévu pour se dégager du contrat. En revanche, il est important de clarifier le droit positif sur ce point, et ce même si la potentielle suppression de l’enregistrement des promesses unilatérales supprimera l’essentiel du contentieux. La solution juridiquement la plus sûre est de considérer que le montant du prix n’a pas d’effet sur le caractère unilatéral de la promesse. Comme l’avait fort bien expliqué la Cour de cassation dans son arrêt du 1er décembre 201019, le bénéficiaire est toujours juridiquement libre d’opter, ou non, indépendamment du prix de l’exclusivité. Dès lors qu’il a accepté de se placer dans cette situation, il doit l’assumer, sauf à démontrer qu’il n’a consenti que sous l’effet d’un vice du consentement, en ce compris l’abus de dépendance. Il n’est donc pas nécessaire d’introduire une règle spéciale sur ce point, le bénéficiaire étant suffisamment armé par le droit commun des contrats.

Art. 10 : La révocation de la promesse pendant le temps laissé au bénéficiaire pour opter n’empêche pas la formation du contrat promis.

Cet article reprend l’alinéa 2 de l’actuel article 1124 du code civil qui, brisant la jurisprudence Cruz du 15 décembre 199320, a consacré l’inefficacité de la rétractation du promettant. Il annonce les articles suivants qui traitent de l’hypothèse dans laquelle le promettant ne s’est pas contenté de tenter de se rétracter, mais a conclu le contrat promis avec un tiers.

Art. 11 : Si le contrat promis au bénéficiaire est conclu avec un tiers en violation de la promesse unilatérale, le bénéficiaire peut obtenir, sur le fondement des articles 1231-1 et suivants, des dommages et intérêts du promettant.

Le bénéficiaire peut également obtenir des dommages et intérêts du tiers qui avait connaissance de l’existence de la promesse unilatérale violée, sur le fondement de l’article 1240.

Art. 12 : Si le contrat passé avec le tiers empêche, même partiellement, l’exécution du contrat promis, le bénéficiaire peut en demander la nullité, s’il démontre que le tiers connaissait l’existence de la promesse unilatérale.

Par exception, l’inexécution d’une promesse unilatérale de contrat réel ne se résout qu’en dommages et intérêts.

L’article 11 énonce que le bénéficiaire peut obtenir des dommages et intérêts en cas de conclusion du contrat promis avec un tiers. Il précise que ces dommages et intérêts peuvent être réclamés au promettant (sur le fondement de la responsabilité contractuelle) et au tiers (sur le fondement de la responsabilité délictuelle), le tiers étant en faute dès lors qu’il a conclu le contrat en connaissance de l’existence de la promesse unilatérale.

Cet article comble, d’abord, un vide textuel. Il ne fait pas de doute, en droit positif, que le bénéficiaire peut obtenir des dommages et intérêts du promettant et/ou du tiers. Reste que l’actuel article 1124 du code civil ne le précise pas, à la différence de l’article 1123 qui traite du pacte de préférence. Il y a donc un défaut de symétrie entre les textes.

Il a vocation, ensuite, à préciser les contours de la faute délictuelle du tiers. La seule connaissance de la promesse suffirait, indépendamment de la connaissance, par le tiers, de la volonté du bénéficiaire de lever l’option. Il faut donc lire cette proposition à l’aune de celle relative au pacte de préférence (v. Avant-projet de réforme du droit des contrats spéciaux : le pacte de préférence de vente). Les conditions d’engagement de la responsabilité du tiers seraient ainsi identiques en cas de violation d’un pacte de préférence et d’une promesse unilatérale de contrat. Dans les deux cas, la connaissance de l’avant-contrat par le tiers serait nécessaire, mais suffisante.

En outre, et à la même condition, l’article 12, alinéa 1er, énonce que le bénéficiaire peut demander la nullité du contrat passé entre le promettant et le tiers. Tout juste est-il précisé, ce qui fait défaut en droit positif, que l’annulation ne peut être demandée que si le contrat passé en violation de la promesse fait obstacle, même partiellement, à l’exécution du contrat promis. Si tel n’est pas le cas, il suffit en effet au bénéficiaire de lever l’option ; il n’a donc pas intérêt à demander la nullité du contrat passé avec le tiers. Par ailleurs, cette proposition corrige la maladresse rédactionnelle de l’article 1124 qui précise que « le contrat conclu en violation de la promesse unilatérale avec un tiers qui en connaissait l’existence est nul ». Or les nullités de plein droit n’existent plus depuis la consécration de la théorie moderne des nullités. Le contrat passé en violation de la promesse n’est pas nul ; il est annulable à la demande du bénéficiaire, ce qui fait de cette nullité une nullité relative.

La différence de régime entre le pacte de préférence et la promesse unilatérale est, par ailleurs, reprise. Il est plus simple de demander la nullité du contrat passé en violation de la promesse unilatérale que la nullité du contrat passé en violation du pacte de préférence. Dans cette deuxième hypothèse, il faudra, en effet, démontrer que le tiers connaissait, et l’existence du pacte et la volonté du bénéficiaire de s’en prévaloir. En logique, cette différence peut surprendre. Elle résulte peut-être d’une inadvertance du législateur de 2016 qui avait réintroduit, in extremis, la condition relative à la connaissance de l’intention du bénéficiaire, dans le régime du pacte de préférence21. Il n’est toutefois sans doute plus temps de modifier cette règle, et ce afin de ne pas compliquer l’application de la loi dans le temps.

Enfin, l’alinéa 2 de l’article 12 vient intégrer, dans le droit commun de la promesse unilatérale de contrat, une règle que la commission a consacrée à propos du prêt désintéressé et du dépôt, à savoir que la promesse unilatérale de prêt désintéressé22 et de dépôt23 ne se résout, en cas d’inexécution, qu’en dommages et intérêts (v. M. Delattre, La formation du contrat de prêt). En effet, lorsque le contrat promis est réel, ce qui est le cas des deux contrats cités, la levée d’option par le bénéficiaire ne suffit pas à entraîner la formation du contrat promis. Encore faut-il que la chose soit remise. Or, si l’on pouvait forcer cette remise, il n’y aurait plus de distinction entre le contrat de promesse et le contrat réel promis. Dès lors, l’inexécution de la promesse unilatérale de contrat réel ne peut se résoudre qu’en dommages et intérêts, obtenus du promettant ou du tiers, conformément à l’article 10 de la présente proposition, le bénéficiaire n’ayant pas intérêt à obtenir l’annulation du contrat passé avec le tiers. Cette règle est nécessaire afin que soit respectée la particularité des contrats réels, quoique l’on puisse penser, par ailleurs, de cette catégorie de contrats…

 

Notes

1. Avant-projet, art. 1877-1 et 1877-2.

2. Avant-projet, art. 1921 et 1922.

3. C. civ., art. 1589.

4. V. Dictionnaire de l’Académie française, Valoir.

5. Avant-projet Capitant, art. 20.

6. Com. 27 janv. 2021, n° 18-22.492, D. 2022. 310, obs. R. Boffa et M. Mekki ; RTD civ. 2021. 400, obs. H. Barbier .

7. On notera que cette indemnité ne reçoit pas d’appellation dans l’avant-projet, et ce alors qu’elle peut être requalifiée en dédit, v. art. 1590 de l’avant-projet ; v. infra.

8. Com. 9 nov. 1971, n° 70-13.996 ; 8 nov. 1972, n° 71-12.459 ; Civ. 3e, 16 nov. 1994, n° 92-16.099, D. 1995. 279 , obs. F. Magnin .

9. Civ. 1re, 1er déc. 2010, n° 09-65.673, D. 2012. 459, obs. S. Amrani-Mekki et M. Mekki ; AJ fam. 2011. 160, obs. P. Hilt ; RTD civ. 2011. 111, obs. J. Hauser ; ibid. 346, obs. B. Fages ; ibid. 379, obs. B. Vareille  : « Attendu qu’ayant retenu, d’une part, qu’aux termes de l’acte du 6 mai 1958 une seule partie, les vendeurs, s’était engagée de manière ferme et définitive, envers le candidat acquéreur, qui prenait acte de l’engagement mais qui de son côté ne s’engageait pas, à conclure le contrat définitif, disposant d’une option lui permettant dans l’avenir de donner ou non son consentement à la vente et que le versement d’un dépôt de garantie d’un montant presque égal au prix de la vente ne préjudiciait en rien à la qualification de cet acte ».

10. Civ. 3e, 26 sept 2012, n° 10-23.912, D. 2013. 391, obs. S. Amrani-Mekki et M. Mekki ; AJDI 2012. 782 ; RTD civ. 2012. 723, obs. B. Fages .

11. « Si la vente a été faite avec faculté de dédit, l’acquéreur peut se rétracter en abandonnant au vendeur la somme convenue. »

12. Civ. 3e, 16 nov. 1994, n° 92-16.099 (requalification refusée), D. 1995. 279 , obs. F. Magnin  ; Com. 13 févr. 1978, n° 76-13.429 (requalification admise).

13. V. la note de présentation des textes sur la vente.

14. Compte tenu de son importance, l’article 1591 fera l’objet d’un commentaire autonome.

15. Civ. 3e, 27 mai 1987, n° 85-18.319.

16. Civ. 3e, 28 juin 2006, n° 05-16.084, D. 2006. 2439 , note M. Behar-Touchais ; AJDI 2007. 594 , obs. F. Cohet-Cordey ; RTD civ. 2006. 755, obs. J. Mestre et B. Fages .

17. P. Brun, Nature juridique de la clause de substitution dans le bénéfice d’une promesse unilatérale de vente : une autonomie de circonstance ?, RTD civ. 1996. 29 .

18. Com. 30 oct. 2000, n° 98-11.224, D. 2001. 3241 , obs. D. Mazeaud .

19. V. supra.

20. Civ. 3e, 15 déc. 1993, n° 91-10.199, D. 1994. 507 , note F. Bénac-Schmidt ; ibid. 230, obs. O. Tournafond ; ibid. 1995. 87, obs. L. Aynès ; AJDI 1994. 384 ; ibid. 351, étude M. Azencot ; ibid. 1996. 568, étude D. Stapylton-Smith ; RTD civ. 1994. 584, obs. J. Mestre .

21. Il faut se souvenir que, dans l’avant-projet d’ordonnance de 2015, le bénéficiaire pouvait demander la nullité du contrat conclu en violation du pacte à la seule condition de prouver que le tiers avait eu connaissance de l’existence du pacte de préférence avant de contracter.

22. Avant-projet, art. 1877-1.

23. Avant-projet, art. 1921 au sujet de la promesse de remise. En revanche, la solution semble contraire pour la promesse de recevoir, v. art. 1922.