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Article
Action en responsabilité consécutive à un autre litige et point de départ de la prescription
Action en responsabilité consécutive à un autre litige et point de départ de la prescription
Dans deux arrêts rendus le 19 juillet 2024, une chambre mixte de la Cour de cassation a pu décider que le point de départ de la prescription d’une action en responsabilité liée à un autre litige n’est pas fixe mais varie en fonction du type d’action considérée.
par Cédric Hélaine, Docteur en droit, Chargé d'enseignement à l'Université d'Aix-Marseillele 9 septembre 2024
Le 19 juillet 2024, la Cour de cassation a mis à disposition, sur son site internet, deux décisions de justice importantes concernant le point de départ de la prescription extinctive. La réunion d’une chambre mixte n’est jamais anodine puisqu’elle témoigne d’une affaire croisant les attributions de plusieurs chambres de la Cour ou lorsque ladite affaire cristallise des divergences de position entre celles-ci (S. Guinchard, A. Varinard et T. Dabard, Institutions juridictionnelles, 16e éd., Dalloz, coll. « Précis », 2021, p. 915, n° 781).
Or, en matière de point de départ de la prescription extinctive lors d’une action en responsabilité consécutive à un autre litige, les solutions dégagées par la cour de cassation diffèrent lorsqu’il s’agit d’une action principale en responsabilité ou d’une action récursoire qui tend à la garantie d’une condamnation. Le but de la réunion de cette chambre mixte était donc de savoir s’il fallait unifier les positions retenues ou maintenir la divergence en fonction de chaque type d’action. La mise en ligne en libre accès d’un communiqué et des documents préparatoires (rapport du conseiller rapporteur et avis de l’avocat général) se révèle fort utile pour comprendre tous les enjeux de cette interrogation aussi pratique que cruciale.
Commençons par rappeler les faits dans les deux pourvois.
- Dans l’affaire n° 20-23.527, un acte authentique conclu le 27 mars 1998 permet à des parents de céder les actions de leur société à leurs cinq enfants, le tout sous condition suspensive de la cession de ces mêmes titres à une tierce société avant le 31 janvier 1999. Un second acte du 30 mars 1998 vient assurer une seconde transmission de la nue-propriété des actions ainsi cédées, dans un premier temps, aux enfants des donataires et ce sous une condition suspensive identique. Voici que le 15 juin suivant, la condition suspensive est réalisée. L’administration fiscale étudie de près, quelques temps plus tard, ce montage juridique et en déduit que le but projeté de l’opération était d’éluder le paiement de l’impôt sur la plus-value. Un redressement est donc notifié le 7 décembre 2001 aux donataires pour un montant de 6 226 893 €. L’avis de mise en recouvrement est notifié le 30 septembre 2002. Tous les recours contre cette décision administrative échouent par différents arrêts en date du 29 avril 2011, du 10 juin 2011, du 6 juillet 2011 et du 24 novembre 2011 rendus par la cour administrative d’appel compétente. Les pourvois contre ces décisions sont déclarés non admis par le Conseil d’État par arrêts du 22 février 2012 et du 21 mai 2012. Ces dates seront importantes, comme nous allons le voir. Le 14 novembre 2013, les différents donataires et leurs ayants droit font assigner le notaire et la société notariale en responsabilité et en indemnisation. Les juges du fond décident de déclarer prescrite l’action en considérant que la prescription quinquennale a commencé à courir à partir de la notification par le Trésor Public de l’avis de mise en recouvrement, soit le 30 septembre 2002. Les donataires décident, par conséquent, de se pourvoir en cassation en estimant que la seule date utile pour fixer le point de départ de la prescription doit être le jour de la décision irrévocable de condamnation.
- Dans l’affaire n° 22-18.729, c’est un partage successoral qui est à l’origine du litige. Le 5 juillet 2006, un notaire établit un acte de notoriété d’une succession où le conjoint survivant est en concours avec des héritiers réservataires. Le conjoint successible disposait, en l’espèce, à la fois de ses droits légaux mais également d’une libéralité. En janvier 2008, un contrat sous seing privé pose les jalons d’un partage amiable entre les héritiers du de cujus en présence et sous le contrôle des avocats des parties. Voici que le 12 avril 2010, le conjoint successible assigne le notaire en estimant que celui-ci ne l’avait pas correctement renseigné sur la possibilité d’un cumul entre sa vocation ab intestat et la libéralité dont il bénéficiait. Par arrêt du 21 septembre 2016, le notaire est condamné à régler au conjoint successible demandeur à l’action des dommages-intérêts afin de réparer un préjudice de perte de chance. Le 21 décembre 2017, le notaire et ses assureurs assignent l’avocat du conjoint successible en estimant que ledit avocat avait pu participer au dommage subi lequel avait causé la condamnation du seul notaire en date du 21 septembre 2016. L’action est déclarée prescrite par les juges du fond en cause d’appel. Ces derniers considèrent que la prescription de l’action récursoire avait commencé à courir dès le moment où le notaire avait été assigné en responsabilité civile par sa cliente. Le notaire et ses assureurs se pourvoient en cassation en estimant que le point de départ de la prescription ne peut être fixé qu’au jour où la décision de justice qui a retenu la responsabilité de l’officier ministériel a été rendue.
La réunion d’une chambre mixte s’explique, en très grande partie, en raison de la difficulté de la question posée par la divergence de jurisprudence que l’on peut observer entre le traitement des actions principales en responsabilité civile et celui des actions récursoires. Les décisions étudiées montrent à quel point cette différence de traitement entre les actions est...
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