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Affaire Fiona : les raisons de la libération de Cécile Bourgeon

Devant la cour d’assises, tout arrêt statuant sur un incident contentieux doit, à peine de nullité, être motivé.

par Dorothée Goetzle 26 février 2019

Les nullités entachant la procédure suivie devant la cour d’assises saisie en premier ressort peuvent faire l’objet d’une exception soulevée devant la cour d’assises d’appel. La cour statue par arrêt rendu conformément à l’article 316 du code de procédure pénale, qui peut être attaqué par la voie du pourvoi en cassation en même temps que l’arrêt au fond (Crim. 4 nov. 2015, nos 14-86.836 et 14-86.661, Dalloz actualité, 20 nov. 2015, obs. D. Goetz isset(node/175629) ? node/175629 : NULL, 'fragment' => isset() ? : NULL, 'absolute' => )) .'"'>175629). Selon le texte précité, tous les incidents contentieux sont réglés par la cour, le ministère public, les parties ou leurs avocats entendus. Ces arrêts ne peuvent préjuger du fond. Ils ne peuvent être attaqués par la voie du recours en cassation qu’en même temps que l’arrêt sur le fond. 

En l’espèce, l’ex-beau père et la mère de la petite Fiona, 5 ans, et dont le corps n’a jamais été retrouvé depuis sa disparition en mai 2013, formaient un pourvoi en cassation contre l’arrêt de la cour d’assises de la Haute-Loire qui, le 11 février 2018, les avait condamnés à vingt ans de réclusion criminelle pour coups mortels aggravés et délits connexes. Parmi les moyens soulevés par les requérants, la Cour de cassation se concentre sur le quatrième moyen, relatif à la violation des articles 591 et 593 du code de procédure pénale.

Il était, dans ce moyen, reproché à l’arrêt incident du 5 février d’avoir rejeté, sans être motivé, la demande de la mère de Fiona tendant au renvoi de l’affaire. Cette demande de renvoi était notamment fondée sur les difficultés de l’intéressée à assurer sa défense (sommeil insuffisant, nourriture insuffisante). Les requérants reprochent à la cour d’appel d’avoir rejeté cette demande de renvoi en s’abstenant totalement de s’expliquer sur ces circonstances.

La Cour de cassation rappelle, au visa des articles 316 et 593 du code de procédure pénale, le principe connu selon lequel devant la cour d’assises, tout arrêt statuant sur un incident contentieux doit, à peine de nullité, être motivé. En l’espèce, la décision de rejet de la demande de renvoi de l’affaire à une audience ultérieure n’était pas motivée. Nécessairement, cette décision a méconnu le sens et la portée du principe rappelé par la haute juridiction. En conséquence, et sans examiner les autres moyens de cassation, la chambre criminelle casse et annule avec renvoi l’arrêt de la cour d’assises ayant condamné les requérants à vingt ans de réclusion criminelle et celui ayant prononcé le retrait de l’autorité parentale de la mère de Fiona sur ses enfants mineurs.

Conséquence pratique immédiate de cette cassation, la mère de Fiona est sortie de détention. En effet, comme l’arrêt de la cour d’assises d’appel a été annulé, il fallait se reporter à la décision prononcée lors du premier procès. Or, en 2016, la cour d’assises du Puy-de-Dôme avait acquitté la mère de Fiona pour les coups mortels et l’avait condamnée à cinq ans d’emprisonnement pour avoir fait croire à un enlèvement de l’enfant. En septembre 2018, elle avait exécuté cette peine. Elle ne pouvait donc plus être détenue, faute de titre de détention valable.

La position de la chambre criminelle n’est pas surprenante. Il n’est en effet pas nouveau que l’arrêt statuant sur l’incident contentieux doit répondre aux chefs péremptoires des conclusions et être motivé. La Cour de cassation, par référence à l’obligation générale de motivation des arrêts de l’article 593 du code de procédure pénale, a toujours censuré l’absence totale de motifs de l’arrêt incident (Crim. 9 oct. 1974, n° 74-91.277, Bull. crim. n° 284 ; D. 1974. IR 227), mais aussi la simple affirmation de ce qu’il y a lieu de rejeter la demande (Crim. 12 déc. 1946, Bull. crim. n° 230), le fait de se borner à excuser l’absence d’un témoin pour rejeter une demande de renvoi pour qu’il puisse être entendu (Crim. 28 oct. 1975, n° 75-91.466, Bull. crim. n° 226 ; D. 1975. IR 235), le fait de répondre que la violation invoquée concerne une obligation légale hors de la compétence de la cour d’assises, alors que celle-ci devait se prononcer sur la réalité des faits invoqués (Crim. 30 juin 2010, nos 09-82.582 et 09-82.832, Dalloz actualité, 6 juill. 2010, obs. S. Lavric isset(node/136673) ? node/136673 : NULL, 'fragment' => isset() ? : NULL, 'absolute' => )) .'"'>136673).