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Agression d’un parachutiste, atteinte à l’intimité dans les douches et vengeance imbécile au bureau : aux audiences correctionnelles de militaires

Une fois par mois, la justice parisienne se penche sur des délits commis par des militaires en service. Reportage à la 10e chambre correctionnelle du Tribunal judiciaire de Paris.

par Gabriel Thierry, Journalistele 25 octobre 2023

Les trois hommes trapus, tout en muscles et cheveux très courts, s’approchent prestement de la barre. Il est 18h, il fait encore chaud à Paris, ces trois parachutistes sont venus en polo et en tee-shirt au Tribunal judiciaire de Paris. Charlélie, Nahim et Romain sont jugés pour une agression violente commise à Niamey, la capitale du Niger, en septembre 2020. À quelques mètres d’eux, leur victime, Grégory, un ancien parachutiste de leur régiment. Prudent, il reste au départ à côté de ses conseils avant de s’installer sur le strapontin. Ce jeudi 19 octobre, le programme de la 10e chambre correctionnelle est couleur kaki, avec un plaider coupable et trois dossiers qui concernent des militaires: une atteinte à l’intimité sur un camp militaire, une vengeance imbécile depuis les constructions modulaires de l’École militaire et cette agression au Niger.

Une fois par mois, la juridiction parisienne se penche en effet sur des affaires commises par des soldats dans l’exercice de leurs fonctions. S’il existe neuf juridictions de droit commun spécialisées en matière militaire en France, celle de Paris a une compétence élargie qui couvre les infractions commises hors de France ou en opérations extérieures. Le parquet compte également une section spécialisée, AC3, dédiée aux affaires militaires. Ce jeudi, c’est la substitute Aurélie Balligand qui représente le ministère public. « Le thème de l’audience, c’est les comportements non dignes dans l’exercice des fonctions », résume-t-elle un peu plus tard dans un dossier.

« On débat ici »

Tropisme militaire ou simple coïncidence, l’audience de la 10e chambre commence d’ailleurs tambour battant à 13h31, là où d’autres chambres sont elles adeptes du quart d’heure picard. Ce jeudi, l’audience s’annonce chargée, et la présidente, lunettes à montures rouges flashy sur les yeux, avertit. Elle ne veut pas avoir à renvoyer un dossier ni expédier les échanges dans cette chambre. « On débat ici », dira-t-elle plus tard. Le premier à se présenter à la barre, c’est Jérémie, pour un plaider coupable. Ce grand gaillard venu en uniforme est poursuivi pour une alcoolisation excessive au Liban. Le parquet a proposé une peine de six mois avec sursis, avec dispense d’inscription au bulletin numéro 2, le casier judiciaire.

« Vous l’avez accepté? Vous avez de la chance », commente la présidente. Le prévenu a déjà trois condamnations à son actif, dont deux liées à une conduite en état d’ivresse. « Votre chance, c’est qu’il s’agissait d’infractions de droit commun, sinon, vous n’auriez pas eu droit au sursis », précise-t-elle, étonnée d’une peine qui peut paraître « très clémente ». « Vous allez régler ce problème d’alcoolisme? », Jérémie opine de la tête. Il est actuellement hospitalisé et en arrêt pour une durée indéterminée. « Pas d’opposition à l’homologation », signale la présidente, rassurée. « Il faut que je signe quelque chose? », demande-t-elle.

La vengeance « imbécile »

Le tribunal embraye aussitôt avec le dossier suivant. Michel (*), quasi quinquagénaire, est poursuivi pour usurpation d’identité et appels téléphoniques...

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