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Démembrement de la propriété : appréciation (très facilitée) de la libre disposition et de la bonne foi du mineur

Lorsque le juge ordonne la saisie d’un bien à la libre disposition d’une personne sur le fondement de la saisie de patrimoine, il doit, après avoir établi que les tiers titulaires de droits sur ce bien ne sont pas de bonne foi, apprécier d’office le caractère proportionné de l’atteinte portée par la mesure au droit de propriété tant de la personne ayant la libre disposition du bien saisi que des tiers faisant valoir des droits sur ce bien. L’appréciation de la libre disposition du bien et de l’absence de bonne foi des tiers mineurs peut, notamment, résulter de la circonstance de ce que le représentant légal n’aurait procédé à ce démembrement du droit de propriété que pour faire échapper le bien à d’éventuelles saisies ou confiscations, et savait en conséquence que les mineurs n’étaient pas les titulaires économiques réels des droits de nue-propriété sur le bien. L’absence d’atteinte disproportionnée aux droits des nus-propriétaires peut résulter de cette circonstance de fictivité de leurs droits.

Dans le cadre d’une information suivie contre une personne des chefs d’escroqueries, travail dissimulé, en bande organisée, non-remise d’un contrat au consommateur, obtention d’un paiement avant le délai de sept jours, pratique commerciale trompeuse, abus de faiblesse et blanchiment, le juge d’instruction ordonne en 2021 la saisie d’un bien immobilier dont le mis en examen est usufruitier, ses deux enfants – âgés de dix-sept et quatorze ans au jour de la saisie – en étant nus-propriétaires. Le mis en examen, tant en son nom propre qu’en sa qualité de représentant légal de ses enfants, interjette appel de l’ordonnance de saisie.

Les motifs de l’arrêt confirmatif de saisie

En janvier 2024, la chambre de l’instruction confirme la décision du juge. Elle considère aux termes de son arrêt, qui ressortent de celui de la Cour de cassation, que le bien immobilier a fait l’objet d’une donation entre vifs en avancement de parts successorales, la nue-propriété étant attribuée aux enfants mineurs du mis en examen, ce dernier conservant l’usufruit, et que ce dernier a fixé son adresse dans cet immeuble et paye les impôts afférents. S’agissant des enfants, la chambre de l’instruction observe qu’étant mineurs et exerçant l’activité d’écoliers, ils ne disposent « ni des moyens financiers, ni de la capacité juridique pour assumer les charges de l’immeuble relevant de la nue-propriété », pour conclure que « cette donation relève d’un arrangement familial mais qu’il apparaît bien que [le mis en examen] bénéficie de la libre disposition de cet immeuble ». Les juges ajoutent qu’il a sollicité et obtenu un aménagement de peine dans le cadre d’une détention à domicile sous surveillance électronique en ce lieu, et qu’il ne résulte d’aucun élément de sa demande qu’un accord a été recueilli auprès du maître des lieux, ce qui confirme qu’il a la libre disposition de l’immeuble.

Un pourvoi est interjeté par le père et les enfants, qui donne à la Cour de cassation l’occasion de se prononcer sur les modalités d’appréciation des notions de libre disposition et de bonne foi dans l’hypothèse du démembrement d’un bien immobilier au...

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