Accueil
Le quotidien du droit en ligne
-A+A
Article

Devant le CSM, une première présidente, et l’ombre d’un énième conflit d’intérêts

Se tenait mercredi 18 octobre une nouvelle audience disciplinaire sur fond de règlement de comptes de l’avocat devenu garde des Sceaux. Entre question sur la compétence de la Première ministre pour signer l’acte de saisine et interrogation sur l’intérêt des poursuites engagées.

par Antoine Bloch, Journalistele 20 octobre 2023

À quelques jours de la comparution d’Éric Dupond-Moretti devant la Cour de justice de la République (CJR), cette audience disciplinaire était un peu, pour le Garde des sceaux, la dernière occasion de démontrer le bien-fondé d’une procédure interne visant (ici indirectement) un magistrat avec lequel il avait croisé le fer comme avocat. Cette fois, il s’agit d’une magistrate du siège, à savoir Marie-Laure Piazza, ancienne Première présidente de la Cour d’appel (CA) de Cayenne (Guyane), qui a depuis rejoint la chambre criminelle. C’est d’ailleurs inédit, puisque l’unique précédent de poursuites devant le Conseil supérieur de la magistrature (CSM) d’un chef de cour – c’était au siècle dernier – concernait un procureur général. Dans ce dossier, le ministre a originellement ordonné un simple « examen de situation », en 2021. Alors qu’un tel examen consiste théoriquement à faire un état des lieux de l’organisation d’une juridiction, sans viser aucun magistrat en particulier, celui-ci, mené notamment par deux cadres de l’administration pénitentiaire (!), recommande finalement chaudement le départ immédiat de la première présidente. Quelques mois plus tard, en vertu des fameux décrets de déport, Jean Castex, alors Premier ministre, ordonne une enquête administrative de l’Inspection générale de la justice (IGJ). Puis Élisabeth Borne, qui lui succède, saisit la formation disciplinaire du CSM.

Mais, à en croire la magistrate poursuivie, l’affaire démarre en fait cinq ans plus tôt, en métropole. En septembre 2016, s’apprêtant à présider un procès d’assises à Bastia (Haute-Corse), elle subit dans les couloirs les foudres de « Dupond », lequel assiste l’un des accusés. « Je l’ai toujours respecté », explique-t-elle au cours de son – interminable – propos liminaire devant le CSM, « et j’ai toujours respecté sa fonction. Jusqu’au jour où tout a dégénéré. […] J’ai subi des menaces, des hurlements. […] Pendant quatre jours, [ç’a été] un carnage : j’ai eu droit à des clins d’œil, des mouvements de langue, un avocat qui se grattait la braguette… Je n’avais jamais connu une telle violence de sa part ». Au cœur du litige ? Un autre procès d’assises qui s’était tenu six mois plus tôt à Ajaccio (Corse-du-Sud). « EDM » reproche à Piazza d’avoir à cette occasion influencé les jurés : il affirme d’ailleurs tenir de plusieurs d’entre eux des attestations en ce sens. Selon la magistrate, c’est en fait une assesseure professionnelle qui a livré à l’avocat une vision toute personnelle des coulisses des délibérations : « Je me dis qu’il n’y a qu’elle qui avait intérêt à raconter n’importe quoi. […] Il n’aurait pas pu croire...

Il vous reste 75% à lire.

Vous êtes abonné(e) ou disposez de codes d'accès :