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Expertise psychiatrique de l’article 164 du code de procédure pénale : interdiction de la visioconférence

À l’occasion de l’examen par un expert auquel se réfère l’article 164, alinéa 3, du code de procédure pénale, l’usage de la visioconférence est interdit. La méconnaissance de cette règle est une cause de nullité de l’expertise que toute partie a qualité pour invoquer, et qui fait nécessairement grief.

par Sofian Goudjil, Auditeur de justicele 7 décembre 2023

L’usage de la visioconférence dans le cadre des procédures judiciaires françaises est désormais courant. Plusieurs textes prévoient ce recours dans certaines situations, pour la procédure relative au droit des étrangers (CESEDA, art. L. 342-7 et L. 743-8), la procédure relative aux hospitalisations sans consentement (CSP, art. L. 3211-12) et, bien sûr, la procédure pénale avec l’article 706-71 du code de procédure pénale.

Ce recours possible à ce moyen de télécommunication a logiquement connu un essor important à l’occasion de la pandémie de covid-19, laquelle a permis de questionner cet usage afin de ne plus considérer la visioconférence comme un palliatif mais comme un réel outil au service de la bonne administration de la justice.

La législation française trouve par ailleurs un écho au niveau européen, de nombreux textes prévoyant le recours à ces techniques modernes de communication s’agissant des auditions de témoins, d’experts, de suspects ou de personnes poursuivies (v. par ex, le 2e Protocole additionnel à la Convention européenne d’entraide judiciaire en matière pénale du 8 nov. 2001 ou encore les art. 24 et 25 de la dir. [UE] 2014/41, du Parlement européen et du Conseil du 3 avr. 2014 concernant la décision d’enquête européenne en matière pénale, Dalloz actualité, 13 mai 2014, obs. A. Portmann).

En dépit de cette législation désormais foisonnante, aucune disposition interne ou européenne ne prévoit le recours à la visioconférence lors de la réalisation d’expertises. C’est dans ce silence du législateur, tant national qu’européen, que la chambre criminelle a, dans un arrêt important du 22 novembre 2023, jugé qu’en l’état des textes, un tel recours à la visioconférence pour la réalisation d’expertises dans le cadre d’une procédure pénale n’était pas possible.

En l’espèce, un homme a été victime de violences le 21 juillet 2021 et en est décédé trois jours plus tard. Une information a été ouverte et cinq personnes ont été mises en examen pour meurtre. Dans ce cadre, le juge d’instruction a ordonné des expertises psychiatriques des personnes mises en examen. Or les entretiens entre l’expert et ces dernières se sont déroulées en visioconférence.

L’un des mis en examen a sollicité une contre-expertise mais le juge d’instruction a rejeté cette demande par ordonnance du 3 mai 2022. L’intéressé a interjeté appel de cette décision, déposant en outre une requête en annulation de toutes les pièces relatives à l’expertise susvisée.

Par deux arrêts en date du 28 octobre 2022, la chambre de l’instruction de la Cour d’appel de Rennes a dit n’y avoir lieu à annulation, d’une part, et a confirmé l’ordonnance du juge d’instruction rejetant la demande de contre-expertise, d’autre part. Débouté, l’appelant a formé des pourvois en cassation à l’encontre de ces deux arrêts.

La chambre criminelle a rejeté le premier moyen invoqué portant sur l’application des articles 194 et 197, alinéa 3, du code de procédure pénale aux termes desquels le procureur général doit déposer ses réquisitions au plus tard la veille de l’audience de la chambre de l’instruction, devant laquelle la procédure est écrite. Le demandeur en pourvoi arguait que la chambre de l’instruction, dans son arrêt disant n’y avoir lieu à annuler les pièces relatives à l’expertise visée, s’était limitée à faire état des réquisitions écrites du procureur général en date du 9 juin 2022 sans préciser que ces réquisitions ont été déposées au...

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