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Final cut pour la défense du droit voisin du producteur de rushes non montés ?

Rendu sur renvoi après cassation, l’arrêt de la cour d’appel de Versailles du 18 octobre 2022 déboute un producteur de ses demandes notamment au titre de la contrefaçon de son droit voisin du producteur de vidéogramme, dans une affaire où une université avait exploité des rushes non montés, sans autorisation du producteur ni du réalisateur.

Le droit voisin du producteur de vidéogramme sur les rushes (épreuves de tournage) non montés d’un film documentaire sur la théorie de la relativité n’est pas relatif ni subordonné au droit d’auteur, mais autonome. Cela a été salutairement rappelé par la Cour de cassation dans un important arrêt rendu par sa première chambre civile le 16 juin 2021 (Civ. 1re, 16 juin 2021, n° 19-21.663 P, Dalloz actualité, 7 juill. 2021, obs. N. Maximin ; D. 2021. 1183 ; Dalloz IP/IT 2021. 510, obs. Guillem Querzola ; Légipresse 2021. 326 et les obs. ; RTD com. 2021. 815, obs. F. Pollaud-Dulian ; CCE 2021. Comm. 71, note P. Kamina et 2022, chron. 8 note B. Montels ; Propr. intell. 2022, n° 82, p. 50 obs. J.-M. Bryuguière ; Lexbase quotidien 28 juin 2021, obs. V. Téchené ; LGP 13 juill. 2021, n° 26, p. 30 obs. C. Berlaud; LEPI sept. 2021, n° 200g1, p. 4 obs. A. Zollinger ; Màj IRPI sept. 2021, n° 30, p. 3, obs. F. Berthillon).

L’exercice de ce droit de propriété intellectuelle n’est pas subordonné à l’autorisation du producteur et des auteurs qui détiendraient des droits d’auteur sur l’œuvre audiovisuelle commandée et produite dans le cadre d’un contrat de production audiovisuelle. Sauf, peut-être, dans le cas où la condition entrerait dans le champ contractuel. En vertu du droit, le producteur de vidéogramme jouit d’un droit exclusif sur la première fixation de toute séquence d’images sonorisée ou non, dont il a eu l’initiative et la responsabilité (CPI, art. L. 215-1). Tel est le cas, indépendamment du droit d’auteur qu’il détiendrait sur ces images considérées en tant qu’œuvre, ou du droit qu’il détiendrait sur le vidéogramme de l’œuvre audiovisuelle issue du montage des rushes.

L’arrêt de la cour d’appel de Versailles du 18 octobre dernier, rendu sur renvoi après cassation (Civ. 1re, 21 juin 2021, préc.), se prononce notamment sur la recevabilité et le bien-fondé d’une demande d’un producteur sur le fondement de l’article L. 215-1 du code de la propriété intellectuelle. La décision interpelle, dans la mesure où l’on ne s’attendait pas à la solution retenue sur ce fondement, révélant la difficulté qu’éprouvent les juges à appliquer la règle.

En l’espèce, un institut de recherche, représenté par une université qui l’accueille, avait commandé à une société de production audiovisuelle (le producteur), un film documentaire intitulé Einstein et la relativité générale : une histoire singulière. Le 16 mars 2015, le producteur a conclu avec le réalisateur un contrat de cession de droits d’auteur contenant une clause prévoyant que « ni le réalisateur ni le producteur ne pourraient exploiter les rushes non montés, sans autorisation réciproque expresse et préalable des parties contractantes ». Puis, le 22 juin 2015, le producteur a conclu avec l’université une convention de cession des droits d’exploitation non commerciale sur le film pour une durée illimitée à compter de la date de son achèvement, en contrepartie du financement qu’elle apportait pour la production du film documentaire.

Le producteur soutenait avoir découvert que des vidéogrammes reproduisant, sans son autorisation, le film ainsi que des éléments des rushes issus du tournage non compris dans la version définitive du film, étaient édités et distribués par l’université. Il l’assigne en contrefaçon de droit d’auteur, en responsabilité contractuelle, concurrence déloyale et parasitisme. Par jugement du 6 octobre 2017 (TGI Paris, 3e ch., 3e sect., 6 oct. 2017, n° 16/05094), le tribunal de grande instance de Paris déclare irrecevable l’action en contrefaçon au titre des prises de vues non montées du tournage du documentaire, et déboute le producteur de ses demandes sur les autres fondements.

Le producteur interjette appel, invoquant sa qualité de producteur de vidéogramme des rushes non montés pour faire sanctionner par la contrefaçon l’atteinte à ses droits. La cour d’appel de Paris confirme en toutes ses dispositions le jugement dans un arrêt du 17 mai 2019 (préc.), considérant en outre irrecevable la demande sur le fondement du droit du producteur de vidéogramme. Elle estime en effet que le producteur, faute...

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