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Imbroglio juridique en Allemagne autour d’un prédicateur salafiste
Imbroglio juridique en Allemagne autour d’un prédicateur salafiste
Dans un contexte de polémiques sur la politique migratoire allemande, le cas de Sami A…, prédicateur salafiste d’origine tunisienne soupçonné d’avoir été le garde du corps d’Oussama Ben Laden et que les autorités allemandes ont expulsé malgré l’avis de la justice, illustre les tensions autour des dossiers mêlant droit des étrangers et présomption de terrorisme.
par Gilles Bouvaistle 11 septembre 2018

Tandis que la France apprenait cet été qu’un homme soupçonné avait été remis en liberté avant son procès du fait de l’oubli du renouvellement de sa détention provisoire se déroulait en miroir outre-Rhin un imbroglio juridique qui reflète la complexité des dossiers liés à l’islam radical.
Au cœur de la tempête se trouve le prédicateur salafiste Sami A…, Tunisien de 42 ans résidant depuis 1997 à Bochum, dans l’État-région de Rhénanie-du-Nord-Westphalie, au nord-ouest de l’Allemagne. Il s’agit d’un habitué des prétoires : en 2006, il était cité comme témoin lors du procès de membres de l’organisation Al-Tawhid, affiliée à Al Qaeda et accusée d’avoir préparé plusieurs attentats sur le sol allemand. Ce procès a notamment permis de déterminer que Sami A… est passé par un camp d’entraînement en Afghanistan et qu’il aurait même été l’un des gardes du corps d’Oussama Ben Laden – ce qu’il a toujours contesté. La justice allemande a tranché en 2006 en ordonnant son expulsion. Ayant entre temps déposé une demande d’asile, celle-ci sera donc mise en suspens, avant d’entraîner une série de procédures en appel. Entre 2006 et 2018, son cas aurait fait l’objet de quatorze procédures judiciaires.
Son expulsion a finalement eu lieu, le 13 juillet dernier. Mais cette dernière a déclenché une tempête judiciaire, médiatique et politique. Coordonnée par le ministère de la justice et celui de l’Intégration de l’État-région, elle n’aurait en effet pas dû avoir lieu. À l’inverse de l’appréciation de l’Administration fédérale des migrations et des réfugiés (BAMF) et du ministère fédéral des affaires étrangères, les juges du tribunal administratif de Gelsenkirchen estiment que le risque de torture existe, dans la mesure où le gouvernement tunisien n’a pas envoyé d’assurance diplomatique écrite qu’il ne torturerait pas le prévenu. Raison pour laquelle ils émettent la veille au soir, à la dernière minute, une injonction à ne pas procéder à cette dernière, jugeant trop élevé le risque pour le prévenu de subir des actes de torture dans son pays d’origine. Quand celle-ci parvient aux autorités responsables des étrangers le lendemain matin, il est trop tard : l’avion a décollé en direction de Tunis. La Cour qualifie cette expulsion de « manifestement illégale » et reproche aux administrations responsables d’avoir délibérément omis de mentionner la date prévue de l’expulsion – le ministre de l’intégration Joachim Stamp a semble-t-il délibérément choisi de passer en force en dépit de l’avis négatif de la justice. Le tribunal administratif de Gelsenkirchen exige de la ville de Bochum et son administration en charge des étrangers de rapatrier à ses frais Sami A…, sous peine d’une amende.
L’affaire se déroule en outre dans un contexte hautement inflammable. La presse populaire, notamment l’omniprésent quotidien Bild, alimente au même moment une intense campagne autour de ce dérangeant prédicateur. L’Allemagne qui souhaite à tout prix éviter une répétition de l’affaire Anis Amri, le ressortissant d’origine tunisien qui avait tué onze personnes en fonçant dans la foule de visiteurs d’un marché de Noël en décembre 2016 : ce dernier était sous le coup d’un arrêté d’expulsion, jamais exécuté. La résonance de l’affaire est d’autant plus grande que les polémiques autour de la politique migratoire ont atteint une intensité sans précédent.
La ville de Bochum interjette alors appel dans une procédure accélérée devant la cour administrative d’appel de Munster, qui ordonne à la mi-août à son tour le rapatriement en Allemagne du prévenu. Sans se prononcer sur le fond, elle considère seulement que le non-respect de la décision de l’interdiction d’expulsion entraîne automatiquement son rapatriement. En toile de fond, le gouvernement fédéral tente depuis plusieurs d’années d’obtenir pour la Tunisie le statut de « pays d’origine sûr », ce qui lui permettrait de passer outre cet obstacle juridique. Sans y être parvenu jusqu’ici, faute d’accord entre les deux chambres du Parlement fédéral.
Les politiques s’en mêlent à l’instar d’Herbert Reul, ministre de l’intérieur de l’État-région : selon lui, « l’indépendance des tribunaux constitue un bien précieux, mais les juges devraient toujours garder à l’esprit que leurs décisions doivent correspondre au sens de la justice de la population ». L’opposition de gauche au gouvernement libéral-conservateur ne s’est pas privée de dénoncer « un rapport distordu avec la justice et l’État de droit » et d’évoquer une « crise constitutionnelle ». La chancelière Angela Merkel est obligée d’intervenir et de rappeler dans une interview que « si l’indépendance des institutions n’était plus garantie, notre démocratie ne serait plus intacte ». « Il faut y veiller », ajoutait-elle.
La présidente de la cour administrative d’appel, Ricarda Brandts, prend l’initiative d’une intervention publique pour exprimer son indignation. Soulignant que « les limites de l’État de droit sont testées », elle exprime dans un entretien avec l’agence de presse allemande DPA sa crainte d’une « détérioration des rapports de confiance avec les autorités en charge » des expulsions. Elle rappelle que « les tribunaux et l’administration fonctionnent dans un rapport de confiance fondé sur le respect de la séparation des pouvoirs » : « il ne suffit pas d’en appeler formellement à l’indépendance des tribunaux, celle-ci doit également être vécue dans la pratique dans un État de droit stable comme le nôtre », et ceux-ci doivent pouvoir juger « indépendamment de l’opinion de la majorité ».
Aujourd’hui, Sami A… se trouve toujours en Tunisie, en attente d’une autorisation de quitter le territoire par le gouvernement tunisien et d’un visa d’entrée en Allemagne. Son cas risque donc encore de poser un sérieux casse-tête à l’administration.
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